Titulaire de la chaire d’histoire des mentalités religieuses de l’Occident moderne au Collège de France, Jean Delumeau a mis au jour les mécanismes de la « pastorale de la peur » qui imprégna longtemps le christianisme. Il est décédé lundi 13 janvier, à l’âge de 96 ans.
« Ceux qui ont eu la chance de suivre, fidèlement ou plus épisodiquement, les cours de Jean Delumeau au Collège de France se souviennent d’un orateur passionnant, d’une clarté cristalline, affable, précise. Et s’émerveillent encore de la manière dont il savait mettre le point final à sa leçon du jour, une seconde avant que l’horloge n’en indique le terme. Tant d’aisance et d’organisation intellectuelles charmaient et impressionnaient tout à la fois« , écrit la journaliste de La Croix, Emmanuelle Giuliani.
Né le 18 juin 1923 à Nantes au sein d’une famille modeste et croyante, Jean Delumeau avait reçu « la foi en héritage » selon ses propres termes mais porta vite « un regard critique sur la religion ». C’est au lycée Thiers à Marseille qu’il fait la connaissance d’un autre futur grand historien médiéviste, Jacques Le Goff (décédé en 2014). Poursuivant ses études à Paris, il est surpris de se retrouver immergé dans un monde déchristianisé. Il expliquera d’ailleurs en 2013 : « La problématique christianisation-déchristianisation est le fil conducteur pour comprendre tout ce que j’ai écrit. A partir du moment où on comprend ce fil conducteur, on comprend mieux la suite de ce que j’ai écrit. »
Marié en 1947, il aura trois enfants dont l’historien Jean-Pierre Delumeau.
De Rome aux mentalités religieuses
Dans les années 1960, Jean Delumeau réoriente sa recherche sur le champ religieux, mêlant études anthropologiques et histoire religieuse, avec la publication de deux ouvrages majeurs dans leur domaine : Naissance et affirmation de la Réforme (1965), puis Le Catholicisme entre Luther et Voltaire (1971).
Mais la Bretagne sera sa terre d’adoption, dont la contemplation des paysages lui procurent un réel plaisir. « J’ai toujours mis une connotation religieuse devant les très beaux paysages « , confiait au Monde l’historien croyant, qui les lit comme un espace de communion, une partition sacrée, silencieuse. Il dirigera d’ailleurs une Histoire de la Bretagne (Toulouse, Privat, 1969).
Le règne de la peur
- Le Christianisme va-t-il mourir ?, Paris, Hachette, 1977
- La Peur en Occident (xive–xviiie siècles). Une cité assiégée, Paris, Fayard, 1978
- Histoire vécue du peuple chrétien, 2 vols [sous la dir. de], Toulouse, Privat, 1979
- Le Péché et la peur : La culpabilisation en Occident (xiiie–xviiiesiècles), Paris, Fayard, 1983
- Ce que je crois, Paris, Grasset, 1985.
- Une histoire du Paradis. I : Le Jardin des délices, Paris, Fayard, 1992.
- Une histoire du Paradis. II : Mille ans de bonheur, Paris, Fayard, 1995
- Une histoire du Paradis. III : Que reste-t-il du Paradis ?, Paris, Fayard, 2000
- Des Religions et des Hommes (avec Sabine Melchior-Bonnet), Paris, Éditions Desclée de Brouwer, 1997
- Guetter l’aurore. Un christianisme pour demain, Paris, Grasset, 2003
- À la recherche du paradis, Paris, Fayard, 2010
- De la peur à l’espérance, Paris, Robert Laffont. Collection « Bouquins », 2013.
- L’avenir de Dieu, Paris, Éditions du CNRS, 2015
S.D. avec La Croix, Le Monde et France Culture