
(c) Nicolas Bomal
Formé à Liège aux arts plastiques, Vincent Solheid est un touche-à-tout, un bricoleur, un « bidouilleur », comme il le dit lui-même. Surtout un éternel chercheur qui aime expérimenter et questionner le monde et aussi notre rapport au Christ et à la foi, à travers l’art. A l’aube de sa prochaine expo à Bruxelles, CathoBel en a profité pour questionner l’artiste sur sa démarche.
Alors qu’il parachève certaines œuvres en vue de sa prochaine exposition à la Galerie Nardone de Bruxelles, Vincent Solheid prend le temps de répondre à nos questions ; il nous parle de ses créations mais aborde aussi, sans détours, son parcours de vie, de foi, et son enfance, qui imprègnent visiblement sa démarche artistique.
Comme un enfant
Artiste protéiforme, Vincent Solheid est toujours en recherche de nouvelles techniques, de nouveaux formats, pour s’exprimer et développer son art. C’est pourquoi son nom se trouve tout aussi bien associé à des projets cinématographiques, théâtraux ou encore musicaux. Plasticien de formation, il jongle entre dessin, peinture, gravure, collage, peu importe l’outil ou le support, « l’important est de s’amuser ». Tel un enfant dans la cour de récréation, avide de découvertes, de jeu et de manipuler tout ce qui lui tombe sous la main. « Quand j’étais petit, je jouais souvent seul, et je fabriquais des tas de trucs. Aujourd’hui, à 52 ans, j’ai gardé cette excitation et cette jouissance à fabriquer et à voir quelque chose qui bouge, qui est éclairé. » On retrouve bien cet esprit dans la « Dernière danse », un triptyque de boites à musique mettant en scène Jésus et Marie-Madeleine.
Dans sa dernière expo, Vincent a choisi le mode du détournement ou plutôt du déplacement de sens qu’il applique à l’imagerie religieuse. Il nous livre une réflexion sur la foi mais dénonce aussi ce qui, à ses yeux, relève d’un consumérisme mal placé, qui défigure le Christ.
Religion de l’amour
Vincent se réapproprie donc une iconographie sacrée pour nous interpeller. L’artiste malmédien s’empare de ces petites figurines christiques produites par milliards, en plastique creux, et s’interroge : « est-ce vraiment là qu’on trouve l’amour de Dieu ? » Il ne le cache pas, ce merchandising le déçoit. N’est-on pas en train de faire n’importe quoi, de nous égarer ? Ces œuvres nous invitent à revenir au vrai sens des paroles du Christ, à une religion de l’amour, car c’est uniquement comme cela que Vincent la conçoit. « J’ai envie qu’on me parle d’amour, et l’amour ne sera jamais en voie d’extinction. » Contrairement à ces Jésus de pacotille « made in China » punaisés dans les boites entomologiques de l’artiste. Sur un ton plus humoristique, Vincent aime aussi associer la figure christique à ses passions sportives, le foot et le cyclisme. Ainsi Jésus, tel un Eddy Merckx triomphant, remporte la victoire bras levés.

(c) Nicolas Bomal
La plénitude du silence
Ayant grandi dans un petit village, au sein d’une famille catholique, Vincent Solheid servait la messe trois fois par semaine quand il était enfant de chœur. « J’aimais beaucoup ça. Je voulais même faire comme le prêtre plus tard. » L’art religieux et l’art sacré le touchent depuis toujours ; à travers son art, il poursuit son histoire, cherchant les réponses à ses questions d’enfant sur la foi. Et notamment par son traitement des hosties sanglantes et suturées en écho à une histoire que lui avait raconté le curé. Aujourd’hui, Vincent écoute la messe à la radio et se rend plusieurs fois par an à Orval pour se plonger dans la « profondeur du silence » qu’il ne trouve nulle part ailleurs. Il aime se poser dans l’église en dehors des offices, « Je me sens bien, c’est apaisant, je descends à l’intérieur de moi. »
Oser dénoncer

(c) Nicolas Bomal
Chez Vincent, l’art est détournement mais aussi engagement. Il dénonce les abus de pouvoir, de ceux notamment qui abiment l’Eglise et la religion par leurs actes ou leurs propos répréhensibles. « Je parle de l’Eglise parce qu’elle m’est proche« . C’est la première fois que l’artiste ose dénoncer, mais cela ne représente qu’une partie de son travail. Dans lequel il ne faut voir aucune attaque gratuite, ni blasphème, mais une forme de réappropriation de certains récits. Certains l’ont d’ailleurs bien compris, même dans l’Eglise, et Vincent est toujours surpris de l’accueil positif que suscite son travail chez des personnes croyantes, laïcs, prêtres ou moines.
Sophie DELHALLE
Vincent Solheid sera exposé à la Galerie Nardone à Bruxelles, du 9 octobre au 14 novembre 2020. Retrouvez également l’artiste sur son site www.vincentsolheid.com