Le Brésil à l’heure de Bolsonaro, témoignage de Mgr Rixen


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Le Brésil à l’heure de Bolsonaro, témoignage de Mgr Rixen
Mgr Eugène Rixen
Par Sophie Delhalle
Publié le - Modifié le
4 min

Le vendredi 7 juin, Mgr Rixen, originaire de La Calamine, actuellement évêque de Goias (Brésil), se trouvait le temps d’une soirée, dans la paroisse de la Sainte-Famille à Fléron pour évoquer son parcours et la situation actuelle au Brésil.

Cette soirée était avant tout l’occasion de revenir sur le parcours atypique de ce prêtre liégeois devenu évêque au Brésil, avec un engagement social très fort. Mgr Rixen a expliqué à la centaine d’auditeurs présents quels avaient été les combats d’hier - et encore d’aujourd’hui ! - auprès des sans-terre, des sidéens et des toxicomanes. Il a ainsi évoqué les pastorales spécifiques et projets mis en oeuvre pour leur venir en aide depuis plus de trente ans.

Engagement des laïcs

Mais les Brésiliens, malgré -ou peut-être en raison de - les difficultés rencontrées, ont cette faculté à lire leur vie dans la Bible, probablement parce qu’ils travaillent moins avec leur raison et plus avec leur cœur, suggère celui qu’on appelle là-bas Dom Eugenio. « La Bible est un livre qui se vend bien au Brésil, les gens aiment la Bible. » souligne-t-il encore. L’Eglise catholique au Brésil valorise aussi beaucoup les laïcs pour animer la vie de foi. Et donc, par exemple, ce sont de petites communautés ecclésiales de base qui organisent des réunions hebdomadaires de lecture biblique, sans nécessairement la présence d'un pasteur. En effet, on estime qu’il y a un prêtre pour 20 000 personnes.

L'ère Bolsonaro

L’élection de Bolsonaro en octobre 2018 a considérablement changé la donne. Élu grâce aux réseaux sociaux, l'actuel président a orchestré, rappelle Mgr Rixen, la diffusion de fake news sur le programme et l'honorabilité du parti des travailleurs. Or, aujourd’hui, les soupçons de corruption à l’encontre de l’ex-président Lula sont fortement remis en cause par certaines enquêtes. Mgr Rixen a cependant confirmé que les églises évangéliques mais aussi des mouvements plus conservateurs dans l’Eglise catholique soutiennent encore Bolsonaro. Une Église qui se retrouve donc divisée mais qui parvient à faire l’unanimité quand il s’agit de prendre des décisions importantes. « Si on était protestant, chacun aurait déjà fait son église ; le fait d’être catholiques nous tient ensemble ». affirme avec un demi-sourire Dom Eugenio qui se dit très attristé par la situation politique et regarde avec inquiétude l'avenir. Bolsonaro a notamment rendu l'achat d'armes plus facile. Mais "il nous faut combattre le mal avec le bien de l'évangile."

Amazonie en péril

Si la personnalité de Bolsonaro a occupé les esprits une partie de la soirée, un autre sujet n’aurait également pas pu être évité : le prochain synode sur l’Amazonie. Mgr Rixen a expliqué que les réunions préparatoires tenues dans les communautés des différents pays concernés ont été très fructueuses. Elles ont surtout permis d’écouter les gens pour savoir ce qu’ils voulaient et quels sont les grands défis par rapport à l’évangélisation et aux problèmes sociaux, deux aspects qu’on ne peut séparer, estime Mgr Rixen.

La déforestation mais aussi la pollution des rivières due à l’extraction de minerais menacent la vie des populations autochtones. En quinze jours, début mai, c'est l'équivalent de 7000 terrains de football qui ont été détruits. En certains endroits, des plantations de soja à perte de vue ont remplacé la forêt luxuriante. « Je ne sais pas comment et quand cela va s’arrêter.» se désole Mgr Rixen.

D’un point de vue religieux, l’une des demandes principales formulées par l'Eglise catholique présente en Amazonie est de pouvoir ordonner prêtres des diacres mariés pour assurer une présence dans des communautés si dispersées qu'elles ne reçoivent parfois la visite d'un prêtre qu'une fois par an.

« Et elles ne peuvent pas vivre sans eucharistie. » ajoute Dom Eugenio. Le droit à l’eucharistie semble donc plus important que le célibat pour l'Eglise en Amazonie. "Cela va donner beaucoup de discussion à Rome." conclut Mgr Rixen qui, pour sa part, a envoyé sa lettre de démission au pape François, ayant atteint l'âge limite de 75 ans. "Je suppose qu'il me demandera de rester encore quelques mois, le temps de désigner mon successeur." Après toute une vie d'apostolat, Mgr Rixen envisage de se retirer pendant un an dans un monastère pour "approfondir sa spiritualité".

Sophie DELHALLE

Illustrations: CathoBel - Entraide et Fraternité


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