L'Assemblée nationale de la province francophone de Québec a adopté, dimanche 16 juin, deux projets de loi sur la laïcité et l'immigration grâce à une procédure d'exception. L'opposition dénonce une dérive autoritaire et critique l'adoption d'une législation basée sur la discrimination.
Les deux projets de loi controversés étaient soutenus par le nouveau gouvernement centriste de François Legault. L'un prévoit l'interdiction des signes religieux pour certains fonctionnaires, l'autre engage une refonte du système d'immigration. Après des années de débats et de polémiques, le Québec a donc finalement voté, dimanche 16 juin, un premier projet de loi sur la laïcité grâce à une procédure législative d’exception, appelée le bâillon, permettant de limiter le temps consacré au débat d'un projet de loi pour en accélérer l'adoption.
Fin du port d'insignes religieux
Les députés de la majorité ont donc adopté un texte sur la laïcité de l'État qui prévoit d'interdire le port de symboles religieux à plusieurs catégories de fonctionnaires en position d'autorité, dont les policiers, les juges, les avocats, les gardiens de prison et les enseignants. La nouvelle loi ne s'appliquera qu'aux nouvelles recrues, les fonctionnaires en poste bénéficiant d'un droit acquis. Le texte prévoit qu’un ministre sera chargé de l’application de la loi et pourra imposer des mesures correctrices et de surveillance. Pour les sanctions, il pourra s’agir de mesures disciplinaires ou de mesures déjà prévues dans le cadre de la fonction occupée. L'opposition dénonce l'instauration d'une police de la laïcité et regrette que la seule province du Canada où l'on retire des droits soit le Québec.
En mars dernier, le premier ministre canadien Justin Trudeau, s’était opposé au projet de loi : « Pour moi, c’est impensable qu’une société libre légitime la discrimination contre quiconque basée sur la religion », avait-il déclaré en présence de journalistes lors d’un déplacement. Mais comme l'explique Rachad Antonius, professeur de sociologie à l’Université du Québec à Montréal : « Le Québec a une spécificité avec une sécularisation engagée depuis plusieurs années ». Et d'ajouter : « Il y a une réflexion sur la place de la religion dans l’espace public et dans les services de l’État. La laïcité québécoise est plus proche d’une position républicaine française que britannique. »
Compétences et besoins
Le second texte portant sur l'immigration va entraîner l'annulation de 18 000 procédures en attente, qui concernent environ 50 000 individus. Le délai de traitement des dossiers devrait passer de 36 à 6 mois avec le nouveau système de tri. Il s’agit en fait de mettre en place une sélection des candidats à l’immigration selon l’adéquation de leurs compétences et des besoins de main-d’œuvre de l’État. Un texte jugé "inhumain" par l'opposition.
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S.D. avec agences
Illustrations : CC By AzertyFab - CathoBel