L’évêque de Batticalao (à l’est du Sri Lanka) n’oubliera jamais le dimanche de Pâques 2019. Mgr Joseph Ponniah a miraculeusement échappé à la mort, mais il a vu de ses propres yeux des dizaines de victimes des attentats.
Missio Belgique entretient des relations chaleureuses avec les homologues des Œuvres Pontificales Missionnaires (OPM) et les évêques du Sri Lanka. C’est dès lors chez Missio que l’évêque de Batticalao, Mgr Joseph Ponniah, est passé pour relater ses expériences pendant et après les attentats qui ont fait plus de 250 morts et 500 blessés le 21 avril dernier, lors du dimanche de Pâques, dans trois églises chrétiennes et plusieurs hôtels. Missio veut en effet venir en aide aux Sri Lankais! Mais contrairement à ce qu’on pourrait attendre, la reconstruction des églises n’est pas la priorité de l’Eglise sri-lankaise – le gouvernement a promis de s’en occuper – mais plutôt des projets de sensibilisation au vivre ensemble dans une société multi-religieuse.
Après avoir été évêque auxiliaire pendant dix ans, Mgr Ponniah a été promu en 2012 évêque de Batticalao, une ville de cent mille habitants sur la côte est du Sri Lanka. Pendant les trente ans qu’a duré la guerre civile entre la minorité tamoule (souvent hindouiste) et la majorité cingalaise (largement bouddhiste), « nous n’avons jamais eu à déplorer tant de victimes en si peu de temps », dit-il. L’attentat de 8h45, dans le sanctuaire catholique de Saint Antoine à Colombo, résonnait déjà via les réseaux sociaux, dans la capitale à l’ouest du pays, quand un autre terroriste s’est fait exploser dans le jardin de l’église du Zion à moins de cent mètres de la résidence de Mgr Ponniah. Le bilan était affreux, car les enfants de l’école du dimanche y prenaient justement une pause.
Echappé à la mort
Le plan initial du djihadiste à Batticaloa était de se faire exploser dans la cathédrale catholique, mais il n’avait pas tenu compte des horaires spécifiques d’un dimanche de Pâques. C’est pourquoi il a essayé par après de s’introduire dans l’assemblée de l’église du Zion, où le service évangéliste touchait aussi à sa fin et où l’entrée lui a dès lors été refusée. Pour finir, il a causé la mort de trente enfants et fait plus de trois cents blessés dans le jardin de l’église du Zion. « Les services d’ordre étaient très vite sur place et tout le monde s’est efforcé d’emmener les blessés à l’hôpital », a rappelé Mgr Ponniah, plein de louanges pour les autorités de son pays. Que les services de sécurité étaient depuis longtemps au courant de projets d’attentats ne sont « que des rumeurs » d’après lui.
« Le grand défi maintenant, c’est de rétablir la confiance », nous explique l’évêque. « Les tensions au Sri Lanka sont d’ailleurs plutôt communautaires que religieuses. » En tout cas, les chrétiens, qui représentent 6,5% de la population, n’ont jamais eu de problèmes avec les musulmans qui ne sont guère plus nombreux (7%). « Nous avions l’habitude de faire nos courses dans leurs commerces. » Mais avec ces attentats, la méfiance s’est réintroduite chez les Sri Lankais. « Cela était sans doute le but des djihadistes; nous ne pouvons pas leur concéder cette victoire. Des rumeurs courent sur d’éventuels nouveaux attentats, ce qui a mené à ne rouvrir les églises que les unes après les autres. Les tamouls au nord du pays sont de nouveau très nerveux; par ailleurs, des moines bouddhistes au centre du pays ont déjà attaqué des musulmans. »
Intentions de messe
La conférence épiscopale du Sri Lanka, sous la présidence du cardinal Malcolm Ranjith, archevêque de Colombo, était dès lors formelle après quelques jours de réunion début mai: « Notre priorité est de remplacer la méfiance par la réconciliation et la paix, et en particulier d’apprendre aux jeunes gens les valeurs du vivre ensemble en harmonie malgré nos différentes religions. » L’Eglise catholique au Sri Lanka a d’ailleurs toujours essayé de jouer ce rôle de bâtisseur de ponts. C’est pour des projets en ce sens que Missio veut venir en aide aux diocèses sri lankais maintenant. « A l’occasion de la visite de Mgr Ponniah, des fonds en provenance du poste ‘intentions de messe’ ont été débloqués », confie le père Michel Coppin, directeur de Missio Belgique.
Chaque année en effet, des prêtres exerçant leur ministère en Belgique transfèrent à Missio les honoraires des messes qu’on leur demande de célébrer à des intentions particulières, ceci afin d’aider leurs confrères des pays du Sud qui ne sont pas rémunérés. Missio accordera ainsi un subside de 2.000 euros au diocèse de Batticaloa et de 1.000 euros au responsable des Œuvres Pontificales Missionnaire (OPA) du Sri Lanka, qui les affectera à un projet d’éducation et de sensibilisation à la nécessité de vivre en harmonie entre les différentes religions. « Mgr Ponniah nous a aussi détaillé un autre projet pour apprendre aux enfants que la minorité musulmane sri lankaise, avec laquelle il n’y a auparavant jamais eu de problèmes, ne peut pas être perçue comme une menace; nous comptons lui octroyer 4.000 euros pour ce projet », explique le père Coppin. « Et les sommes supplémentaires reçues des donateurs de Belgique qui répondront à notre appel pour le Sri Lanka, serviront à secourir les personnes touchées lors des attentats: assistance médicale, psychologique et matérielle. »
Benoit LANNOO
Photo: Le Père Michel Coppin, de Missio Belgique, au côté de Mgr. Joseph Ponniah, évêque de Batticaloa. (© Missio)