
Préserver la biodiversité, c’est aussi nettoyer la nature qui nous entoure. Les membres de l’ObsE d’Arlon sont sur le terrain. (CC) Observatoire de l’Environnement Arlon
Aux confins de la province de Luxembourg, en février 2019, s’est créé le premier Observatoire de l’Environnement (1). Son but? Préserver la biodiversité sur le territoire d’Arlon. Dès le départ, ses concepteurs ont souhaité créer un réseau d’Observatoires, car la nature ne s’arrête pas aux frontières communales.
Nombreux sont les citoyens – partout en Belgique – qui s’engagent déjà dans la préservation de leur environnement. Il suffit de relever toutes les initiatives (2) qui se mettent en place lorsqu’un terrain – dit vague et sans intérêt – fait l’objet de convoitise de promoteurs immobiliers. Souvent, elles se créent en partant du constat qu’il manque des informations lors des enquêtes publiques. Aussi, des groupes se mettent en place pour faire des recherches approfondies.
L’intérêt de créer un réseau est de partager plus facilement les informations et mutualiser les expériences. Cela permet aussi de rendre les actions plus efficaces même si – ou parce que! – chaque commune connaît des réalités différentes (environnement urbain ou campagnard…). Puisqu’il est le premier du genre, quel est donc le rôle de l’Observatoire de l’Environnement à Arlon?
Surveiller, veiller et éveiller
Il surveille tout projet (immobilier, urbanistique…) qui pourrait porter atteinte à la nature et il veille à informer sur les enjeux. En outre, ses membres partagent leurs connaissances et compétences pour former les habitants de la commune sur des thématiques environnementales (pollution, plantes ou animaux invasifs, effets du changement climatique sur la biodiversité) et leur permettre d’agir concrètement (nettoyer un site, une rivière…). Bref, l’Observatoire veille et éveille à toute problématique liée à l’environnement sur le territoire de sa commune.
Pourquoi créer un Observatoire?
Pour encourager l’implication citoyenne dans les projets d’aménagement du territoire. L’Observatoire citoyen permet de prendre du recul et d’offrir une vue globale et objective quand il y a des conflits d’intérêts entre la protection d’espaces naturels riches en biodiversité et des projets publics ou privés. Le développement urbanistique ou commercial, l’exploitation industrielle ou forestière, les atteintes diverses à l’environnement sont autant de raisons qui peuvent mener des citoyens à vouloir créer un Observatoire dans leur commune.
Les ingrédients de la réussite
Serge Raucq est co-fondateur de l’OBsE d’Arlon et il explique: « Sans prétendre détenir ‘LE’ modèle qui résout tous les problèmes, l’ObsE d’Arlon a essayé, dès sa fondation, de rendre nos chantiers utiles et réutilisables, dans notre commune ou ailleurs. » Il note aussi que créer un Observatoire sur le territoire communal permet d’interagir avec les autorités les plus proches du citoyen. Voici quelques secrets de fabrication qui pourraient aider d’autres citoyens à fonder leur Observatoire.
Agir local, penser global
L’ancrage communal est essentiel car l’action locale est importante. Les acteurs de l’Observatoire doivent connaître le terrain sur lequel ils agissent. Cela leur permet de tisser plus facilement des liens sociaux avec ceux qui partagent le même territoire.
L’action locale peut cependant être dupliquée, relève Serge Raucq: « pour des actions concrètes sur le terrain – par exemple la lutte contre la renouée du Japon (une plante terriblement invasive) -, si on met au point un protocole (un ensemble de règles) qui fonctionne ici, aux sources de la Semois, on peut l’appliquer dans toutes les communes dans lesquelles la Semois passe ».
Une charte solide
« Nous avons voulu cadrer notre action pour la rendre efficace. La rédaction de la charte est la partie qui nous a pris le plus de temps mais elle est notre référence. Nous pensons qu’être rationnels apporte plus de sérénité et surtout de crédibilité à notre action. »
Chaque membre s’engage aussi à vivre sa relation avec l’Observatoire de façon équilibrée; c’est-à-dire en étant en cohérence avec ce qu’il prône et sans mettre en danger sa vie familiale ou professionnelle.
