Amériques: quel sens donner à la migration?


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Amériques: quel sens donner à la migration?
Par Nancy Goethals
Publié le - Modifié le
5 min

Au grand dam de nombres d'acteurs et d'observateurs, l'administration de Donald Trump persévère dans sa volonté de dissuader les migrants de venir sur le territoire des Etats-Unis. Ainsi, une nouvelle loi impose des procédures strictes, voire brutales, concernant l'examen des demandes d'asile.

Certaines mesures en particulier – comme la séparation des familles - ont provoqué un sentiment de panique dans les communautés immigrées. Par ailleurs, un projet d'accord avec le Guatemala – provisoirement suspendu par la Cour constitutionnelle - fait l'objet de nombreuses critiques.

Ainsi donc, les réactions ne manquent pas à l'intérieur du pays comme à l'extérieur. Le cardinal DiNardo, archevêque de Galveston-Houston mais aussi président de la Conférence épiscopale américaine, a adressé une lettre au président américain, dénonçant "le risque d’une perte de souveraineté pour le pays". Il l’invite à reconsidérer les actions mises en œuvre par l’administration américaine vis-à-vis des migrants. Dans cette lettre, il condamne son approche pour le moins fermée car elle crée "un climat de peur dans les paroisses et est en train de causer une inacceptable souffrance pour des milliers d’enfants à la frontière, parce que les autorités douanières séparent les familles". Le cardinal texan considère "insoutenable" cette méthode qui se veut dissuasive. Il rappelle par ailleurs qu'il "est contraire aux valeurs américaines et chrétiennes de chercher à empêcher aux personnes d’émigrer ici quand elles fuient pour sauver leurs vies et pour trouver une sécurité pour leurs famille". Pour lui, les États-Unis perdent ainsi leur rôle de "garant du droit d’asile" au sein de la communauté internationale.

Le président de la conférence épiscopale américaine estime qu'il vaudrait mieux se pencher sur les causes profondes de cette crise humanitaire dans les pays d'origine et réfléchir à une réforme humaine du système de l’immigration qui s’articulerait autour des notions de compassion et de dignité.

L'Amérique Centrale au centre... du débat

Et justement, le sujet des migrations se retrouve au cœur de la campagne pour les élections présidentielles au Guatemala.

Dans un entretien à Vatican News, l'homologue guatémaltèque du cardinal DiNardo, monseigneur Gustavo de Villa, aborde cette question dans le contexte du deuxième tour de l’élection présidentielle, le 11 août prochain, tout en la reliant à la confusion autour de l'accord sur les migrants prévu entre les deux pays. Ce projet d'accord définit le Guatemala comme "pays tiers sûr" pour les migrants qui traverseraient son territoire pour voyager vers le nord, mais aussi pour des milliers de ressortissants d’Amérique centrale expulsés des États-Unis.

Monseigneur de Villa relève que le Guatemala fait face à un exode massif de Guatémaltèques – pas seulement des jeunes mais aussi des familles. Une des explications tient dans le fait que son pays est confronté à de nombreuses difficultés économiques et sociales. Et, dans ce contexte, les Etats-Unis – où les salaires sont dix à quinze fois plus élevés – paraissent très attractifs.

C'est pourquoi le président de la conférence épiscopale guatémaltèque appelle les candidats aux élections à prendre en compte trois défis majeurs: d'une part, la justice face à trop d'impunité; d'autre part, la solidarité et des stratégies de développement face à la pauvreté et, enfin, l'enrayement de la vague migratoire qui vide le pays de ses forces.

Par ailleurs, sur le plan ecclésial, monseigneur de Villa veut apporter sa contribution au développement et à l'encadrement de la population en lui "apportant de l'espérance". Ainsi, en évangélisant les zones urbaines – en forte croissance – et en étant davantage présente dans la vie publique, le cardinal pense que "l'Eglise peut être un phare pour un pays qui a vu se faire élire des maires évidemment narcos".

Législation et droit international bafoués

Dans une récente enquête sur la situation des demandeurs d'asile aux Etats-Unis et à la frontière américano-mexicaine, Amnesty International relève que "en 2017 et 2018, le gouvernement du président Donald Trump a mis en œuvre des politiques d’immigration rejetant et bafouant de toute évidence la législation des États-Unis et le droit international. Ces politiques ont causé des préjudices catastrophiques et irréparables à des milliers de personnes et semblaient destinées à démanteler complètement le système d’asile américain."

L'association de défense des droits humains estime que les séparations illégales de familles atteignent dans certains cas le niveau de la torture. Quant à l'augmentation du recours à la détention arbitraire et illimitée des demandeurs d’asile, sans possibilité de libération conditionnelle, elle "fait partie des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, strictement interdits par le droit international."

De toute évidence, ces politiques mises en oeuvre par le gouvernement américain visent à rendre l'asile aux États-Unis dissuasif et les pratiques ne sont pas des actes isolés. Amnesty affirme que ces constatations sont confortées par des déclarations publiques de représentants du gouvernement américain.

"Le gouvernement Trump mène une campagne délibérée de violations des droits humains contre les demandeurs d’asile, afin de faire comprendre au monde entier que les personnes réfugiées ne sont plus bienvenues aux États-Unis. Dans le même temps, il cherche à démanteler le système d’asile américain, notamment en rendant les critères d’éligibilité à la protection plus stricts – en violation du droit international. Créant un dangereux précédent, la suppression par le gouvernement de ses obligations découlant du droit relatif aux réfugiés et aux droits humains met à mal le cadre international de protection des personnes réfugiées en bafouant ouvertement le droit de solliciter l’asile et incite à un nivellement par le bas dans d’autres pays."

A l'instar du cardinal DiNardo s'adressant à Donald Trump, et de monseigneur de Villa interpellant les candidats à la présidence guatémaltèque, Amnesty formule des recommandations à l'égard du Congrès américain, du département de la sécurité et du ministère de la Justice des États-Unis. En attendant que ces appels et recommandations trouvent un écho favorable; il est évident que les organisations - tant nationales qu'internationales - continueront à œuvrer pour faire respecter les droits humains; et ce, dans la patrie des libertés et ailleurs.

Nancy Goethals/Vatican News/Amnesty International

L'entièreté du rapport d'Amnesty International est à lire sur le site de l'association.

 


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