Un couple se sépare après vingt-neuf ans de mariage, sous les yeux de leur fils, tiraillé entre ses deux parents. Hope Gap (Ce qui nous sépare) est un film mélancolique et délicat, mais pas larmoyant.
Les falaises de craie de Seaford, une petite ville côtière du sud de l’Angleterre. Le long d’un chemin, une femme se promène avec son fils, un gars d’à peine trente ans. Ils discutent face à ce décor sauvage balayé par le vent. Sur leurs visages, on voit poindre la tristesse et l’affection. Cette image reflète le ton de Hope Gap, une délicate chronique d’un divorce. Celui de Grace quittée par Edward après 29 ans de mariage. Elle pensait que leur couple durerait toujours. C’est dire son effroi quand il lui a annoncé qu’il la quittait. Bien sûr, ils avaient des différends, mais leur amour était solide, pensait-elle. Edward, de son côté, est las depuis des années. Incapable de communiquer, il a préféré s’enfoncer dans un mutisme flegmatique, comme tout bon Anglais sait le faire. Un sourire et quelques moments intimes ont suffi à le faire tomber amoureux d’une autre. Entre les deux, leur fils, Jamie, tente de garder son impartialité. Son père, ce grand nigaud taiseux a ses défauts. Sa mère, cette pipelette débordante d’enthousiasme a les siens. Il aime ses deux parents, évidemment. Et se souvient des bons moments passés en famille.
Brillant face-à-face
De notre côté, on est tiraillés entre le désarroi de cette épouse rejetée et la fragile lâcheté de son mari. Leur divorce, raconté depuis la douloureuse annonce jusqu’aux rendez-vous avec les avocats, suscite chez nous, spectateurs, une irrésistible empathie. L’histoire de ce vieux couple n’a rien de spécial. C’est celle de tous les êtres qui se séparent. Des victimes de l’usure du temps ou des passionnés qui rêvent d’aventure. Mais la justesse avec laquelle on nous raconte leur histoire ne peut qu’émouvoir. Hope Gap prend son temps, laisse la place aux silences et aux expressions des visages. Il ne tente jamais de nous faire pencher d’un côté ou de l’autre ou d’asséner une quelconque morale. On nous expose la situation, dans toute sa complexité, et c’est amplement suffisant. Les acteurs y sont d’ailleurs pour beaucoup. Les deux pointures Annette Bening (American Beauty, A propos d’Henry) et Bill Nighy (Love Actually, Indian Palace) se renvoient la balle avec un plaisir communicatif. L’un comme l’autre apportent à leur personnage des variations subtiles, tout en exacerbant certains traits.
On se laisse finalement emporter par la justesse de dialogues parfaitement ciselés. Par l’humour, aussi, l’épouse déchue n’hésitant pas à tacler son ex-mari, une fois les larmes épongées. Ces piques toujours bien senties apportent du dynamisme au récit. Le thème n’est pas joyeux, mais on ne sombre pas non plus dans le larmoyant. Mélancolique peut-être, drôle parfois, l’histoire de ce divorce trouve un juste équilibre. Comme la vie, on nous fait passer du rire aux larmes. Puis on jette un coup d’œil dans le rétro avant de repartir de l’avant. Toutes ces qualités font de Hope Gap une pépite de cinéma anglais, introverti, mais certainement pas dénué d’émotion.
Elise LENAERTS