Adeline est médecin, spécialisée en pédiatrie. Au cours de la préparation de son mariage religieux avec Mathieu, également médecin, elle a fait part d’une des questions importantes qu’elle se posait, enfant, lors des messes des familles dans sa paroisse: « Quand est-ce que je pourrai enfin recevoir moi-même ce pain si mystérieux? »
La petite croix
C’est vrai que pour un enfant d’une famille pratiquante (par rapport à la liturgie dominicale, car il y a bien entendu d’autres « pratiques » de la vie chrétienne) l’attente est longue.
Chaque dimanche (ou samedi soir, dans son cas), elle peut s’avancer avec sa famille, au moment où le Pain de vie est partagé. Mais elle doit mettre les mains sur son cœur et accueillir la « petite croix » alors que d’autres enfants, des jeunes et des adultes peuvent accueillir le corps du Christ et, heureusement aussi dans cette paroisse, le sang du Christ.
Par contre, comme d’autres « petits », puisqu’elle n’a pas encore « fait sa première communion », elle en est privée.
Le temps de l’attente
En ce qui la concerne, et c’est le cas de nombreux enfants, ce temps de l’attente décuple son envie d’enfin pouvoir recevoir ce pain qui s’entoure de semaine en semaine de plus de mystère. Ne pas recevoir tout de suite ce que l’on désire est donc, dans son cas, une pédagogie rituelle et eucharistique intéressante. Le désir augmente. L’attente est féconde.
Cela correspond à des temps liturgiques comme l’Avent et le Carême. Plusieurs prières d’ouverture de ces temps le soulignent: « Eveille en nous l’intelligence du cœur qui nous prépare à accueillir ton Fils… » (2e Avent A); « Seigneur, ton peuple se prépare… » (3e Avent A); « Accorde-nous de progresser dans la connaissance de Jésus-Christ et de nous ouvrir à sa lumière… » (1er Carême A); « Ne laisse pas nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils… » (2e Avent C).
Ce temps de l’attente peut être vraiment fécond. Pierre Teilhard de Chardin l’adaptait d’ailleurs, par rapport à la venue du Christ, à l’ensemble de l’histoire de l’humanité: « Les prodigieuses durées qui précèdent le premier Noël ne sont pas vides du Christ (…) Ne nous scandalisons plus des attentes interminables que nous a imposé le Messie. » (Tome 9 des Œuvres, Sciences et Christ, Paris, Ed. du Seuil, 1965, p. 90).
Détournement et initiation
Pour beaucoup d’enfants, peut-être même tous, cette attente comporte aussi des questions annexes qui détournent de l’essentiel. Quelques questions d’enfants maintes fois entendues: « Quel goût a ce pain? »; « Qu’est-ce que je vais ressentir de spécial? »; « Mon cœur est-il assez grand quand Jésus sera dedans? »… Les enfants sont souvent encore dans un registre de pensée réaliste et concret tout à fait normal.
Certains prennent peur, ne veulent plus communier. Beaucoup sont déçus le jour de la première communion: « Je n’ai rien senti! »; « C’est pas du pain! »; « Ça n’a pas bon goût! »; « Je n’ai pas vu Jésus! »
Les catéchistes, parents, diacres, prêtres, qui accompagnent le chemin spirituel des enfants doivent anticiper et accompagner ces préoccupations et réactions (et bien d’autres) avant la première eucharistie, pendant la liturgie et dans la suite du cheminement. Il s’agit d’un art catéchétique subtil qui consiste, jusque dans le détail, non à « préparer à la première communion », mais à « initier à l’eucharistie » ce qui n’est pas du tout la même chose. Cette initiation ne sera d’ailleurs jamais terminée. Elle n’est pas du tout propre à l’enfance.