Intelligence collective
Serge Raucq affirme qu’il y a énormément d’énergie disponible aujourd’hui pour changer positivement les choses mais il faut la structurer convenablement. L’implication des membres se fondant sur la charte, chacun apporte ce qu’il peut pour faire avancer les projets. « Certains c’est juste une bêche et leurs bras; d’autres c’est leur tête, leur savoir-faire, leur métier, leur expérience. Pour l’ObsE, il faut cibler les problèmes et apporter des solutions réalistes, proches des gens. »
Travail collaboratif
La collaboration avec les autres interlocuteurs actifs dans l’environnement est essentielle: à Arlon, c’est le Département Nature et Forêt (DNF), le contrat de rivière Semois, les associations de protection de la nature, les autorités…
« Apporter une crédibilité scientifique est essentiel. Cela permet de faire la part des choses (prendre du recul) et de faire preuve d’esprit critique », explique Serge Raucq. Quand l’ObsE apprend l’existence d’un projet immobilier, il est indispensable d’apporter les preuves des incidences sur la terre, l’air, l’eau, la végétation et les animaux.
Il faut aussi savoir communiquer, écouter (les doléances des riverains, les arguments des promoteurs immobiliers) et faire parler. Le charisme est aussi important!
Une méthodologie structurante
« On applique une méthodologie valable tout au long du déroulement de nos projets. Et c’est très important pour nous car aujourd’hui, malgré notre jeune existence, on a déjà 18 projets en cours. »
Tous les mois, une réunion plénière – où tous les membres sont invités – permet de discuter des projets et des idées. « Quand une idée est sur le point de devenir projet, elle est formalisée pour la partager avec tout le monde, y compris ceux qui ne sont pas là. Cette phase est importante car elle permet de structurer les idées, elle permet aussi de relire, d’apporter éventuellement d’autres idées et amender l’idée de départ. Avant que le projet ne soit complet et mature, il y a donc des allers-retours puis on passe à l’exécution du projet. »
Les neuf administrateurs parrainent les projets. Actuellement il y en a dix-huit, chacun en suit donc deux ou trois. Ils s’informent régulièrement de l’évolution du projet pour en rendre compte au conseil d’administration et lors des réunions plénières (avec tous les membres). « Cette méthodologie nous permet de trouver des synergies entre différents projets et de gagner du temps. Et la communication permanente sur l‘évolution – tant lors des réunions plénières que grâce à la méthodologie appliquée – permet de corriger rapidement le tir si nécessaire. »
Par ailleurs, l’OBsE met en place une structure qui permettrait à des citoyens de réaliser des projets de façon autonome.
Cultiver la transparence
Les dossiers sont souvent complexes et manquent de clarté. « Face à un projet immobilier qui impacte plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de citoyens, les gens sont parfois en colère mais sans connaître vraiment le sujet. D’autres se réjouissent mais n’ont pas conscience des impacts du projet sur leur propre vie ou sur leur environnement immédiat. Au bout de nos recherches, il est donc important pour nous, que nos conclusions soient très correctement argumentées, fassent référence à une bibliographie clairement établie et à des documents disponibles publiquement. Tout est publié sur le site, de telle manière que le citoyen puisse mieux comprendre les enjeux pour mieux comprendre les questions que nous posons. »
Prémices d’un réseau
Dès le départ, l’ObsE d’Arlon a été conçu pour former d’autres Observatoires et créer une fédération. En partageant leurs informations et leurs expériences, les différents Observatoires s’épargneront mutuellement des recherches longues et énergivores. Ils pourront reprendre les solutions trouvées par un autre Observatoire. Ils pratiqueront en quelque sorte une intelligence collective à plus grande échelle.
L’ObsE d’Arlon a démontré qu’en alliant compétences diverses, action réfléchie, rigueur dans le travail et enthousiasme, les résultats sont positifs. Dans les communes voisines – Musson, Habay, Attert, Etalle, Martelange et Fauvillers et même au Grand-Duché -, des Observatoires sont en création.
Parce que la nature est belle et fragile à la fois, agir ensemble est donc une évidence! C’est pourquoi Serge Raucq conclut: « allez, ‘obs’, au travail ! »
Nancy GOETHALS
(1) voir article dans Dimanche n°45, Agir ensemble, naturellement!
(2) En ville, il peut s’agir d’un espace vert à préserver tel que – à Bruxelles – la friche Josaphat, le marais Wiels ou le futur lieu d’implantation de la prison de Haren; en différents endroits de Wallonie, des citoyens rachètent un bois pour le bien commun.
(3) Le site obse.be créé et alimenté par l’Observatoire de L’Environnement arlonais permet de se faire une idée du travail collectif apporté par les membres. Il ne demande qu’à inspirer d’autres citoyens.