Après l’explosion de Beyrouth qui a fait plus de 150 morts, les manifestations contre une élite corrompue, ont repris. Conscientes de leur rôle, les Eglises tentent de maintenir leur réseau d’écoles et d’hôpitaux, indispensables à la survie d’un pays uni.
La déflagration géante qui a eu lieu mardi 4 août dans le port de Beyrouth, faisant plus de 150 morts, des milliers blessés et ravageant une partie de la capitale libanaise, a donné lieu à un élan de solidarité internationale dont le pays n’espérait plus l’arrivée. Des Etats-Unis à la Belgique, en passant par la France, près de 250 millions d’euros d’aide pourraient affluer vers le pays pour faire face aux ravages qu’a provoqué l’explosion d’un dépôt de nitrate d’ammonium stocké en plein port dans la capitale libanaise.
Lors de l’audience générale au Vatican, mercredi 5 août, le pape François a exhorté les fidèles à prier pour le Liban. Dans ce pays qui compte toujours 35 % de chrétiens, pays du Proche Orient qui compte la plus forte présence chrétienne, plusieurs voix issues du monde catholique se sont élevées pour faire appel à la solidarité religieuse, estimant qu’elle a un rôle particulier à jouer face à la crise qui ébranle le Liban depuis plus d’un an. Parmi elles, l’Œuvre d’Orient appelle à remettre en état de marche « les hôpitaux, dispensaires et écoles appartenant aux Églises et congrégations locales les plus endommagés par la déflagration ». Rappelons que ces dispensaires, écoles et universités chrétiennes sont ouverts aux Libanais de toutes les confessions et de toutes les origines sociales, qu’ils soignent et forment des élèves à une société pluri-religieuse, portant des valeurs de fraternité et de vivre-ensemble essentielles à la survie du Liban. Pour venir en aide aux familles les plus pauvres des quartiers chrétiens historiques de Gemayze, de Mar Mikhael, d’Achrafieh et de Bourj Hammoud qui ont été particulièrement touchés, Aide à l’Eglise en Détresse (AED) a de son côté décidé de débloquer une aide alimentaire d’urgence d’un montant de 250.000 euros. Un montant identique a été versé par le Saint-Siège. Mais un vent de découragement accable l’ensemble de la communauté chrétienne face à cette nouvelle catastrophe. «Ici, tout le monde est fatigué de ces crises qui n’en finissent plus, explique Vincent Gelot, directeur de l’Œuvre d’Orient au Liban, « la population doit surtout compter sur elle-même et sur l’entraide au sein des communautés religieuses. Ils n’attendent plus grand-chose du gouvernement. Un fort désir d’émigration se manifeste. La communauté chrétienne est forte, mais les équilibres sont fragiles. Si de nombreux chrétiens partent, l’équilibre confessionnel avec les chiites et les sunnites serait en danger».
Une aide sous contrôle de l’ONU
Dans un texte intitulé «appel aux Etats du monde», le chef de l’Eglise maronite, le cardinal Béchara Raï, demande qu’un fonds contrôlé par l’ONU puisse être mis en place afin de gérer l’aide à la reconstruction de Beyrouth. La raison? La corruption endémique qui a plongé le Liban depuis un an dans une crise économique dramatique. Cette corruption s’est développée dans la foulée de la fin de la guerre civile en 1990. Partant de l’idée louable d’instaurer un équilibre entre les trois communautés, – chrétiennes, musulmane sunnite et musulmane chiite -, le système politique a mené à la fragmentation progressive de la société en réseaux confessionnels qui ont privatisé les biens publics au profit d’une appartenance communautaire. Ces pratiques ont peu à peu vidé les caisses de l’Etat, creusé la dette libanaise, poussant les banques à chercher des fonds étrangers avec des taux d’intérêt élevés avant de prêter cet argent à la Banque du Liban… qui elle-même devait rembourser avec des intérêts plus importants encore. Ce système qui avait tout du système d’escroquerie dénommé la « pyramide de Ponzi » s’est effondré lorsque les fonds étrangers se sont taris, plongeant brusquement les Libanais dans une crise économique et financière sans précédent. Depuis octobre dernier, la jeunesse s’est soulevée, rassemblant des centaines de milliers de Libanais dans les rues, déstabilisant les réseaux en place, réclamant le retour d’un Liban uni, …
L’explosion du 4 août sera-t-elle le déclencheur d’une fin de partie? Ce samedi une manifestation géante a eu lieu réclamant à nouveau la fin de ce système. De leurs côtés les pays donateurs qui ont tenu une conférence ce dimanche 9 août et promis de débloquer 250 millions d’euros d’aide, exigent que l’aide transférée soit placée sous le contrôle de l’Onu afin d’empêcher cette corruption endémique d’agir. Comme plusieurs autres pays, la Belgique a déjà envoyé un avion-cargo C130 à Beyrouth vendredi soir avec du matériel médical et humanitaire urgent et vient de débloquer 5 millions d’aide humanitaire supplémentaire.
Mais l’avenir du Liban reste hautement explosif et n’est pas à l’abri d’une nouvelle guerre entre puissance régionales où se dresseraient face à face le parti chiite Hezbollah devenu un Etat dans l’Etat libanais et Israël qui s’inquiète de la montée en puissance de l’axe chiite, allant de Téhéran à Beyrouth, en passant par Damas. Dans ce cadre, les communautés chrétiennes sur le départ, ne feraient qu’accélérer leur mouvement, vidant un peu plus le Proche Orient de sa présence chrétienne.
Laurence D’HONDT
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