L’Église belge « en transition »


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L’Église belge « en transition »
Demande est faite au ministre de la Justice d'accueillir les fidèles en fonction de la taille des bâtiments_CC by S.A. 3.0.
Par Sarah Poucet
Publié le
5 min

L’Observatoire des Religions et de la Laïcité a écrit un article sur le Troisième rapport annuel de l’Église catholique de Belgique sorti en novembre. Ces rapports réguliers de l’Église sont définis comme des outils précieux pour observer les transformations qui s'opèrent au sein de l'institution.

Voici un extrait de l'analyse de Juliette Masquelier (FNRS – Université libre de Bruxelles):

Basilique de Koekelberg_ (c)Markus Koljonen, CC BY-SA 3.0

"Pour la troisième année consécutive, la Conférence des Évêques de Belgique a publié au mois de novembre son Rapport annuel sur l’Église catholique en Belgique, une opération de communication qui nous en apprend beaucoup sur cette institution, et pas seulement grâce aux chiffres qu’elle fournit pour l’année 2019. Depuis trois ans, c’est sous le signe du dynamisme et de la vitalité de la communauté catholique que s’inscrivent ces rapports, pédagogiques et colorés, contrebalançant des chiffres en berne par un discours optimiste louant l’engagement des fidèles et prédisant la « transition » qualitative qui s’opère au sein de l’Église.

Comme c’était le cas pour les précédentes éditions, la communication autour du rapport 2020 met en avant la « transition » vécue par l’Église, qui s’adapte à l’érosion de ses effectifs et aime à présenter ces tendances comme autant d’opportunités, à l’image du porte-parole de la Conférence épiscopale Tommy Scholtès, se réjouissant dans L’Avenir du 18 novembre dernier de l’enrichissement, pour la vie de l’Église, que constitue « la multiplicité des personnes qui entrent dans le jeu ».

Un premier axe de cette transformation est en effet la prise de responsabilité croissante des laïcs (parmi lesquels de nombreuses femmes), répondant à la diminution constante du nombre de prêtres. Comme le montrait le rapport de l’année dernière, les femmes représentent désormais 55 % des effectifs de l’Église, et 19 % des personnels du culte rémunérés par l’État fédéral, bien que leur répartition soit inégale aux différents niveaux de responsabilité, et qu’elles restent exclues de l’ordination sacerdotale.

Depuis plusieurs années, le nombre de laïcs dans des positions décisionnelles en paroisse, dans les services diocésains et dans les institutions d’assistance surpasse donc le nombre de prêtres. Selon le dernier rapport, 2136 laïcs disposent d’un mandat du diocèse, certains étant rémunérés, d’autres bénévoles. Par comparaison, 1947 prêtres travaillent dans les paroisses belges (parmi lesquels 1114 prêtres diocésains, 349 prêtres religieux, et 484 prêtres issus de diocèses étrangers). Les chiffres de 2019 confirment ainsi la tendance, amorcée depuis plusieurs décennies, d’une diminution du nombre de prêtres catholiques, qui n’est pas entièrement compensée par la venue de prêtres étrangers : le décompte de 2019 fait état de 2167 prêtres diocésains, alors qu’ils étaient 2301 en 2018, et 2774 en 2016. Cette diminution est le fruit de la chute des vocations sacerdotales, amorcée depuis la fin des années 1950 et qui s’accentue encore (on compte 68 séminaristes en 2019, contre 85 en 2016) de même que du vieillissement de la population de prêtres qui s’ensuit logiquement. (...)

Un autre axe important de cette « transition » de l’Église catholique est l’évolution d’une Église paroissiale, basée sur la pratique régulière et les sacrements, vers une Église d’« engagement ». Le rapport 2020 met ainsi particulièrement en avant le nombre foisonnant d’initiatives paroissiales au profit des personnes démunies ou vulnérables (plus de 2000), qui mis en regard avec le nombre total de paroisses (3732 en 2019) témoigne de l’importance que tient l’action sociale et charitable dans l’engagement religieux des catholiques. Cet engagement est aussi celui des bénévoles actifs au sein de l’Institution ecclésiale, que le rapport évalue à 141 054 personnes, un nombre très élevé en regard du nombre de fidèles assistant régulièrement aux offices religieux (241 029 participants à l’eucharistie le 3e dimanche d’octobre 2019), mais qui décroit néanmoins, puisqu’il s’élevait à 147 659 en 2018, et à 163 360 en 2016.

Dans l’émission Il était une foi du 22 novembre 2020, le porte-parole de la Conférence épiscopale Tommy Scholtès évoque ces fidèles engagés en termes de « pratiquants au sens de l’Évangile », qui se reconnaissent davantage dans les valeurs chrétiennes que dans les sacrements. C’est à la lumière de cette vitalité de l’engagement que les auteurs du rapport portent un regard plutôt serein sur les chiffres de l’administration des sacrements, qui confirment que la baisse constante amorcée depuis plusieurs dizaines d’années se poursuit lentement."

Sa conclusion:

"Les nombreuses données fournies par les rapports, la régularité de leur publication et la continuité dans le temps que l’on peut désormais espérer, laissent penser que cette initiative de l’Église pourrait bien devenir un outil précieux pour observer dans la durée les transformations qui s’y opèrent : d’une part grâce à la consignation annuelle de chiffres difficilement accessibles par d’autres biais, et d’autre part, à travers les discours que porte l’institution sur ces chiffres, et les axes choisis pour être mis en lumière – comme l’implication croissante du laïcat et des femmes en particulier, ou l’importance de l’engagement des bénévoles. C’est non seulement l’actualité de transformations sociologiques qui s’imposent à l’Église depuis la fin des années 1950, mais aussi la manière dont l’Église de Belgique choisit d’y répondre, que ces rapports nous enseignent. Les années à venir seront décisives pour ancrer – ou non – le discours positif qui nous est aujourd’hui donné à voir, dans une réelle transition des structures institutionnelles de l’Église. Celle-ci, bien évidemment, ne relève pas uniquement de l’Institution belge : elle dépend fortement des impulsions et des blocages qui affectent l’Église catholique dans son ensemble, une Église qui malgré toute la bonne volonté du pape François, n’a pas encore montré de réelle perspective de changement de cap en la matière."

Retrouvez ici l’entièreté de l'analyse de Juliette Masquelier.

Retrouvez le rapport intitulé l’Église catholique en Belgique 2020.


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