Que retenir du voyage du pape François en Thaïlande et au Japon. Au moins deux faits majeurs: un plaidoyer pour le dialogue interreligieux, notamment avec les bouddhistes, et une vive critique contre la possession de l’arme atomique, jugée « immorale ».
Depuis le début de son pontificat, François a souvent choisi de visiter des pays dans lesquels les catholiques sont minoritaires. C’est l’occasion de mettre en lumière ces communautés catholiques qui, pour le pontife, sont des signes tangibles d’une « Eglise vivante ». C’est aussi une opportunité pour le pape de travailler un thème qui lui est cher, à savoir le dialogue interreligieux. Le 32e voyage apostolique, qui a mené le successeur de l’apôtre Pierre en Thaïlande et au Japon n’a pas failli à ce double objectif.
Evangélisé essentiellement par les jésuites dès le XVIe siècle, le continent asiatique, au contraire par exemple de l’Afrique et de l’Amérique latine, n’a pas vraiment adhéré aussi massivement au catholicisme. Dans cette partie du globe, le christianisme représente moins de 4 % de la population, et s’il est important aux Philippines, et compte une grosse minorité en Corée, il ne représente vraiment qu’une toute petite communauté (quelque 1% de la population) au Japon et en Thaïlande, les deux pays dans lequel François s’est rendu.
Au moment d’écrire ces lignes, le voyage papal se termine sans pour autant être achevé. Néanmoins, on peut déjà mettre en évidence des paroles fortes et des rencontres importantes. L’une de celles-ci s’est déroulée dès le début du déplacement, le 21 novembre.
Dialogue ouvert et respectueux
Au cours de sa rencontre avec les autorités thaïes, le pape a réaffirmé son soutien à la petite communauté catholique locale, « petite mais vivante » et rendu hommage à « un pays qui a su développer une coexistence pacifique entre les communautés religieuses ». Dans ce pays à majorité bouddhiste, mais qui écoute les minorités, François a invité les autorités politiques thaï à œuvrer à ce que les personnes et communautés puissent accéder à un travail, bénéficier d’une éducation et d’une assistance sanitaire. Mais, c’est surtout son entretien avec le 20e patriarche suprême des bouddhistes thaïlandais Somdej Para Mata Muneewong, qui a revêtu une dimension plus importante, celle du dialogue interreligieux. Le pape a placé cette rencontre dans la continuité de ses prédécesseurs et appelé à renforcer le « dialogue ouvert et respectueux » entre leurs religions « au service de la paix et du bien-être ». Le chef de l’Eglise catholique a rendu hommage à la grande tolérance des bouddhistes et plus globalement de tous les Thaïlandais, rappelant que depuis l’arrivée du christianisme dans le pays il y a quatre siècles et demi, les catholiques, bien que minoritaires, « ont joui de la liberté dans leur pratique religieuse et vécu de nombreuses années en harmonie ». François avait placé cette rencontre interreligieuse dans le fil de la visite, il y a près de cinquante ans, du 17e patriarche suprême, accompagné d’un groupe de moines, au pape Paul VI àn Rome. Il a jugé cette visite comme « un jalon très important dans le processus du dialogue »; un dialogue que Jean-Paul II a poursuivi lors de sa visite apostolique en 1984. « Ces rencontres au fil des années sont de petits pas qui aident à témoigner, non seulement dans nos communautés mais aussi dans notre monde si enclin à générer et à propager des divisions et des exclusions, que la culture de la rencontre est possible », a expliqué François, qui a ensuite, souligné le rôle crucial des religions pour « aider les jeunes à découvrir la richesse vivante du passé » afin de contribuer à la justice et à la paix.
Découvrir la richesse vivante du passé
Devant les quelque 1500 étudiants de la faculté universitaire de Chululongkorn, la plus ancienne du pays, entouré par dix-huit représentants des principales religions de Thaïlande (hindous, Sikhs, bouddhistes et musulmans), François a exhorté les représentants religieux à aider les jeunes à découvrir la richesse vivante du passé et à aller à la recherche de leurs racines. « Il s’agit là d’un acte d’amour véritable à leur égard, en vue de leur croissance et des choix qu’ils sont appelés à faire pour que votre peuple ne s’étiole pas derrière certains slogans qui finissent par vider et hypothéquer l’âme des nouvelles générations », a-t-il insisté.
J.J.D.
L’arme atomique, un crime contre notre maison commune
Au Japon, le pape François a condamné fermement l’arme atomique et sa possession. « Un crime contre le bien commun et notre maison commune », a-t-il martelé.
Deuxième pape à se rendre au pays du Soleil levant, trente-huit ans après saint Jean-Paul II en février 198, François réalise un vieux rêve, lui qui voulait devenir missionnaire là-bas, lorsqu’il était le jeune père jésuite Jorge Bergoglio. Il n’y a pas été autorisé à l’époque pour des raisons de santé.
Au-delà de cette anecdote, le saint Père a prononcé des paroles fortes, condamnant à deux reprises l’utilisation des armes nucléaires. Dans la ville japonaise de Nagasaki, frappée par la bombe atomique le 9 août 1945, François a lancé un appel vibrant pour l’interdiction des armes nucléaires, depuis le parc construit sur le lieu de l’hypocentre du bombardement atomique de 1945. « Ce lieu nous rend davantage conscients de la souffrance et de l’horreur que nous les êtres humains nous sommes capables de nous infliger ». Si Jean-Paul II avait condamné lui aussi l’arme nucléaire, regrettant que la paix repose sur un équilibre des forces, François est allé plus loin: il a jugé que la possession de la bombe atomique était immorale! « La paix et la stabilité internationales sont incompatibles avec toute tentative de compter sur la peur de la destruction réciproque ou sur une menace d’anéantissement total ; elles ne sont possibles qu’à partir d’une éthique globale de solidarité et de coopération au service d’un avenir façonné par l’interdépendance et la coresponsabilité au sein de toute la famille humaine d’aujourd’hui et de demain ».
Le cri des disparus
Au Mémorial de la Paix d’Hiroshima, le souverain pontife a rappelé que la « vraie paix est le fruit de la justice, du développement de la solidarité, de la sauvegarde de la maison commune et de la promotion du bien commun ». « Aujourd’hui encore on continue d’entendre, fort, le cri de ceux qui ne sont plus », a-t-il poursuivi, précisant que « tous sont restés unis par un même destin, dans un moment terrible qui a marqué pour toujours, non seulement l’histoire de ce pays, mais aussi le visage de l’humanité ». A nouveau, il a condamné l’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires « qui est aujourd’hui plus que jamais un crime, non seulement contre l’homme et sa dignité, mais aussi contre toute possibilité d’avenir dans notre maison commune ».
J.J.D./S.D.