Présent sur plusieurs plateaux TV mais aussi lors de conférences auprès des jeunes, le libanais Fouad Hassoun livre son témoignage sous forme écrite. Il raconte ce parcours spirituel qui l’a amené à pardonner à l’auteur d’un attentat qui lui a coûté la vue.
« Si cet homme était en face de moi… » L’homme qui s’exprime à la télévision libanaise le mercredi saint 1996 s’appelle Fouad Hassoun. Il a perdu la vue lors d’un attentat dix ans plus tôt à Beyrouth. L’animateur de l’émission qui est en direct demande alors: « Ton pardon à cet homme [qui a causé tant de morts et des centaines de blessés] est-il complet et définitif ? » L’invité, Fouad Hassoun dont le prénom signifie Cœur, répond qu’il se sent prêt à prendre cet homme dans les bras et à lui dire qu’il l’aime. Cette démarche de pardon intérieur qu’il a entrepris l’amène donc à imaginer pouvoir aimer cette personne qui lui a causé tant de souffrances.
Ce récit se trouve au milieu du livre autobiographique de Fouad Hassoun, paru chez Mame. Intitulé « J’ai pardonné », ce livre raconte le cheminement du jeune homme de 17 ans, victime de l’explosion d’une bombe près du domicile de sa grand-mère où il révise sa médecine. « On m’a cru mort », se souvient-il. C’est pourtant lui qui console ses proches : « Pourquoi pleurez-vous ? Je suis vivant. » Il lui a fallu un courage et une force de vie époustouflants pour surmonter la cécité due à l’explosion.
Ce livre est poignant à plus d’un titre. Là où de nombreuses personnes blessées pourraient se plaindre de ce qu’elles ont perdu, Fouad Hassoun se concentre sur son projet de vie. Alors que d’autres victimes d’attentats se focalisent sur la colère et le désir de vengeance contre les auteurs de cette violence qui les a frappées, l’auteur témoigne dans cette autobiographie qu’un chemin de pardon est possible. Fouad Hassoun raconte toutefois que ses propos diffusés à la télévision ont choqué sa famille libanaise. Ses deux frères et ses parents ainsi que sa grand-mère qui parlaient de vengeance et de laver le crime fait à l’un des leurs, ont été surpris par cette grâce qui a permis à cette ancienne victime de se libérer du poids de la haine envers autrui.
Reconstruire l’homme
Un deuxième aspect du livre mérite d’être souligné. Par son récit, Fouad Hassoun permet de comprendre ce que peuvent ressentir les personnes vivant avec un handicap visuel. En racontant sa convalescence, puis le temps des études à Lyon, et plus tard, sa carrière professionnelle autour des matériels informatiques adaptés aux aveugles, l’auteur montre que la cécité peut ne pas être synonyme de dépendance. Fouad Hassoun a bâti sa vie, comme toute personne, sur le plan professionnel mais aussi personnel, familial et spirituel.
Le livre « J’ai pardonné » permet enfin de se plonger dans la réalité du Liban. Par son enfance en temps de paix, l’auteur décrit la vie quotidienne dans le sud du pays, en région rurale. Lorsque la violence vient frapper la tranquillité dans ce village où la famille Hassoun est installée depuis longtemps, tous migrent vers Beyrouth. Fouad Hassoun évoque son attachement à la terre et à la culture libanaise. Au début des années 2000, il décide avec sa femme de retourner s’y installer, partant du constat que : « On a reconstruit la pierre, pas l’homme. » Ensemble, en s’appuyant sur un vaste réseau d’amis, ils veulent participer à la reconstruction du pays. Mais la guerre de 2006 qui cause des millions de déplacés, soumet Fouad Hassoun à « un véritable combat intérieur. » Face à la violence terroriste mais aussi à la trahison professionnelle et économique de certains proches, l’auteur confie : « Je sens émerger en moi, comme une pointe acérée, la tentation de sombrer à nouveau dans un marasme de haine et de vengeance. » Chapitre après chapitre, il précise comment il parvient au pardon, en regardant la réalité du mal en face, et en la considérant comme un fait du passé. Le livre « J’ai pardonné » se termine par un chapitre intitulé « De la mort à la vie » où Fouad Hassoun revient sur l’explosion du 4 août 2020. L’auteur reste sur cette certitude : « Beyrouth sera reconstruite. Pour la 7ème fois, selon l’histoire ! »
Anne-Françoise de Beaudrap
Fouad Hassoun, « J’ai pardonné », éditions Mame, octobre 2020, 240 pages.