Dans la communauté syriaque aussi, l'absence de célébrations et de rassemblement en cette période de l'année liturgique si importante (Carême, Semaine Sainte, Pâques) laissera des traces. Abuna Fikri Gabriel, prêtre syriaque de l'Eglise de Saint Simon des Oliviers, dans le diocèse de Liège, fait tout son possible pour aider ses paroissiens à traverser cette épreuve. Il nous livre son témoignage.
"Grâce à Dieu, nous ne déplorons aucun décès pour le moment dans notre communauté", confie le père Fikri. Comme pour les chrétiens catholiques, le confinement est tombé pour les syriaques en période de Carême et s'est prolongé jusqu'à la Semaine Sainte et Pâques, sommet de l'année liturgique. "L'absence de célébrations publiques pendant la Semaine Sainte et Pâques a été vécue comme un choc par notre communauté", raconte Abuna Fikri, qui a célébré, depuis le début du confinement, chaque dimanche la messe, retransmise via les réseaux sociaux. Le père Fikri, à l'instar de nombreux prêtres catholiques, a lui aussi essayé de faire vivre cette Semaine Sainte différemment aux fidèles syriaques, en soulignant l'importance de la communion spirituelle, en ces temps d'éloignement physique. "Ce confinement nous invite à vivre notre foi de manière plus intérieure", ajoute le prêtre liégeois. Beaucoup de Syriaques jeûnent habituellement pendant la période de Carême, excluant tout produit animal de leur alimentation. "Nous devenons végétaliens." Après la Semaine Sainte, arrive la fête des Fêtes, celle de la Résurrection du Christ. "C'est très difficile à vivre pour les Orientaux. Nous avons l'habitude de nous serrer la main, de nous embrasser, de nous faire l'accolade. Et tout cela n'a pas été possible." Le Dimanche de Pâques, après la messe, Abuna Fikri a néanmoins reçu beaucoup d'appels et de messages. Il est d'ailleurs quotidiennement en contact, à distance, avec ses paroissiens qu'ils essaient de réconforter comme il peut. "Je suis particulièrement attentif aux personnes âgées, malades et isolées." Cette situation de vide vécue à Pâques fut donc très étrange pour les membres de la communauté syriaque de Liège.
Bénir les défunts à Pâques
D'autant plus que le Lundi de Pâques est également un jour très important pour eux, celui du repos éternel du ciel et de la terre, des vivants et des morts. Dans la tradition syriaque, lorsque le Christ est revenu des enfers, il a emmené avec lui tous ceux qui croyaient en Lui. "C'est donc un jour de résurrection pour nos morts", explique Abuna Fikri. Une coutume qui remonterait bien avant le début de l'ère chrétienne mais qui fut "christianisée". Pour respecter cette tradition, le père Fikri s'est rendu dans trois cimetières (Robermont, Sainte-Walburge et Ans) afin de procéder à la bénédiction des tombes et caveaux. "Dans la prière que je récite sur le cimetière, je demande au Christ d'accueillir nos défunts auprès de Lui." En temps normal, les familles se seraient retrouvées dans les cimetières, avec les restes du repas de Pâques qu'elles auraient partagés ensemble. "C'est une grande fête conviviale, de rencontres, de retrouvailles, souligne le prêtre syriaque. Il était important que je rende ce service aux familles malgré le confinement." Un papa ayant perdu sa fille lui a d'ailleurs téléphoné pour le remercier de son geste, les photos de chaque tombe bénie ayant été diffusées sur la page Facebook de l'église de Saint Simon des Oliviers. "Aller sur les tombes, c'est montrer à ma communauté que je suis avec eux, vivants et morts, que je prends soin de ce que nous avons de plus précieux, notre histoire et notre passé. Ça les réconforte aussi dans leurs souffrances." Abuna Fikri veut surtout insuffler l'espoir auprès de ses frères syriaques et les inviter à rester confiants. "Après le confinement, il y a la vie." Le Christ, dans sa résurrection, emportera avec lui ce fléau [du Covid-19] pour nous permettre bientôt de se revoir. Telle est la conviction d'Abuna Fikri.
Sophie DELHALLE
Photos: DR - Eglise Saint Simon des Oliviers de Liège