Depuis près d’un an, les salles de spectacle ne peuvent plus présenter leurs nouvelles créations. Les compagnies trouvent d’autres moyens de rejoindre le public, comme les diffusions numériques.
Le délai est long entre l’écriture, la mise en scène et les représentations d’une pièce de théâtre. Il peut se passer de nombreux évènements qui en modifient parfois le contenu, et même la forme. C’est évidemment le cas à cause du confinement qui est venu interrompre le travail de création théâtrale pour deux longues périodes depuis un an. Le journal Dimanche, dans son numéro 13, donne un écho de la réalité vécue par plusieurs compagnies dans le Hainaut et à Namur.
Une cinquantaine de spectacles ont eu la chance de bénéficier d’une captation filmée, dans le cadre d’un accord entre la ministre de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Bénédicte Linard, et la RTBF. « C’est presqu’une deuxième création qui émerge avec cette captation« , témoigne l’un des bénéficiaires de cette prestation télévisée. Près de 1600 internautes ont regardé la pièce « Les bruits de la vie » sur la plateforme numérique Auvio de la RTBF, si l’on se fie aux statistiques affichées en cette mi-mars. En imaginant que ces spectateurs aient effectivement vu le spectacle dans son intégralité, cela représente bien plus que les quelques personnes qui auraient pu assister à une représentation au château d’Hélécine. Cette pièce est mise en ligne depuis le 24 décembre 2020, comme un cadeau de Noël pour la compagnie Maison éphémère qui a écrit et mis en scène Les bruits de la vie.
Echo du quotidien

(c)Elise Theunissen
Revenons un an et demi en arrière, en novembre 2019 précisément. Brigitte Baillieux et Guy Theunissen qui dirigent la Maison éphémère, sont en résidence pour écrire le texte de leur prochaine pièce. Les auteurs l’envisagent comme une succession de « neuf histoires croisées, un peu comme les nouvelles d’un recueil, qui parlent des gens d’ici et maintenant, juste les bruits de la vie« . Les semaines passent, les comédiens sont déjà recrutés et la mise en scène commence. Le premier confinement vient ralentir ce processus théâtral, tout en alimentant le dialogue de certaines scènes. La scène d’ouverture notamment fait allusion à l’atmosphère anxiogène du moment puisque l’un des personnages envisage de prendre une décision radicale pour elle et son compagnon par crainte de l’avenir. Difficultés financières, accueil des migrants, injustice sociale ou peur de prendre la parole sont quelques-uns des thèmes abordés dans cette pièce, avec un fil conducteur qui emmène d’une scène à l’autre en permettant une certaine légèreté.
Les créateurs de la pièce Les bruits de la vie avaient fait le choix d’une mise en scène pour un public restreint qui se déplacerait en neuf lieux différents du château d’Hélécine. Au fur et à mesure que l’année 2020 se déroule, il devient évident que les représentations prévues en décembre ne pourront avoir lieu. Un premier contact avec un vidéaste réalisateur permet d’envisager la captation du spectacle, puisque « c’est un beau projet sur lequel nous avions travaillé depuis un an« , souligne Brigitte Baillieux. C’est là que la RTBF est intervenue dans le cadre de l’accord précité pour filmer les spectacles qui n’avaient pas pu être joués en public à cause du confinement. Plusieurs caméras sont donc venues enregistrer ce que les spectateurs n’auront pas (pour l’instant) la possibilité de voir sur scène. « Nous avons adapté notre jeu« , précise Brigitte Baillieux, puisqu’ « il n’y avait pas de répondant en face. Pas de rire ou d’applaudissements du public ! » L’autre différence, du point de vue du spectateur, touche à sa liberté de regarder ici ou là sur la scène, alors que la prestation filmée impose un angle de vue au téléspectateur.
Au-delà du coup de main ponctuel permis par la vue de ce spectacle sur Auvio, la Maison éphémère espère pouvoir accueillir le public pour voir la pièce en décembre 2021. « Pour beaucoup de compagnies, reconnait Brigitte Baillieux, les spectacles se créent mais ne peuvent pas être diffusés. » Outre la survie financière des artistes, c’est aussi la programmation théâtrale des prochains festivals et lieux culturels qui est appelée à se réinventer.
Anne-Françoise de Beaudrap
La pièce Les bruits de la vie, d’une durée d’1h26, est visible sur Auvio