Les chrétiens syriaques, dupés par l’invasion turque


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Les chrétiens syriaques, dupés par l’invasion turque
Porte-parole des chrétiens syriaques
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
4 min

Ce mercredi, des victimes chrétiennes sont à compter suite à l'attaque turque étrangement nommée "Opération Source de paix"- DR

La crainte générale, depuis le retrait des troupes américaines de Nord-Syrie, s’est hélas avérée exacte: la Turquie a mené des attaques aériennes de l’autre côté de sa frontière, en Syrie. À Qamishli, les premières victimes sont entre autres chrétiennes.

Donald Trump a pourtant juré à plusieurs reprises qu’il allait protéger les chrétiens syriaques au nord de la Syrie et le "Système fédéral démocratique de Syrie du Nord". Dans ce dernier sont réunis les Arabes syriaques, les chrétiens syriaques, les Kurdes et les Turkmènes afin de gouverner ensemble les cantons d’Afrin (qui, entretemps, est tombé sous contrôle de rebelles pro Turcs), de Kobané et de la Djézireh, au nord-est du pays. Mais, de nos jours, que vaut encore une promesse ferme d’un président américain?

Twitter

Les États-Unis venaient à peine de retirer leurs troupes du nord de la Syrie – une autre promesse de Trump, faite cette fois-ci à ses électeurs - quand le président turc, Recep Tayyib Erdoğan, a annoncé ouvertement une opération militaire dans le pays limitrophe – la Syrie. Celle-ci a été menée, d’après ses dires sur Twitter, "ensemble avec l’armée nationale syrienne", en vue de combattre "les milices du PKK/YPG (Parti Kurde du Kurdistan) et les terroristes de Daesh [ndlr: l'Etat islamique] - au nord du pays". Erdoğan évoque même une opération "Source de paix". La European Syriac Union (ESU), qui regroupe un grand nombre de chrétiens assyriens et syriaques en Europe, donne l’alarme depuis quelques jours: "Ce sont encore une fois les chrétiens syriaques qui seront les dupes du conflit", dit son co-président, Fehme Tony Vergili. Dans le soi-disant "Rojava" (l’ouest, en kurde; c'est-à-dire le Kurdistan situé sur le territoire de la Syrie), les chrétiens syriaques se sont alliés aux Kurdes depuis le déclenchement de la guerre.

"Ce sont encore une fois les chrétiens syriaques qui seront les dupes du conflit", déplore Tony Vergili. le co-président de la European syriac Union

Persécutions

Mais les milices kurdes syriennes du YPG sont en effet proches du parti kurde en Turquie - le PKK -, considéré par Ankara comme séparatiste et terroriste. La mainmise des Kurdes sur le nord-est de la Syrie (et également sur le nord de l’Irak) déplaît dès lors profondément aux nationalistes turcs. La protection américaine ayant à présent disparu, ceux-ci semblent vouloir se débarrasser une fois pour toute de cette "autonomie kurde" en Syrie. "L’autogouvernance cependant n’est pas uniquement kurde, elle est aussi chrétienne", dit Tony Vergili. Et les chrétiens de la région craignent la Turquie. "Nous connaissons notre histoire", explique le porte-parole des chrétiens syriaques. "L’État turc n’est pas seulement celui des génocides arménien, assyrien et pontique de la fin de la Première Guerre mondiale, mais aussi celui de maintes persécutions depuis lors. Il n’y d’ailleurs plus que vingt mille chrétiens en Turquie…"

Terroristes

La Eureopean Syriac Union prédit par ailleurs que l’invasion turque va provoquer une catastrophe. "Erdoğan prétend vouloir combattre les cellules dormantes de terroristes de Daesh sur le terrain, mais nous connaissons sa double face: bien que la Turquie soit un pays-membre de l’Otan, elle fait des affaires depuis toujours avec les terroristes jihadistes." Lorsque les Turcs seront responsables des camps où de nombreux terroristes de Daesh sont prisonniers, une reprise de la terreur jihadiste risque en effet d'être imminente. "Les chrétiens de Hassaké ou Qamishli n’ont pas tort de craindre de nouveau pour leur vie", dit Tony Vergili. Ce mercredi, à Qamishli, un couple chrétien a déjà succombé sous l’artillerie turque, leurs deux enfants sont gravement blessés et leur maison a été complètement détruite. "Si la Russie et l’Iran se lancent dans le conflit, de nouveaux flux de réfugiés sont à prévoir." Les réfugiés forment en effet un enjeu important dans ce resurgissement du conflit: Ankara veut transférer de nombreux réfugiés en Syrie. Et cela semble déplaire à l’Union européenne dont le président sortant de la Commission, Jean-Claude Juncker, menace de mettre fin à l’accord sur les réfugiés entre l'Union européenne et Ankara. D’autres leaders politiques, comme le président Trump - qui a pourtant lui-même déclenché la catastrophe - ou le nouveau ministre-président flamand Jan Jambon, plaident pour des sanctions économiques. Notre pays, membre du Conseil de sécurité des Nations-Unies, veut augmenter la pression à partir de New York. Entre temps, sur le terrain, c'est encore l’horreur !

Benoit Lannoo

Catégorie : International

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