(c) Infirmiers de rue
Le 17 mars, le territoire belge entrait en confinement. Ces mesures ont eu inévitablement un impact sur les associations regroupées sur la plateforme Donorinfo.be. Quel est-il exactement?
Un impact lourd selon le bilan dressé par la plateforme Donorinfo. Conditions de travail modifiées, publics à distance, inquiétude grandissante pour les finances. Mais aussi des aspects plus positifs: valorisation d’une expertise de terrain, regain de créativité en matière de collecte de fonds quand ce n’est pas de nouveaux horizons ou de nouveaux publics qui apparaissent. Donorinfo a interrogé différents responsables d'associations pour évaluer, à la lueur de leurs témoignages l'impact de la crise sur leur travail et leur avenir.
Inquiétude réelle
Pour bon nombre d'associations, la crise sanitaire a eu des répercussions négatives, en les obligeant à annuler leurs événements-phare. C'est notamment le cas pour Take Off, comme l'explique son directeur général Donatien d'Hoop. "Avec un taux de participation quatre fois et demi inférieur à ce qu’il était l’année dernière la Journée du pyjama a été un flop cette année." L’asbl connecte les enfants malades avec leurs classes via des moyens informatiques. Chaque année, elle organise avec Bednet, son homologue néerlandophone, une journée de classe en pyjama pour sensibiliser élèves, parents et public à l’enseignement à distance.
Des difficultés également rencontrées par certaines associations faisant partie de la coupole 11.11.11, qui avaient programmé une ou plusieurs grandes campagnes de financement au cours des derniers mois. Des campagnes très sérieusement impactées par le coronavirus. "Nous sommes bien sûr très inquiets à ce sujet ", témoigne Kevin Mc Mullan, responsable campagne et mouvement au 11.11.11.
Si, de son côté, Infirmiers de rue a très vite intégré les mesures sanitaires tout en continuant à intervenir sur le terrain, l'association regrette que "les sans-abri n’étaient clairement pas pris en compte dans les plans de confinement des autorités: on les avait tous simplement oubliés...", raconte Koen Van den Broeck d’Infirmiers de rue.
Précieuse expertise
(c) MSF
Mais l'expertise de certaines associations a pu être valorisée pour faire face à cette crise, que de nombreuses structures n'étaient pas prêtres à affronter. Ainsi, très rapidement, MSF propose son aide aux autorités: "Hôpitaux, maisons de retraite et collectivités en Belgique ne sont pas du tout aguerris face à ce type de crise sanitaire", analyse Céline Ronquetti de MSF. "Notre ONG a donc formé et conseillé du personnel médical en Flandre et en Wallonie à la gestion des flux de personnes, aux précautions à suivre, aux processus à appliquer dans le cas de pandémie. Avec Ebola sous d’autres latitudes, nous avons acquis une expertise solide que nous avons proposé de partager." Cette capacité de s’adapter aux nouveaux challenges est commune à bon nombre d’asbl.
L'expertise et le parc informatique équipé en téléconférence de Take Off ont notamment permis à l’ULB d'équiper des étudiants qui ne possédaient pas de matériel ad hoc pour suivre les cours à distance et passer leurs sessions d’examen. Quant à Bednet, ils ont "créé un centre d'aide pour tous les enseignants et parents" afin d'y prodiguer "des conseils par chat et par e-mail afin de maintenir l’implication des enfants pour qu’ils apprennent".
Soulignons aussi le partage de bonnes pratiques au niveau européen entre les associations, notamment pour parler aux enfants du coronavirus, les rassurer, leur apprendre les bons gestes en gardant une attitude positive, explique notamment Hilde Boeykens, directrice générale de SOS Villages d'Enfants.
De généreux donateurs
Si l’inquiétude est particulièrement palpable chez les responsables de la collecte de fonds des asbl avec, notamment, plusieurs reports de promesses de soutien de la part d’entreprises ou d’organisations privées, les donateurs fidèles le sont restés. Par contre, les opérations de recrutement de nouveaux donateurs, notamment en rue, sont complètement à l’arrêt. Or la crise sanitaire a également entraîné des frais supplémentaires. Malgré le retour plutôt bon de campagnes d’appels aux dons actuellement lancées, le secteur associatif compte sur l’automne et la fin d’année pour éviter que les finances passent dans le rouge.
Evénements sportifs annulés, représentations théâtrales reportées, soupers de soutien supprimés, opérations de recrutement impossibles à réaliser… Un pan énorme de récolte de fonds et de soutien est carrément tombé à l’eau durant cette crise et pour toutes les associations que Donorinfo a interrogées, rattraper le manque à gagner entraîné par la crise relèvera du miracle. Même si l'attention médiatique et politique a pu être canalisée grâce à une campagne lancée par le CNCD-11.11.11.
Demain incertain
Cette crise sanitaire ne laissera évidemment pas le monde associatif indemne, et les conséquences se feront sentir à long terme avec une récession économique qui se profile. A ce propos, Koen Van den Broeck d’Infirmiers de rue observe "un glissement inquiétant du profil des personnes qu’on retrouve chez les sans-abri. Nos équipes rencontrent de nouvelles personnes qui n’étaient pas sans domicile fixe avant la crise. Les files s’allongent aussi lors des distributions de vivres. Raccrocher ses nouveaux venus pour leur éviter la rue et la dégringolade nous apparaît être une des priorités actuelles".
Du côté des associations agissant au niveau international telles que MSF, 11.11.11, ou SOS Villages d’enfants, on souligne que si le Corona est passé chez nous, il passera également dans des pays où le système sanitaire et la protection des personnes est nettement moins bien outillé qu’en nos contrées occidentales. Le pire doit être évité et c’est la raison pour laquelle des campagnes d’appel à l’aide sont en préparation pour cet automne.
S.D. avec Donorinfo
