En première ligne : témoignage d’un aumônier d’hôpital


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En première ligne : témoignage d’un aumônier d’hôpital
Par Anne-Françoise de Beaudrap
Publié le - Modifié le
4 min

On les appelle "nos héros". Chaque soir à 20h, la population les applaudit. Il s'agit bien de sûr de tous ceux qui sont en première ligne dans cette période de pandémie. Médecins, infirmières, soignants, personnel d'entretien, aumôniers, facteurs, éboueurs. Cathobel et Dimanche les ont interrogés sur leur vécu. Vous trouverez ces rencontres, parfois prenantes, sur notre site. Aujourd'hui: François Hosteau, prêtre et aumônier au CHU Mont-Godinne.

Prêtre du diocèse de Namur, François Hosteau est l'un des aumôniers du CHU Mont-Godinne qui rassemble les établissements hospitaliers de Dinant, Godinne et Sainte-Elisabeth. Son travail se répartit entre les patients habituels qui souffrent de maladies chroniques et avec lesquels l'aumônier a développé de belles relations amicales, et les malades du nouveau coronavirus.

Comment se déroule votre travail quotidien?

Je suis à l'hôpital tous les après-midi. Les mesures de précaution sanitaire ne changent pas le nombre de visites à faire, il y aurait même moins de patients dans l'établissement hospitalier pour le moment. Mais, je dois m'organiser différemment. Je commence par les patients non-covid19, pour éviter le risque de les infecter. Puis, je m'équipe avec masque, blouse et sur-blouse, lunettes et charlotte sur la tête. J'étais déjà habitué à m'équiper d'une tenue spéciale quand je visitais un patient qui venait de subir une greffe, par exemple. Actuellement, il faut être encore plus attentif, et changer de tenue en sortant de chaque chambre.

Que pouvez-vous apporter aux patients?

Pour commencer, je vais voir le service des infirmiers pour qu'ils me disent dans quelle chambre ma visite est souhaitée et souhaitable. Quand j'entre, je suis un être humain qui va rencontrer un autre être humain, je ne mets pas l'aspect religieux en premier. L'autre jour, j'ai rendu visite à un monsieur en fin de vie, certains membres de la famille étaient là et c'est une chance. Nous avons partagé un moment en discutant. En fonction de l'attente de la personne et de sa famille, on peut prendre un temps de prière ou non. Dans ce cas-ci, une présence spirituelle ne les dérangeait pas… sans plus.

Qu'est-ce qui vous marque le plus dans la période de confinement actuel?

Ce que je trouve le plus difficile, ce sont ces personnes atteintes du Covid-19, hospitalisées en gériatrie. Ces patients n'ont pas de visites de leurs familles. En même temps, ils ne sont pas tous en état de se connecter via les WhatsApp et Skype pour voir leurs enfants et leurs proches. J'ai moi-même fait l'expérience en début de confinement. J'avais noté le numéro de téléphone d'un monsieur pour l'appeler quotidiennement. Il avait du mal à décrocher le combiné, à bien utiliser l'appareil téléphonique. L'état de ce monsieur, comme de plusieurs autres patients âgés, s'est dégradé depuis qu'il est en confinement. Ça me fait mal de voir cette confusion qui l'atteint.

Bien sûr, nous sommes présents, le personnel soignant comme moi-même. Je remarque que la présence de notre habillement de protection ne facilite pas la communication. La présence du gant complique la manière d'oindre la main d'un patient ou de la bénir. Même si c'est moins chaleureux, on trouve toujours un moyen…

Qu'est-ce qui vous permet de tenir le coup?

D'abord, je voudrais saluer la solidarité de l'équipe hospitalière. Ces hommes et ces femmes forment comme une famille de substitution pour soutenir les patients dont les proches sont trop loin. Chacun contribue à sa mesure, toutes les petites mains sont là pour aider. Depuis un mois que nous travaillons à ce régime-là, le personnel est bien rodé et efficace. Tous s'investissent dans une belle solidarité, c'est porteur d'espérance.

Moi-même, en tant que membre du personnel du CHU Mont Godinne, je discute avec les infirmiers, les infirmières, les médecins… Je me souviens par exemple du moment où le premier patient Covid19 est remonté des soins intensifs vers l'étage, la joie sur les visages du personnel soignant. Les collègues ont formé comme une haie d'honneur. Bien sûr, certains ressentent la crainte de ramener le virus à la maison. C'est pour cela qu'il y a autant de précautions à prendre pour s'habiller mais surtout pour se déshabiller en sortant de la chambre d'un patient contaminé.

En tant qu'aumônier, comment avez-vous vécu cette semaine sainte et la fête de Pâques dans ce contexte?

C'était un peu bizarre. Habituellement, j'apporte des branches de rameaux à l'hôpital pour les patients. Et puis le Vendredi saint, les paroissiens d'Yvoir viennent prier à la chapelle de Godinne. Cette année, ça n'a pas pu être le cas. Par contre, j'ai apporté la communion à ceux qui le voulaient dans les services.

Le parallèle entre le jour de Pâques et ce que nous vivons est surprenant. Actuellement, la mort rôde de manière invisible alors même que nous sommes en plein printemps et que la nature revit. C'est ce que j'essaie de partager avec ceux qui sont dans la peine. Je crois que la vie nous déborde, elle continue dans un ailleurs. Ce qui est vécu de beau, de grand, de vrai dans cette vie a déjà un goût d'éternité. D'une certaine manière, Dieu est dans ce lit d'hôpital, il vit cette agonie, puis il se relève. J'invite à ne pas s'enfermer dans la colère et la tristesse.

Recueilli par Anne-Françoise de BEAUDRAP

Catégorie : Belgique

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