Le 31e voyage apostolique commence demain. Le pape François s’envolera vers l’océan indien afin, entre autres, d’y vénérer deux missionnaires locaux: sainte Victoire Rasoamanarivo à Madagascar et le bienheureux Jacques-Désiré Laval à l’île Maurice. Le Saint-Père arrivera d’abord au Mozambique où il court le risque d’être instrumentalisé par le pouvoir Frelimo.
Le voyage pontifical à Madagascar et à l’île Maurice était sans doute déjà planifié quand le pape François a décidé d’accepter l’invitation du Président Filipe Nsuyi à se rendre très brièvement au Mozambique. « Ce qui est quand même étrange », nous confie le Père blanc écossais Hugh Seenan, qui a travaillé longtemps au Mozambique, « car la diplomatie vaticane évite d’habitude tout voyage du Saint-Père dans des pays en campagne électorale ». Or, le 15 octobre, les Mozambicains sont appelés aux urnes pour des élections provinciales, générales et présidentielles.
Les deux partis les plus importants du pays sont: la « Resistência Nacional Moçambicana » (Renamo), combattant depuis l’indépendance le « Frente de Libertação de Moçambique » (Frelimo), anciennement communiste et encore toujours au pouvoir. Ce combat est en grande partie démocratique depuis l’accord de paix conclu, sous l’égide de la Communauté de Sant’Egidio, à Rome en octobre 1992. La violence a cependant resurgi de temps à autre, et le président Nsuyi et son opposant Ossufo Momade ont dû signer un traité de paix complémentaire le 1er août dernier. Dans ce contexte, le thème de la visite pontificale est: « Paix, espoir et réconciliation ».
« Bien sûr que les Mozambicains sont fiers de cette visite », dit le Père Seenan, « mais il est dommage qu’elle soit limitée à la capitale Maputo ». Le président Nsuyi, à propos de la principale revendication de la Renamo, à savoir la décentralisation dans cet énorme pays, à déclaré que « cette question est maintenant résolue ». Pas sûr que ces paroles suffiront: le pouvoir Frelimo est accusé de corruption à grande échelle, et les ethnies du Centre et du Nord ont souvent l’impression que la richesse du pays ne bénéficie qu’à Maputo et aux seules provinces méridionales, cœur du pouvoir Frelimo.
Tous les observateurs s’accordent à constater que la pauvreté et l’inégalité au Mozambique ont atteint un sommet, et que les tensions interrégionales risquent de ranimer la violence. La côte et le Nord ont par ailleurs fort souffert du cyclone Idai, qui a fait plus de mille morts en mars dernier et a dévasté la ville portuaire de Beira, second centre du pays. Il est regrettable que le pape ne se rende pas à Beira pour y soutenir la population locale, car « la pauvreté et la mauvaise qualité des routes ne permettra pas à grand monde dans ces régions de se rendre à Maputo pour aller à la rencontre du pape François », nous dit le Père Seenan.
Lazariste argentin
Après sa visite éclair au Mozambique, le pape François foulera la terre malgache pendant trois jours. Pour la messe solennelle du dimanche 8 septembre, plus de 800.000 fidèles sont attendus à Soa Mandrakizay, un domaine de 35 hectares dans les environs de Tananarive, aménagé spécialement à cet effet par le cardinal-archevêque Désiré Tsarahazana. La veille, François se rendra à Andohalo où est vénérée Victoire Rasoamanarivo, la première Malgache reconnue bienheureuse. Elle est la fondatrice des « Zanak’i Masina Maria » (Filles de la Sainte Vierge), qui ont maintenu la foi vivante après l’expulsion des missionnaires lors de la guerre franco-malgache de 1883.
François est aussi attendu dans la Ville de l’Amitié d’Akamasoa. Il s’agit d’une initiative d’un compatriote du pape argentin, le Père Pedro Pablo Opeka. Ce lazariste, ordonné prêtre à Buenos Aires en 1975, avait été nommé curé dans une paroisse rurale du sud-est de Madagascar. Promu plus tard à Tananarive pour y diriger un séminaire, le Père Pedro n’a pu rester insensible à la misère des milliers de sans-abri de la capitale, qui vivent dans des conditions humaines révoltantes, dans la rue ou sur des décharges d’ordures. C’est ainsi qu’est née son association Akamasoa, qui abrite aujourd’hui près de vingt mille personnes.
L’étape principale de ce voyage pontifical est la dernière: l’île Maurice. François tenait en effet particulièrement à y être le 9 septembre, date de la fête du bienheureux Jacques-Désiré Laval. Il y rencontrera toute la Conférence épiscopale de l’Océan indien (Cedoi) – de l’archipel des Comores, de Madagascar, de Maurice, de Rodrigues, des Seychelles et de La Réunion –, qui se réunit ce jour-là à Port-Louis. Le cardinal Maurice Piat, religieux spiritain comme le Père Laval et évêque de la capitale mauricienne Port-Louis depuis 1993, préside actuellement la Cedoi et est dès lors particulièrement heureux de pouvoir accueillir le Souverain pontife chez lui.
Benoit LANNOO