Que laisserons-nous aux générations suivantes? Autour de cette question, le contenu patrimonial du musée BELvue situé place des Palais à Bruxelles guide le visiteur vers des réponses possibles.
Le musée BELvue a inauguré le 9 juin, sa nouvelle exposition temporaire intitulée « C’était mieux demain ». Le titre fait évidemment allusion au sens de l’humour et au surréalisme belges. A travers sept salles du musée, les thèmes sont déclinés en fonction de l’histoire du Royaume, la situation actuelle et un questionnement vers l’avenir. Les concepteurs de l’exposition (dont nous reparlerons ci-dessous) ont pris le parti de poser une question aux visiteurs pour chaque thème et donc dans chaque salle d’exposition. Cela peut amener un débat au sein des familles ou des groupes qui découvrent ces panneaux… L’originalité vient également de la démarche proposée, soit de puiser la réponse dans l’héritage du passé, symbolisé par les flèches en arrière, ou de créer un futur « inédit » (flèches vers l’avant). Certes le choix peut apparaître dichotomique, il amène parfois le visiteur à entamer une réflexion qui l’accompagnera jusqu’à son retour à la maison.
C’est la première fois que le musée BELvue cède les commandes de la création et de la mise sur pied d’une exposition à des représentants du public. Il y a quelques mois, le musée avait lancé une annonce pour que des personnes très différentes (par leurs langues, leurs âges, etc.) prennent le temps de se connaître et de travailler ensemble sur cette exposition. « Nous avons voulu inverser les rôles traditionnels, explique ce ‘Public à l’œuvre’ dans le panneau introductif: d’habitude le musée organise une exposition et le public la visite. » Ici, ce sont des étudiants, enseignants, kiné, ou même retraités, venus des deux communautés linguistiques qui ont pris les rênes. Plusieurs pièces exposées dans « C’était mieux avant » sont des créations de leur cru. Citons par exemple les chaises génétiques qui accueillent les visiteurs dans la salle dédiée au thème des langues. Chacune des chaises a été sciée et assemblée à la moitié de l’autre chaise. Un assemblage qui peut sembler bancal et qui pourtant garde une forme de stabilité.
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(c) Cathobel
L’exposition porte aussi la marque du contexte dans lequel s’est finie sa préparation. Les premiers ateliers en septembre 2019 se déroulaient sur place, au musée. Alors qu’on s’approchait de la date d’ouverture de l’exposition prévue pour le 22 avril, les ateliers interactifs ont dû être transformés en réunions virtuelles, par groupe de travail, tout en suivant de près les évolutions de la crise. Une partie des contenus audio n’est donc accessible que grâce à des codes QR, qui supposent l’utilisation de son téléphone. Lors de notre propre découverte de l’exposition, aucun autre visiteur ne suivait les explications connectées à son Smartphone. Au-delà de l’aspect matériel, des quelques ressources rendues indisponibles pour éviter tout contact tactile et risque de transmission du Covid-19, « C’était mieux demain » apporte un regard riche et diversifié sur les 190 années d’existence de la Belgique.
Sans vouloir nous appesantir sur le contenu des sept thèmes (Démocratie, Prospérité, Solidarité, Pluralisme, Migrations, Langues et Europe) attardons-nous sur une partie qui concerne le débat autour des valeurs de la Belgique. Comme dans toutes les salles, des témoignages filmés de quelques personnes retracent les opinions majoritaires dans notre société. Par exemple, un jeune homme estime qu’il est important « que chacun puisse choisir sa religion« , une mère de famille raconte que bientôt aura lieu la communion de sa fille, qu’elle-même s’est mariée à l’église… Mais « la croyance peut être intérieure« , souligne-t-elle, reconnaissant ne pas pratiquer régulièrement.

(c) Cathobel
Sur ce thème du pluralisme, les éléments matériels montrent aux plus jeunes générations comment l’Eglise d’hier conseillait et guidait les catholiques. Les concepteurs de l’exposition posent la question: quelles sont mes valeurs pour demain? La réponse influencée par l’histoire consisterait, selon eux, à ce que les convictions religieuses soient la référence pour voter, choisir une école, un hôpital ou un journal. L’autre réponse correspondrait à un monde plus individualiste où les gens vivraient ensemble, par écrans interposés.
« C’était mieux demain » traverse différents thèmes qui font débat aujourd’hui comme hier: le rôle et le travail des rois, la période coloniale ou la question des migrations. A chaque fois, l’apport de l’histoire permet de voir le sujet sous un angle plus complet. Par exemple, le visiteur peut apprendre qu’il y a un siècle, les Belges émigraient pour trouver une meilleure situation économique ou pour fuir l’occupation allemande. Une carte interactive manifeste par des points lumineux un « patrimoine en mouvement » comme les concepteurs du Public à l’œuvre ont choisi d’appeler les migrants. La richesse de cette exposition vient de la qualité des débats que cela peut créer entre les générations d’une même famille ou entre les membres d’un groupe d’amis.
A-F de BEAUDRAP
« C’était mieux demain » au musée BELvue jusqu’au 23/08. Infos et réservations sur le site www.belvue.be