A Liège, l’exposition temporaire consacrée au sculpteur Alberto Giacometti est prolongée jusqu’au 14 février. L’occasion de découvrir ses œuvres d’après-guerre à travers le regard de son ami, Jean-Paul Sartre.
L’exposition qu’accueille la Cité Miroir est l’une des premières monographies de cette ampleur sur l’artiste en Belgique. Et elle a été spécialement adaptée pour la Cité Miroir, notamment au travers de la scénographie qui immerge le visiteur. Giacometti est bel et bien le guide de "L’humanité absolue". Pour entrer, on franchit la porte de son atelier reconstitué grâce au travail d’une décoratrice de cinéma. C’est dans cet espace d’une vingtaine de mètres carrés, rue Hippolyte-Maindron, qu’il passera la majorité de sa vie. Une pièce vétuste, sans eau courante, dont les murs sont recouverts d’esquisses. Le visiteur est plongé dans l’ambiance de son lieu de création et accompagné par sa voix et ses gestes, projetés dans un film sur le mur d’en face. Entre l’écran et l’atelier, une longue table sur laquelle se dressent les 35 statues de bronze signées par le sculpteur.
Marqué par les existentialistes
Dans cette exposition, il ne faut pas s’attendre à découvrir l’entièreté de la carrière de l’artiste suisse ou sa technique. "L’humanité absolue" s’attarde sur sa relation avec les existentialistes et en particulier Jean-Paul Sartre. Seules des œuvres d’après-guerre sont exposées. A cette période de sa vie, il est plus mature dans son art, s’est éloigné des surréalistes après avoir été exclu du groupe, et se concentre véritablement sur la représentation de l’humain en travaillant avec des modèles.
Au fil de l’exposition, on reconnaît les visages qui évoluent au fil des années. Annette, sa femme, mais aussi son frère Diego. Giacometti avait tendance à représenter des personnes de son entourage, de sa famille. Il sculpte l’homme "à distance", tel qu’il le voit, ce qui explique la petite taille de ses silhouettes, comme si elles apparaissaient au loin. Eternel insatisfait, il représentera les mêmes modèles indéfiniment en espérant atteindre la représentation parfaite de la figure humaine. C’est cela qui a fasciné Simone de Beauvoir, à l’origine de sa rencontre avec Sartre. Durant la visite, on retrouve justement les mots de Sartre sur le travail de Giacometti issus du texte "La Recherche de l’absolu", publié dans sa revue Les Temps Modernes, à laquelle contribuera d’ailleurs le sculpteur.
Des silhouettes inspirées des corps des déportés
Les silhouettes féminines de Giacometti sont longilignes, inspirées des corps des déportés. Quand il représente des hommes, ce sont plus souvent des bustes. On constate l’évolution de ces visages masculins qui deviennent de plus en plus réalistes. Il retravaille notamment l’œil du photographe Eli Lotar et y ajoute des détails. Dans les dernières années de sa vie, certains visages vont même jusqu’à la caricature. Ces silhouettes, quant à elles, deviennent de plus en plus filiformes et abstraites comme dans Femme Debout, achevée en 1961, où cette femme ne tient plus que sur un fil.
L’exposition accueille également une cinquantaine de lithographies tirées de l’ouvrage Paris sans fin, publié de façon posthume. La ville y est esquissée sous ses différents aspects: ses cafés, ses rues et surtout les mouvements qui la caractérisent.
Sarah POUCET
A la Cité Miroir jusqu’au 14/02/2021. En semaine de 9h à 18h et le week-end de 10h à 18h. Réservation obligatoire. Adresse: Place Xavier Neujean 22 - 4000 Liège. Tarif adulte: 10€ (+2€ pour les audioguides). Possibilité d’acheter un billet combiné avec l’exposition Andy Warhol. Tous les renseignements sur www.citemiroir.be
L'expo présente 35 statues de bronze signées par le sculpteur.
L'atelier parisien de Giacometti a été reconstitué grâce au travail d’une décoratrice de cinéma.