
U.S. Mission Photo by Eric Bridiers
En collaboration avec la Stampa, VaticanNews a réalisé une interview du secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, qui sera reçu vendredi 20 décembre par le Pape François.
Paolo Mastrolilli – New York
Mr le Secrétaire général, vous allez rencontrer à Rome le Pape François, qui a toujours été un ardent défenseur du multilatéralisme et des efforts humanitaires. Il a souvent dit qu’il fallait construire des ponts plutôt que des murs. De quoi allez-vous discuter avec lui et comment pourrait-il contribuer à la réalisation des objectifs des Nations Unies ?
Je voulais rencontrer le Saint-Père pour lui exprimer ma reconnaissance pour son travail. Il s’exprime avec force sur la crise climatique, la pauvreté et les inégalités, le multilatéralisme, la protection des réfugiés et des migrants, le désarmement et de nombreuses autres questions importantes. Par son travail, le Pape contribue à la réalisation d’un grand nombre de nos objectifs, notamment ceux du développement durable, de la lutte contre le changement climatique et de la promotion d’une culture de la paix. Construire des ponts est une bonne analogie et, alors que nous discutons des questions que je viens de mentionner, j’espère explorer comment nous pouvons accroître notre collaboration pour y parvenir : construire des ponts pour faire plus pour les gens qui en ont le plus besoin.
La liberté religieuse est menacée dans le monde entier : quels sont les impacts négatifs de cette menace et comment y faire face ?
La liberté de religion est un autre sujet que j’espère aborder avec le Pape François. Je suis profondément préoccupé par l’augmentation de l’intolérance, qui se traduit par des attaques directes contre des personnes qui ne sont fondées que sur leurs croyances ou affiliations religieuses. Les attentats meurtriers perpétrés contre des mosquées en Nouvelle-Zélande, des synagogues aux États-Unis et les attentats à la bombe perpétrés contre des églises à Pâques au Sri Lanka démontrent l’urgence d’agir pour que chacun, quelles que soient ses convictions religieuses, puisse jouir pleinement de ses droits fondamentaux. La diversité est une richesse, pas une menace. Cela me brise le cœur de voir un nombre croissant d’individus humiliés, harcelés et attaqués publiquement simplement à cause de leur religion ou de leur foi. Des juifs ont été assassinés dans des synagogues, leurs tombes ont été défigurées par des croix gammées ; des musulmans sont tués dans des mosquées, leurs lieux de culte sont vandalisés ; des chrétiens sont tués dans la prière, leurs églises sont brûlées.
Ces derniers mois, j’ai lancé deux initiatives : un plan d’action pour soutenir les efforts visant à sauvegarder les sites religieux et à défendre le droit à la liberté religieuse ; et une stratégie au niveau du système des Nations Unies pour aborder la question de la haine. En collaboration avec mon Haut Représentant pour l’Alliance des civilisations, le plan d’action vise à aider les États membres à faire en sorte que les fidèles puissent observer leurs rites en paix. Les lieux de culte dans le monde entier doivent être des lieux sûrs pour la réflexion et la paix, et non des lieux d’effusion de sang et de terreur. Nous avons également besoin d’investissements importants dans la cohésion sociale pour faire en sorte que les différentes communautés se sentent respectées dans leur identité, qu’elles fassent de même pour les autres en retour et qu’elles aient un intérêt dans la société dans son ensemble. La récente déclaration de Sa Sainteté le pape François et du Grand Imam d’al-Azhar, le professeur Dr Ahmed Mohamed Ahmed Ahmed el-Tayeb, constitue une contribution extrêmement importante à la coexistence pacifique, au respect mutuel et à la compréhension entre les différentes communautés religieuses dans le monde. L’éducation doit être un élément clé de nos efforts pour combattre la propagation de la haine. J’ai l’intention de convoquer une conférence sur le rôle de l’éducation dans la lutte contre ce phénomène et le renforcement de la résilience.
La migration mondiale est un problème important en Méditerranée et dans le monde entier. Vous connaissez très bien le problème, puisque vous avez été Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Que devrait faire l’Union européenne pour aider les pays qui sont en première ligne à résoudre le problème des migrations ?
Au moment où nous parlons, plus de 70 millions de personnes sont déplacées, soit deux fois plus qu’il y a 20 ans et 2,3 millions de plus qu’il y a un an. C’est un chiffre choquant et déchirant. Les conflits sont devenus plus complexes et, combinés aux tendances telles que le changement climatique, la croissance démographique, l’urbanisation rapide et l’insécurité alimentaire, nous pouvons malheureusement prédire que les déplacements forcés et les besoins humanitaires vont continuer à augmenter. Le nombre de personnes déplacées a augmenté plus vite que notre capacité à trouver des solutions durables. Le 17 décembre, les dirigeants du monde entier se réunissent à Genève à l’occasion du premier Forum mondial sur les réfugiés, organisé par l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, pour examiner les moyens de mieux faire face aux réalités actuelles et de se préparer aux défis futurs.
Je pense que nous devons tenir les promesses de responsabilité partagée énoncées dans le Pacte mondial pour les réfugiés. Nous devons rétablir l’intégrité du régime international de protection des réfugiés. Et nous devons travailler ensemble pour combattre les trafiquants et les criminels qui s’enrichissent sur les épaules des personnes vulnérables. Les naufrages mortels ne peuvent pas devenir la nouvelle norme. Les solutions devraient également s’attaquer aux causes profondes de ces voyages dangereux. Tant que les conflits et les problèmes de développement persisteront, les gens continueront de rechercher un avenir plus sûr et plus brillant pour eux-mêmes et leurs familles. La coopération et la solidarité internationales sont essentielles pour apporter des solutions durables aux hommes, aux femmes et aux enfants touchés. Nous avons également besoin d’un réel engagement à partager les responsabilités entre les États membres. Dans ce contexte, je salue les nouvelles politiques du gouvernement italien et réitère ce que j’ai dit à maintes reprises en ma qualité de Haut Commissaire pour les réfugiés : il faut une solidarité européenne efficace avec des pays de première ligne comme l’Italie et la Grèce.
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