Avec Rocks, la réalisatrice britannique Sarah Gavron met ses pas dans ceux de Ken Loach et nous entraîne dans les quartiers pauvres de Londres. Avec fougue, grâce et compassion.
Une terrasse surplombant la banlieue londonienne. La lumière de fin de soirée dans les yeux, une bande de copines rigolent, se charrient les unes les autres. Dès la première scène, on ressent l’énergie de l’adolescence, l’insouciance de la jeunesse. On ne nous a pas menti, la suite relevant de la même soif de découvrir le monde. Pourtant, la situation de certaines n’est pas à envier. Parmi celles-ci, Shola, alias Rocks, quinze ans et déjà des problèmes d’adulte. Sa mère, psychologiquement instable, est loin du modèle référent dont les enfants ont besoin. Rocks a l’habitude et a su s’adapter, s’occupant de son petit frère comme une personne responsable. Mais un jour, l’équilibre bascule. Sa mère disparaît, leur laissant une simple note pour dire qu’elle n’en peut plus. Au début, Rocks espère son retour, elle prend en main la vie quotidienne, les courses, rassure son frère. Mais cette situation ne peut durer sur le long terme. L’adolescente doit aller à l’école et n’a que peu d’économies pour subvenir à leurs besoins. Reste la solution des services sociaux, dont elle ne veut pas entendre parler, de peur d’être séparée de son frère.
Entre colère, joie de vivre et besoin d’insouciance, Rocks nous plonge au cœur de la vie mouvementée de cette jeune fille. On est clairement dans le registre de la chronique sociale. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu’on creuse le misérabilisme. Ce film réalisé par Sarah Gavron met en avant l’espoir et l’entraide entre ces gamines des quartiers pauvres de la capitale anglaise. Des jeunes débordantes d’entrain qui ne manquent d’ailleurs pas d’humour, au grand dam de leurs professeurs. Depuis les bancs de l’école, en passant par les familles et les instants entre copines, la photographie de cette jeunesse semble très juste. Elle n’occulte jamais les éléments les plus sombres, mais préfère se tourner vers les avancées positives.
Un film solaire pour une réalité difficile
Dans la tradition des films de Ken Loach, réalisateur britannique maintes fois primé, Rocks met en lumière les délaissés et les problèmes de la société. Cela étant, il nous dépeint une jeunesse fougueuse, tout en nous proposant des moments de grâce cinématographiques. Certaines images restent en tête. Celles du début, bien sûr, mais aussi des instants volés de complicité. La musique, parfaitement raccord avec le style de ces ados est quant à elle toujours amenée au bon moment. Elle traduit une culture moderne et tournée vers l’avenir, même s’il n’est pas forcément tout rose. Ce film solaire révèle également une poignée d’actrices charismatiques, à commencer par l’héroïne, incarnée par Bukky Bakray. Extrêmement naturelle, elle n’a rien à envier à ses aînées, surtout pas leur énergie. Alors que son précédent long-métrage, Les suffragettes pêchait par un trop grand classicisme, Sarah Gavron a donc su trouver le ton adéquat pour nous parler d’adolescence sans plomber l’ambiance. Une vraie réussite!
Elise LENAERTS