C’est dans les locaux de la maison africaine, non loin de Charleroi, qu’est abritée l’asbl Vie des communautés africaines du Hainaut (VCAF), lancée en 2007 à l’initiative du diocèse de Tournai. Une association qui œuvre avec beaucoup d’énergie et de cœur à l’intégration des primo-arrivants, d’où qu’ils viennent.
L’abbé Gérard Ilunga vient du diocèse d’Idiofa, en République Démocratique du Congo, où il a été ordonné prêtre en 2012. Arrivé en Belgique en 2018, il est vicaire dans l’unité pastorale Sainte-Marie Madeleine, dans la région de Jumet. Et il assure également la direction de l’asbl Vie des Communautés africaines du Hainaut, dont le siège se trouve à la chaussée de Gilly, à Fleurus. « L’association compte une secrétaire, un juriste spécialisé en droit des étrangers et un animateur socio-culturel, mais aussi plusieurs bénévoles qui nous prêtent main forte pour pouvoir accueillir, aider tout le public qui nous fréquente, les primo-arrivants, toutes origines confondues, de toutes cultures, sans distinction. »
Au départ, l’association a été mise sur pied essentiellement pour venir en aide aux migrants provenant du continent africain, ce qui explique son appellation. Mais au fil du temps et des partenariats noués avec diverses entités et institutions, la « maison africaine » a ouvert ses portes à des personnes venant d’un peu partout : « Le nom est resté par rapport à l’initiative première, mais aujourd’hui les bénéficiaires de la maison sont tous les primo-arrivants », insiste l’abbé Gérard. « Nous travaillons notamment avec le Fedasil de Jumet, et nous avons ainsi beaucoup d’Afghans, des gens d’Afrique du Nord, mais aussi des citoyens belges qui, pour une raison ou l’autre comme un mariage ou une adoption, sont en lien direct avec ces personnes d’origine étrangère. »
Des centaines de dossiers chaque année
L’un des principaux services offerts par l’asbl VCAF est l’aide juridique. C’est Mathurin Santini qui assure ce rôle de conseil et de soutien : « La plupart des bénéficiares viennent de la province du Hainaut, mais certains viennent aussi de Liège, Bruxelles, Anvers ou Gand, dans le cadre du suivi de leur procédure, introduite lorsqu’ils étaient dans différents centres à proximité de Charleroi ».
Les interventions du service juridique sont diverses : elles portent bien entendu sur tout ce qui concerne le droit du séjour (régularisations, obtention de la nationalité,…) mais aussi sur les recours, le mariage ou la cohabitation légale, sans oublier les visas étudiants. « En 2020, en dépit de la pandémie de Covid, VCAF a ouvert environ 400 dossiers, ce qui représente près de 650 demandes car pour un même dossier, les interventions peuvent être multiples », explique M. Santini. Le service juridique de VCAF tient des permanences générales (le lundi et le mardi) mais organise également des rendez-vous pour les cas les plus complexes, qui nécessitent du temps et de la réflexion.
Une mission d’écoute
Un service qui tient plus de la vocation que d’une simple activité professionnelle, car chaque « cas » rencontré est avant tout une histoire humaine lourde de souffrances et d’obstacles. « Chaque jour, des personnes sont obligées de partir de leur pays, pour fuir des conflits, échapper à des persécutions, dans l’espoir d’un meilleur avenir ailleurs. Sur ces routes de l’exil, les migrants sont souvent confrontés à d’autres violences : l’arbitraire des passeurs, les détentions illégales. Et l’issue est parfois incertaine pour ceux qui parviennent dans un pays d’accueil. La mission d’écoute de ces histoires, de ces vies chaotiques, place souvent les travailleurs sociaux que nous sommes dans une situation de traumatisme. Quand vous n’avez pas de réponse, pas de solution, vous rentrez parfois chez vous le soir en vous demandant ‘Est-ce que j’ai été utile ou pas ?’. Mais je suis aussi tenu aux principes, à la loi… »
Mathurin Santini (à gauche) se donne corps et âme au soutien juridique
des primo-arrivants. Son collège Guillaume Lobe assure de son côté des formations
à la citoyenneté, pour aider les bénéficiaires à comprendre leur pays d’accueil.
Guillaume Lobe, lui, prend en charge des modules de formation à la citoyenneté, un passage obligé pour les personnes engagées dans le « parcours d’intégration », mis en place depuis quelques années par la Région wallonne. « Dans ces modules, le plus important, c’est de découvrir la Belgique, essayer de comprendre comment fonctionne le pays, et surtout de savoir qu’on vient d’un pays qui n’a pas la même culture, être tolérant par rapport à ce qu’on y voit. Chacun a un cadre de référence différent, ce n’est pas parce qu’on vient en Belgique qu’on devient automatiquement Belge, il faut prendre le temps de comprendre. », explique M. Lobe.
Apprendre à vivre ensemble
Les sessions de formation abordent ainsi le « choc culturel », le système politique, avec ses différents niveaux de pouvoir, mais aussi des thèmes parfois sources de tensions et d’incompréhensions comme le port du foulard, la liberté de pratique religieuse ou le mariage homosexuel : « Tous ne comprennent pas certaines avancées philosophiques ou comportementales, par rapport à leurs propres valeurs, à leur cadre de référence. La seule chose qu’on veut leur apporter, c’est d’être tolérant, savoir que ces choses existent, qu’ils doivent faire avec. Et que la Belgique aura une influence sur eux. »
Un troisième pôle d’action de l’asbl VCAF est constitué d’activités et de rencontres interculturelles. « On essaie de mettre ensemble des personnes d’origines différentes pour qu’elles se découvrent », remarque l’abbé Gérard Ilunga. « Au-delà de toutes les couleurs apparentes, il y a des points communs. On est appelé à se connaître pour faire tomber les préjugés, comprendre que chacun a des points forts, des qualités et des limites. Les points forts des uns doivent rendre service aux limites des autres, et les limites des uns doivent aussi faire appel aux qualités des autres. »
Agnès MICHEL
- Vous pouvez découvrir toutes ces interviews dans leur intégralité dans le podcast de notre émission
« Près de chez vous – Hainaut », diffusée sur 1RCF :
Elle rêve d’un autre monde…
Hassatou vient de Guinée Conakry. Fuyant les persécutions, elle a rejoint la Belgique en septembre 2019 grâce à un visa touristique. Pourquoi la Belgique ? Tout simplement parce qu’elle y avait quelques amis, susceptibles de la dépanner, le temps de prendre ses marques, trouver sa voie et s’intégrer.
Aujourd’hui, Hassatou est hébergée au centre Fedasil de Charleroi, dans l’attente de la réponse de l’Office des étrangers à sa demande d’asile. Outre les formations du parcours d’intégration, elle suit des cours de cuisine et de néerlandais mais fait aussi du bénévolat à la maison africaine de Fleurus. Dans ce lieu, elle oublie un peu le quotidien du centre et apprécie de rencontrer d’autres personnes, comme une ouverture sur le monde.
Son rêve pour demain ? Voir sa situation régularisée, pouvoir être à nouveau réunie avec ses deux enfants, restés au pays, et se construire un avenir en vivant de sa passion, la cuisine : « Pourquoi pas être chef, un jour », confie Hassatou dans un éclat de rire…