Un rabbin, un curé et un imam… ça pourrait être le début d’une histoire. Celle d’une soirée où les représentants des trois grandes religions ont débattu de l’inclusion des personnes handicapées dans leurs communautés.
Plusieurs familles concernées par la question du handicap mental se sont accordées une soirée pour réfléchir à la spiritualité possible des personnes déficientes. L’invitation était lancée par l’association X-fragile installée en région liégeoise qui avait rassemblé en ligne un prêtre, un rabbin et un représentant de la religion musulmane. Les intervenants étaient tous d’accord pour dire qu’une personne avec un handicap reste « une personne avant tout ». Elle doit avoir accès à la vie spirituelle, à une pratique religieuse comme tout croyant. Lors de cette soirée d’échange organisée le 1er février dernier, les représentants de l’Église catholique dans le diocèse de Liège, ont pu témoigner de quelques initiatives pour aider les personnes déficientes sur le plan intellectuel à trouver sa place dans la communauté. Du côté juif et musulman, les intervenants ont été moins confrontés à cet aspect inclusif et ils se sont davantage exprimés sur un plan théorique.
Jean-Marc Compère, de l’asbl Xfragile, a rappelé en introduction de cette table-ronde virtuelle son souhait d’étudier la manière dont « la personne présentant une déficience intellectuelle peut être représentée ou trouver sa place en tant que ‘personne’ puis en tant que ‘enfant de dieu dans un parcours terrestre’. » Pour les trois religions, l’approche consiste à proposer un cheminement normal, tout en permettant des adaptations en fonctions des besoins. « Poussez la porte et venez parler« , conseille notamment le rabbin Joshua Neijman aux parents qui seraient concernés par un problème d’inclusion pour leur enfant différent. Pour Romain Blandiaux qui intervenait aux côtés de l’abbé Benoît Lejeune pour l’Église catholique, « on va essayer d’adapter les enseignements à leurs capacités. Mais toute personne, même avec une déficience intellectuelle, a accès au message de Dieu. On peut juste éviter de se perdre dans des détails ou un langage trop spécifiques théologiquement. »
Une personne unique par sa différence
Une partie des interventions a montré que la notion de handicap peut s’avérer trop réductrice pour ces personnes. Au contraire, selon Romain Blandiaux, « la personne déficiente est unique par sa différence, elle est porteuse de valeurs. A sa rencontre, elle peut nous révéler des choses sur nous-mêmes et sur la société. » L’abbé Benoît Lejeune confirme, en soulignant l’évolution nécessaire sur cette question : « Avant, l’approche consistait à insister sur l’aspect médical autour de la personne. Maintenant le regard est plus positif sur les capacités de cette personne déficiente. » Plusieurs exemples ont été cités, dont celui d’une personne trisomique qui s’associe au sacristain pour préparer l’eucharistie à la messe. Dans d’autres endroits, la personne porteuse d’un handicap participe en distribuant la communion.
Les questions de l’enseignement, de la catéchèse mais aussi de l’accès aux sacrements dans les religions étaient ensuite à l’ordre du jour de ce colloque. Comment les personnes avec une déficience intellectuelle peuvent elles prendre part aux rites prévus pour les enfants et adolescents ? Le rabbin Joshua Neijman prenait l’exemple de la bar mitszva: « normalement cette marque de passage à l’âge adulte se fête à 12 ou 13 ans. Mais quand on me demande de préparer le discours pour le jeune handicapé qui va le célébrer, je m’y refuse. C’est à lui ou à elle de faire ce passage et donc de préparer ce discours. » A travers cet exemple, le rabbin de Liège montre que certains rites doivent être retardés si la maturité du jeune homme ou de la jeune fille ne lui permet pas de s’exprimer. Mais le rabbin ne pense pas qu’une personne avec une déficience soit dispensée de cette fête pour autant.
Soutien des familles
Les deux mots principaux de ces échanges entre les intervenants des trois religions et les personnes concernées par la question du handicap étaient : l’inclusion mais aussi l’adaptation. Pour le faire comprendre, le représentant de la religion musulmane Maxime Coopman prenait la comparaison avec la déficience visuelle : « expliquer ce qu’est un bateau à un mal voyant ne consiste pas à décrire l’image d’un bateau mais plutôt à définir la perception qu’en a n’importe quelle personne, c’est-à-dire le vent, le mouvement du bateau, l’odeur de la mer et les promenades sur le pont. Nous ne pouvons pas réduire le divin à quelque chose en termes d’obligation ! »
Quelques échanges avec des familles concernées par le handicap de leurs enfants ont montré les outils disponibles, comme les livres faciles à lire par exemple. Toutefois, les parents ou les accompagnateurs de l’enfant déficient courent alors le risque de simplifier les explications sur la religion, et de ne pas respecter notamment la diversité du contenu de la Bible. La soirée organisée par l’association X-fragile s’est terminée par un message destiné aux familles. L’abbé Benoît Lejeune le résume ainsi : « merci aux familles pour la dose d’amour qu’elles donnent à leurs enfants avec ou sans déficience, merci pour l’énergie et le temps qu’elles y consacrent chaque jour. »
Anne-Françoise de Beaudrap