En France, la question du mode de filiation - en lien avec la Programmation Médicalement Assistée (PMA) - est à l'agenda du parlement. Dans le cadre d'un projet de loi de bioéthique, les réactions des députés sont vives. Le journal La Croix les confronte.
« Une révolution tranquille ». Ce sont les mots choisis par la garde des sceaux pour qualifier le changement dans la filiation introduit par le projet de loi de bioéthique. Mais mercredi 2 octobre au soir, la teneur des débats dans l’hémicycle les a rapidement contredits.
L’examen de l’article 4 qui vise à établir un nouveau mode de filiation pour les couples de femmes a provoqué une guerre de tranchée. Le texte, déjà modifié par le gouvernement avant le travail en commission, divise encore violemment les députés. Entre ceux qui saluent une avancée historique et ceux qui y voient la mise à mal d’un principe essentiel de notre société, le compromis a paru impossible.
Adapter l’état civil à une situation inédite
La nécessité a été maintes fois rappelée par Nicole Belloubet : adapter le droit de la filiation à la situation inédite des couples de femmes. L’article 4 découle de l’article premier qui consacre l’accès à la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules. Après avoir envisagé une déclaration anticipée de maternité, le gouvernement a inscrit dans le projet de loi une reconnaissance conjointe préalable, enregistrée devant notaire.
Nicole Belloubet a aussi détaillé les trois « axes » de sa réflexion. Ne rien changer aux filiations existantes. Assurer la sécurité juridique des femmes et des enfants qui naîtront de leur union. Assurer l’égalité entre tous les enfants quel que soit le mode de procréation. C’est donc selon la ministre une « révolution » puisqu’elle crée un nouveau mode de filiation. Mais elle est « tranquille » car elle ne change rien aux autres. « Ce n’est pas parce que des filiations différentes coexistent qu’elles s’excluent », a voulu rassurer Coralie Dubost, sans parvenir à calmer les oppositions.
Faire disparaître la vraisemblance biologique
C’est le principal reproche des députés qui ont déposé des amendements de suppression : la disparition du lien biologique. « Le vrai sujet, a attaqué ainsi Patrick Hetzel (LR), c’est le bouleversement du mode de filiation inédit dans l’histoire de l’humanité. » Dans ce projet de loi, se joue « l’éviction de la spécificité de la femme qui accouche, a renchéri Annie Genevard (LR), qui est la seule pourtant à pouvoir décider d’un diagnostic prénatal, d’une IVG ou encore d’un accouchement sous X. »
Pour eux, c’est l’obsession de l’égalité, revendiquée par les associations qui avaient réagi à la première version de la loi, qui conduit le gouvernement dans une impasse juridique. « Pour créer une égalité factice entre les deux mères, vous obligez la mère qui accouche à une reconnaissance, ce qui casse le principe de la vraisemblance biologique », a contesté à son tour Pascal Brindeau (UDI). Dans un couple hétérosexuel, a défendu encore Xavier Breton (LR), « il existe bien une différence entre la mère qui accouche et le père qui reconnaît l’enfant. Pourquoi ne pas vouloir reconnaître de différence au sein d’un couple de femmes ? »
Généraliser un même régime de filiation
Mais de l’autre côté de l’hémicycle, la recherche d’égalité a également nourri des critiques. Des voix sont venues contester l’écriture actuelle de l’article au vu des discriminations qu’il crée encore. Notamment entre les femmes en couple, tenues de passer par cette reconnaissance préalable pour devenir mères, et les couples hétérosexuels ou les femmes seules qui n’auraient pas cette obligation. « Une différence de traitement qui nous fait même douter de la constitutionnalité du texte », a souligné Marie-Noëlle Battistel (PS).
À gauche encore, d’autres députés ont défendu l’idée d’appliquer un même régime à tous les parents. Ainsi Clémentine Autain (LFI) qui a désigné la généralisation de filiation par reconnaissance préalable comme un horizon pour tous. Ainsi Elsa Faucillon (PCF) qui s’est montrée favorable au remplacement de la présomption de maternité ou de paternité qui « ne tient pas debout » par une « présomption de parentalité » généralisée à tous les couples et aux femmes seules.
Entre le rejet d’une filiation fondée sur la seule volonté d’un côté et le souhait de rompre avec tout principe de vraisemblance biologique de l’autre, la majorité tente plus que jamais l’équilibre du « en même temps ».
NG/La Croix