Le Centre fédéral Migration publie son rapport annuel sur la traite des êtres humains. Focus sur l’exploitation du personnel domestique et l’impact de la crise sanitaire.
« Derrière des portes closes« , le rapport de Myria, le centre fédéral Migration, fait le point annuellement sur la situation en matière de traite d’être humains. Pour celui de 2020, l’accent est mis sur l’exploitation des travailleurs domestiques condamnés à effectuer leurs prestations et à vivre sous le même toit que leurs employeurs. De tels cas dénommés « esclavagisme moderne » se produisent avec des domestiques privés et du personnel domestique diplomatique.
Les victimes de traite dans le secteur domestique
Les cas de traite des êtres humains chez des particuliers concernent principalement des travailleuses domestiques occupées en dehors de tout cadre légal. Ces victimes n’ont généralement pas de document de séjour. Elles sont souvent seules et ne parlent ni français, néerlandais ou anglais. Leur détection est particulièrement difficile, précisément en raison de leur isolement. Sensibiliser les citoyens aux signes d’abus augmente la probabilité que les services de première ligne reçoivent davantage de signalements, notamment de voisins, de particuliers et de la société civile. Il est également important de sensibiliser les employeurs potentiels et les employés domestiques à l’existence de la traite des êtres humains, à ses conséquences et à la manière d’éviter que des personnes ne deviennent victimes.
Abus potentiels du personnel domestique diplomatique
Le personnel domestique diplomatique constitue une catégorie particulière d’employés domestiques. Ces travailleurs sont encore plus vulnérables en raison de l’immunité dont jouissent leurs employeurs et de leur position de force (voire même vis-à-vis de leur famille dans le pays d’origine). Ces travailleurs reçoivent, par le biais de leur employeur, une carte d’identité diplomatique spéciale, qu’ils viennent chercher ou renouveler personnellement à la Direction du Protocole du SPF Affaires étrangères.
Myria recommande que l’entretien de la Direction du Protocole du SPF Affaires étrangères avec le travailleur domestique lors de la délivrance ou du renouvellement de sa carte d’identité spéciale soit effectivement et systématiquement réalisé en vue de prévenir ou de détecter des abus éventuels. De même, les barèmes de rémunération indicatifs dans le contrat de travail type pour le personnel domestique diplomatique doivent être régulièrement actualisés.
Coronavirus et traite des êtres humains
Lors de la crise du coronavirus, les centres spécialisés pour victimes de la traite des êtres humains ont tiré la sonnette d’alarme indiquant que peu de nouvelles victimes avaient été signalées. Ils craignent que de nombreuses victimes soient restées sous le radar.
Dans les cas d’exploitation économique, les conditions de travail dans les secteurs à risque de traite des êtres humains, (construction, horticulture, stations de lavage de voitures et ongleries) qui impliquent souvent des travailleurs étrangers employés illégalement, présentent un risque majeur pour la santé. Les mesures contre le covid-19 ne sont, en effet, pas toujours ou insuffisamment appliquées.
En cas d’exploitation sexuelle, ce rapport souligne l’importance que les services de police et les magistrats continuent à effectuer les contrôles nécessaires pour détecter les victimes de la traite des êtres humains et se voient octroyer les moyens indispensables. Ils devraient également être sensibilisés à la nécessité d’effectuer davantage de contrôles sur les sites de rencontre dédiés à la prostitution privée, qui échappent aux contrôles liés au coronavirus.
2019 en quelques chiffres
Le rapport rassemble également les chiffres les plus récents (2019) : 145 nouvelles victimes de traite des êtres humains ont bénéficié de l’accompagnement d’un centre d’accueil spécialisé (augmentation importante par rapport à 2018). 60 % d’entre elles ont été exploitées économiquement, 36% sexuellement, 2% dans la mendicité et 2% ont commis des infractions sous la contrainte.
Myria rappelle ainsi que la lutte contre la traite des êtres humains doit rester une priorité constante à tous les niveaux politiques, sur le terrain, au niveau du pouvoir judiciaire et au sein du Parlement. Il se réjouit que la lutte contre la traite des êtres humains et l’assistance aux victimes, ainsi que le renforcement des moyens octroyés à la police, aux services d’inspection et à la magistrature figurent parmi les priorités du prochain gouvernement fédéral. Il espère que ces points de l’accord pourront être effectivement mis en œuvre.
SP avec CP