Juste avant la crise du coronavirus, Eva Vromman, enseignante à Roulers, partageait son expérience dans un livre - publié en néerlandais - intitulé "Passion et doute. La foi d'une professeure de religion". "Enseigner est un plaisir pour moi, j'ai rarement l'impression de travailler», écrit-elle. Mais quelle place donner à la connaissance de Dieu?
Rencontrée par notre consoeur de Tertio, Frederique Vanneuville, celle-ci lui a demandé comment elle se sentait maintenant, avec l'enseignement à distance obligatoire et les élèves fatigués du corona. "Je constate que les étudiants se découragent un peu plus". Eva Vromman confirme l'inquiétude sociale croissante concernant le bien-être mental des jeunes. "Les étudiants de sixième année devaient récemment célébrer les "Cent jours" mais, bien sûr, cela n'a pas pu avoir lieu. Ils espèrent pouvoir fêter "cinquante jours" après Pâques, mais … Je pense que l'impact de la pandémie ne doit pas être sous-estimé, en particulier pour les étudiants de sixième année du secondaire et les étudiants de première année de l'enseignement supérieur. Pour eux, beaucoup de choses spéciales disparaissent qui ne reviendront jamais."
Ensemble sur la route
Eva Vromman enseigne à Barnum, une école d'enseignement général à Roulers. Le cours de religion n'a pas été remis en question un seul instant lorsque les règles sur l'enseignement obligatoire à distance sont entrées en vigueur. "Pour le moment, les cours se donnent en classe une semaine sur deux. En ligne, les commentaires des étudiants me manquent et il est difficile d'entamer une conversation. Parfois, nous rencontrons des problèmes techniques. Dans mes cours, je traite souvent de courts fragments vidéo de reportages ou de films et si l'image plante, la leçon est en partie perdue." Parmi les projets que Eva Vromman développe chaque année pour ses étudiants, aucun n'a pu se réaliser à cause des risques liés au corona. "Par exemple, j'emmène généralement des étudiants de cinquième année à Bruxelles et je visite Auschwitz avec des étudiants de sixième année. De tels projets nous permettent de mieux nous connaître par le fait que nous les préparons ensemble. Cela nous manque maintenant. C'est très regrettable. Et pour les étudiants, c'est une opportunité définitivement manquée."
Irréaliste
Le mois dernier, Manon Naert, étudiante de Eva Vromman de 6e Sciences Latines, a remporté la première édition de la Théolympiade, une initiative du site Thomas de la Faculté de Théologie et d'Études Religieuses de Louvain, avec son essai sur "Les relations durables: vers une nouvelle culture de la confiance et de la (des) fidélité(s)" - "Duurzame relaties: naar een nieuwe cultuur van (ver)trouw(en)". [...] Le jury du concours, présidé par le recteur honoraire Marc Vervenne, a été agréablement surpris par le nombre et la qualité des candidatures. La professeur est donc fière de son élève. Ceci dit, le succès de la Théolympiade confirme-t-il pour elle l'idée que les jeunes d'aujourd'hui seraient à nouveau plus ouverts à la religion et à la recherche de sens? "Ce n'est pas ce que je constate", répond-elle. "Yoga et méditation, oui, mais religion et recherche de Dieu? Tous les deux ou trois ans, un étudiant vient me demander où il peut trouver de bonnes célébrations dominicales. Quand j'entends dans les milieux ecclésiaux parler d'un réveil religieux chez les jeunes, je trouve cela irréaliste. Lors du dernier examen, j'ai demandé à mes élèves quelles parties de la matière ils trouvaient les plus et les moins intéressantes. Trois quart de la classe trouvait moins intéressant le chapitre sur le prophète Élie et chercher Dieu dans le silence, avec des extraits du documentaire "Into Great Silence" sur [le monastère de ] la Grande Chartreuse. Je leur ai aussi demandé comment je pouvais améliorer mes leçons. Ils m'ont répondu: "en parlant moins de Dieu et de Jésus". En bref, si vous parlez vraiment du cœur de la foi chrétienne, alors il n'y a aucun intérêt."
