Portrait d’Hidaya Touil, une jeune slameuse


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Portrait d’Hidaya Touil, une jeune slameuse
Par Anne-Françoise de Beaudrap
Publié le - Modifié le
3 min

A 15 ans à peine, Hidaya Touil transforme sa surdité en un atout. La force qu'elle a développée pour surmonter ce handicap auditif l'inspire à écrire. Rencontre.

"Pourquoi tant d'importance à de si petits détails?" Cette interrogation est scandée par Hidaya Touil dans son slam "Différente". Quand on rencontre la jeune fille, rien ne montre justement cette différence qui se loge dans le creux de son oreille. L'adolescente souffre de surdité depuis son jeune âge. Elle porte désormais un implant cochléaire, caché derrière de longs cheveux bruns.

Hidaya suit sa scolarité dans un établissement comme les autres. Cela ne fait qu'un an qu'elle a rejoint une filière normale, option économique. Précédemment, elle était scolarisée en école spécialisée dans des conditions aménagées pour pallier aux handicaps des élèves. La classe ne comptait que quatre enfants, chacun bénéficiant d'interprètes (pour passer de la langue des signes au français ou l'inverse), d'aides pédagogiques ou de logopèdes. Chaque professeur prenait le temps nécessaire pour aider l'apprentissage de l'enfant.

Depuis que son problème auditif a été découvert vers l'âge de deux ans, Hidaya s'est battue pour surmonter cette différence. "Née malentendante, c'est à la crèche qu'on a fait remarquer à ma mère que je n'entendais pas suffisamment", raconte la jeune fille aujourd'hui. "Quand ça a évolué vers la surdité profonde, je n'ai pas bien accepté l'installation des appareils dans mes oreilles." Aujourd'hui, elle en fait un atout: "Etre sourde fait partie de ma personnalité." En l'interrogeant davantage, elle cite par exemple son bilinguisme : "je parle aussi bien en langue des signes qu'en français" (et même en anglais, néerlandais ou en marocain, la langue qui lui a été transmise par sa maman). Pour la jeune fille, "c'est même triste de se moquer de cette langue" où chaque sens est décrit par des gestes.

 

Si on était identique…

La passion de l'écriture, Hidaya Touil l'a attrapée il y a quelques années. Peut-être le climat familial y a-t-il contribué puisque sa maman est elle-même artiste. Là où la maman Sara s'exprime en peinture, la fille utilise les mots et leur rythme. "J'ai commencé à écrire vers mes dix ans. Je voulais partager mes émotions avec les gens qui m'entourent", raconte-t-elle aujourd'hui. Hidaya s'est inspirée des défis qu'elle menait: se faire accepter comme différente, par ses origines mais aussi sa surdité. "Si on était identique, dit-elle dans le slam Différente, ça aurait été pathétique." Pour autant, le regard des autres l'a fait souffrir hier comme aujourd'hui encore. "Un des messages que je veux faire passer par mes textes consiste à accepter les moments difficiles de la vie", confie la jeune adolescente.

Quand l'opportunité s'est présentée il y a plus d'un an de produire un clip autour d'un poème scandé, elle a écrit ce texte pour extérioriser les émotions qu'elle avait retenues en elle depuis longtemps. Le générique de cette vidéo révèle que le tournage s'est fait dans les locaux d'une école bruxelloise, mais aussi dans des situations quotidiennes (rame de métro, etc.) Propulsé dans une petite notoriété par le coup de pouce d'une autre artiste Joy Slam, Hidaya Touil a pu faire entendre son message sur différentes scènes bruxelloises. "Autour de moi, reconnaît-elle aujourd'hui, on m'a félicitée d'avoir été le porte-parole de cette différence."

La jeune fille ne sait pas de quoi son avenir professionnel sera fait. En poursuivant son cursus dans la filière économique, elle pourrait s'orienter vers un métier de comptable peut-être. Son cœur restera de toute façon habité par son goût de transmettre par les mots, ce qu'elle a dans le cœur. Un talent qui se conjugue à celui de sa maman puisqu'elle écrit des poèmes sur les œuvres peintes par son modèle maternel. "Heureusement qu'elle est là pour me motiver, reconnaît la jeune fille, car je suis quelqu'un qui se remet beaucoup en question." Malgré ses doutes, Hidaya a une voix qui pourrait se faire entendre de plus en plus fort pour qu'aucun jeune ne soit laissé de côté.

Anne-Françoise de BEAUDRAP

 

 

Catégorie : Belgique

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