Pendant près de quarante ans, un système de contrôle a pris l’emprise sur la vie des citoyens est-allemands. Appareils de photo, enregistreurs, etc sont exposés pour quelques mois à Bruxelles.
Pour se renseigner sur les méthodes et l’histoire des services secrets est-allemands, il n’est pas nécessaire de se déplacer jusqu’à Berlin. L’exposition « Derrière le mur de Berlin » a été prêtée par le Musée de la Stasi au Parlementarium, situé en plein quartier européen à Bruxelles. Trente ans après la chute du Mur qui séparaient les deux mondes, il est utile de présenter les objets typiques de cette période noire de l’Allemagne entre les années 1950 et 1989.
L’exposition commence par une présentation des locaux occupés par ce ministère de la Sécurité d’Etat (qui se traduit en allemand en abrégé par Stasi). Au fur et à mesure des années, les bureaux de ce ministère ont occupé jusqu’à 22 hectares. Ce quartier entier comprenait non seulement les bâtiments où travaillaient quelques 7000 employés, mais aussi des commerces: supermarché bien achalandé, coiffeur, agence de voyages. Il paraîtra sans doute étonnant à certains visiteurs, notamment les accrocs aux GPS modernes, d’apprendre que ce grand quartier ne figurait sur aucune carte. La zone restait blanche, les rues et ruelles entre les bâtiments n’étaient pas indiquées officiellement. Même l’entrée de l’immeuble principal était masquée par une palissade pour qu’il ne soit pas possible de la repérer vu du ciel.
Collaborateurs officiels ou non
Les différents panneaux de cette exposition présentent ensuite l’évolution des objectifs poursuivis par la Sécurité d’Etat. Il s’agissait d’abord de veiller sur toute perspective de fuite vers l’Europe de l’Ouest. En février 1950, les dirigeants ont lancé une campagne de presse (dont on voit des extraits) contre les espions, les saboteurs et les agents de l’étranger. Le ministère apporte des arguments clés pour recruter de bons agents: un salaire confortable, l’accès à des magasins bien approvisionnés (contrairement aux autres lieux de vente en Allemagne de l’Est), et une bonne couverture médicale. Les futurs employés doivent subir un examen de tous les aspects de leurs vies, avant d’être recrutés. Ont-ils un proche passé à l’Ouest ? Ont-ils un état d’esprit compatible avec les valeurs du communisme? Même la perspective d’un mariage doit être validée par le ministère.
En dehors des employés de bureau, un réseau d’informateurs non-officiels est recruté petit-à-petit. En 1988, près de 180.000 « employés secrets » étaient recensés. Leurs tâches consistaient parfois simplement à laisser une maison ou un appartement disponible pour des réunions entre agents, ou à permettre l’usage d’une boîte aux lettres. En fouillant dans les archives de la Stasi, on apprend qu’un quart de ces informateurs non-officiels ont été recrutés en les mettant sous pression. Cela explique le stress de nombreux pères et mères de famille incités à rendre service à l’Etat communiste, par la surveillance accrue de leur médecin de famille, leur patron de bureau ou les voisins. La RDA acquiert progressivement des informations complètes sur les citoyens, qui vont du montant des impôts au dossier médical. Plus l’Etat obtient des renseignements sur quelqu’un, plus il disposait de moyens de pression sur lui ou elle pour la recruter comme agent.
En visitant l’exposition temporaire, presque cachée au sous-sol du Parlementarium à Bruxelles, on perçoit à quel point la Stasi avait le contrôle sur les habitants de l’Allemagne de l’Est. Il est intéressant de comprendre comment ces informations historiques ont perduré jusqu’à aujourd’hui. Lors de la Chute du Mur de Berlin, la Stasi a évidemment essayé de détruire les compte-rendus et autres traces de la surveillance intérieure, mais les manifestants ont investi les locaux et ont préservé la documentation encore intacte. Une partie de ce quartier secret, qui consistait en un centre de détention, a été transformée en musée de la Stasi. Ce même musée, qui explique cette page sombre de l’histoire en allemand et en anglais aux visiteurs à Berlin, a donc prêté l’exposition jusqu’au mois d’avril 2020 à Bruxelles.
Anne-Françoise de Beaudrap
Le Parlementarium, Place du Luxembourg 100, à Bruxelles est ouvert tous les jours de la semaine à partir de 10h (sauf le lundi à 13h) jusqu’à 18h. Renseignements sur le site européen