Ce devait être une pièce de théâtre et c’est devenu un film! Le bonheur des uns… est une comédie grinçante sur la jalousie suscitée par une jeune femme qui connaît soudainement le succès comme écrivaine.
Les adaptations de pièces de théâtre au cinéma ne sont pas toujours évidentes. Le rythme frénétique ou trop lent, les contraintes de temps et surtout d’espace sont parfois difficiles à rendre à l’écran. Mais quand la mayonnaise prend, c’est souvent enthousiasmant. C’est le cas avec Le Prénom ou Le Dîner de cons mais aussi, désormais, avec Le bonheur des uns… Le cas du film de Daniel Cohen (Les deux mondes, Comme un chef) est particulier. Au départ, le réalisateur a voulu monter une pièce de théâtre. Sur les conseils d’un producteur, il s’est finalement ravisé et l’a transformée en scénario. Il s’agit donc d’une semi-adaptation.
L’histoire débute dans un restaurant où deux couples d’amis devisent gaiement. Tout se passe bien, chacun partage les dernières nouvelles, jusqu’à ce que le dessert arrive. Léa, la plus discrète du groupe, leur dit à ce moment-là qu’elle est en train d’écrire un livre. Cette annonce apparemment anodine, va provoquer chez les trois autres une série de comportements malsains, susceptibles de bousculer leur amitié. Son mari, Marc, ne voit pas d’un très bon œil sa douce et effacée épouse prendre son indépendance et s’épanouir sans lui. Sa meilleure amie, Karine, décide d’écrire un livre, elle aussi. Après tout, elle a toujours été meilleure que Léa. Des deux, c’est elle qui a le mieux réussi sa vie, pense-t-elle. Quant au mari de Karine, il se met à chercher frénétiquement un moyen d’expression artistique. Ces différentes réactions vont amener petit à petit une tension au sein des deux couples. Plus Léa connaîtra le succès, plus les autres rejetteront leur amie.
Quand l’amitié s’étiole
La façon dont la jalousie s’installe est particulièrement intéressante. La pauvre Léa ne peut partager avec ses proches le bonheur qu’elle est en train de vivre. Son livre devient en effet rapidement un best-seller, plongeant son entourage, Karine surtout, dans une profonde remise en question. Le bonheur des uns… est donc une comédie grinçante sur l’amitié, la jalousie et la fierté personnelle. Très insidieusement, à coup de piques et de remarques masquées sous un vernis d’hypocrisie, l’amitié s’étiole. Pas de disputes ou de grands cris, mais le malaise est d’autant plus grand. Très juste, cette comédie au vitriol met le doigt sur des sentiments complexes qui traversent un jour n’importe quel être humain. Le trait est exagéré, bien sûr, mais il est néanmoins révélateur.
A travers l’ascension professionnelle de Léa, Le bonheur des uns… parle également d’accomplissement de soi et de ce fameux concept de « réussir sa vie ». Argent, notoriété, reconnaissance déboulent dans la vie de Léa alors qu’elle n’a rien demandé. Devenue écrivaine, elle n’a pas fondamentalement changé mais le regard des autres, lui, la juge désormais durement. Grâce aux interprétations de Florence Foresti (Karine), Bérénice Béjo (Léa), Vincent Cassel (Marc) et François Damiens (Francis, le mari de Karine), on est amenés à réfléchir à nos propres désirs.
Elise LENAERTS