Les deux pieds sur terre
Néanmoins, depuis 15 ans qu'elle exerce le métier, Eva Vromman travaille toujours avec plaisir. "Oui, j'aime travailler avec les jeunes. Vous pouvez stimuler ceux qui ne sont pas forcément intéressés par la matière que je donne. Parfois, à la première leçon, j'entre dans la classe et c'est déjà comme: "Pas trop sur Dieu et Jésus, hein!." Dès lors, il s'agit de trouver un équilibre et de les accompagner un peu. Je ne pense pas que se figer soit une option. Sortir ensemble, c'est bien, mais pas toujours (rires). En tant que professeur de religion, vous ne devez pas vous attendre à réaliser je-ne-sais-quoi. Il est préférable d'avoir les deux pieds sur terre. Mais je peux très bien me motiver avec de petites choses. Par exemple, un élève critique qui, après une leçon sur la foi et la science, me dit à quel point il trouvait la leçon intéressante. Ou encore, à la fin de l'été dernier, alors que j'avais peu d'enthousiasme pour préparer la nouvelle année de pastorale scolaire – le thème était "Étonnamment joyeux", alors que je ne me sentais pas si joyeuse. Un courriel est arrivé ce jour-là d'une ancienne élève, partie il y a 5 ans; elle disait combien elle avait bénéficié des réflexions et méditations à l'école."
Non approprié
Eva Vromman trouve que la pastorale scolaire est loin d'être une tâche simple. Les messes obligatoires lui semblent non appropriées. "Je ne pense plus que ce soit possible aujourd'hui. Comme si cela ne nous dérangeait pas que les étudiants rient pendant la célébration plutôt que de ne pas être là. C'est ainsi que nous dévalorisons notre message. Je suis encore plus réticente à une prière matinale obligatoire en classe. Il ne s’agit pas de dire "nous devons oser faire cela" mais d'avoir le sens de la réalité. Dans un contexte approprié, la prière à l'école peut se faire, par exemple au début d'une année scolaire ou avant un repas lors d'une journée d'étude pédagogique. Mais les célébrations et les prières obligatoires ne résoudront pas la question de la foi. De plus, je ne pense pas que nous devrions être sauvés."
Sortir de sa zone de confort
Dans son livre, Eva Vromman décrit sa vision de l'avenir de l'Église comme "une Eglise joyeuse, humble et ouverte qui va à la rencontre des gens et construit des ponts vers le monde qui l'entoure, y compris le monde de l'éducation". Elle pèse ses mots en répondant à la question sur sa vision actuelle, alors que l'érosion de l'église semble être accélérée et amplifiée par la crise du coronavirus. "Je ne suis pas si pessimiste, même si cela devient plus difficile. Les personnes âgées et marginalisées ne reviendront peut-être pas après le corona. Pourtant, nous pouvons continuer à former une communauté, même avec de petits groupes. Et tout comme Jésus a fait le premier pas pour rencontrer Zachée, nous devons aller dans le monde et sortir de notre zone de confort. Il est important que nous nous laissions remettre en question par la réalité non confessionnelle. Aller à l'école est toujours une confrontation avec la réalité, surtout quand je viens de passer du temps à étudier la littérature théologique ou spirituelle. La réalité en est si éloignée. Pourtant, nous pouvons être convaincus qu'en tant qu'Église, nous pouvons continuer à faire une différence - et nous ne sommes pas seuls: n'oublions pas la relation avec les musulmans et les juifs […]. L'important est de ne pas rester coincés dans notre propre petit cercle" conclut-elle dans l'interview de Frederique Vanneuville.
Des cours de religion inspirants et inspirés
C'est en étant attentif aux réalités que vivent les élèves, que les professeurs de religion parviennent à éveiller une étincelle. Il semble ainsi que plusieurs écoles offrent des cours de religion inspirants. En effet, la première édition de la Théolympiade organisée par le centre de formation Thomas s'est avérée fructueuse et le jury a eu du mal à faire son choix parmi la diversité des réalisations estimées de grande qualité. Le but de ce concours est de traiter et de réfléchir de manière créative – voire de théologiser– le contenu du cours de religion catholique romaine. Le thème de la Théolympiade 2020 a interpellé de nombreux élèves du troisième degré du secondaire. Concourant dans trois catégories (essai, événement ou initiative publics, oeuvre artistique), le jury - composé de a apprécié les essais, peintures, poèmes, reportages photos et même une chanson en rap.
Depuis 15 ans, le centre Thomas (Theologie, Onderwijs en Multimedia: Actieve Samenwerking; Théologie, éducation et multimédia: collaboration active) a pour objectif de créer une collaboration active et interactive entre tous les professeurs de religion en Flandre, tous réseaux confondus, et tous ceux qui sont concernés par l'éducation religieuse des jeunes. En offrant un cadre qualitatif, conçu et entretenu par la Faculté de théologie et de sciences religieuses de la KU Leuven, Thomas veut "examiner ensemble comment la dimension philosophique et religieuse de la réalité des jeunes peut être débloquée d'une manière contemporaine".
Nancy GOETHALS (avec Tertio)
Eva Vromman "Passie en twijfel. Het geloof van een godsdienstleerkracht", Halewijn, Antwerpen, 2020, 120 blz.