L'association Caritas se préoccupe de longue date des questions migratoire et de développement. Témoin quotidien des défis mais aussi des opportunités qu'offrent la migration, Caritas s'est penchée sur le lien entre ces deux questions.
Le fruit de ses réflexions consiste en un rapport qui permet d'objectiver les données manquantes et de répondre aux controverses suscitées par des informations mal interprétées.
Trop de freins
L'expertise et la pluridisciplinarité de Caritas conjointes aux recherches de Abdeslam Marfouk - économiste - et Jean-Michel Lafleur - sociologue - de l'Université de Liège, éclairent sur la plus-value économique, sociale, culturelle... qu'apporte la migration. Mais cette contribution des migrants au développement (à la fois en Belgique et dans leur pays d'origine) pourrait être encore meilleure si des freins considérables étaient levés. Entre autres, l'accès au marché du travail. Or, celui-ci est un vecteur important d'intégration sociale et culturelle. Ainsi, il y a encore trop de discriminations ethniques ou de nationalité, un taux d'emploi inférieur des migrants par rapport aux natifs et une surqualification des travailleurs migrants. Et sur ces points, la Belgique est plutôt mauvaise élève au regard des autres pays européens.
Les chercheurs constatent que, depuis 2015, l'opinion publique est beaucoup plus favorable par rapport à l'immigration. Dès lors, Caritas en appelle les politiques à oser agir pour une politique migratoire claire et, bien sûr, humaine. Car, derrière tous les chiffres, il y a des hommes et des femmes. Et ceux-ci disposent de compétences valorisables mais qui ne le sont pas suffisamment.
C'est pourquoi Caritas en a profité pour inviter des candidats à débattre sur les conclusions de son rapport. Celles-ci sont sommes toutes positives mais pourraient donc l'être encore davantage. La question migratoire et du développement méritait donc qu'on s'y attarde avant les élections. Notons que, pour des raisons diverses, tous les partis ne se sont pas retrouvés autour du micro. Cependant le panel a déjà permis de relever les tendances et le degré d'ouverture des candidats à un changement de perspectives.
Un débat politique nécessaire
Au vu des chiffres et de la réalité, les migrants contribuent clairement au développement économique en apportant leur expertise et leur créativité. Par ailleurs, en travaillant, ils deviennent autonomes, ils diminuent la charge sociale à leur égard et participent au financement de la solidarité (les pensions entre autres).
Une politique migratoire claire ne peut donc faire l'impasse sur la question de la régularisation ni sur celle du regroupement familial. Par ailleurs, une politique migratoire plus accueillante permettrait au migrants de mieux développer leur potentiel et participer au développement du pays d'accueil.
Lors du débat, Madame Montserrat Carreras, de Amnesty International, a interrogé les partis en présence sur la problématique des Centres d'Accueil et d'Orientation pour les migrants en transit. Par crainte d'être renvoyés dans le pays d'Europe où ils sont arrivés, les migrants consultent peu ces centres; et ils ne peuvent dès lors pas bénéficier d'une aide correcte et concrète. Dans les réponses reçues des partis, Madame Carreras relève "une ouverture intéressante du cdH et d'Ecolo, un mépris navrant de l'être humain - au nom de la légalité - de la part du MR et de la N-VA, et une audace de DéFi." Ce dernier propose en effet que l'Etat belge applique la clause de solidarité. Ainsi, la Belgique peut se déclarer prête à s'occuper des migrants plutôt que de les renvoyer dans le pays d'arrivée.
Créativité avant tout !
Ainsi, grâce aux chiffres fournis par le rapport, les partis peuvent être créatifs. A défaut, ils peuvent changer de position - comme le CD&V - qui se rend compte du drame humain que cela représente et des répercussions que cela peut aussi avoir. Ce parti est ouvert pour trouver une solution pour les migrants en transit. Le sp.a, quant à lui, estime qu'il faut améliorer ces centres d'accueil et d'orientation.
Sur la question du regroupement familial, la N-VA veut toujours poser des limites et le MR souhaite mettre des outils en place pour développer un parcours d'intégration, surtout en région bruxelloise. Tandis que les autres partis présents (CD&V, DéFi, Ecolo, cdH et sp.a) s'affichent plutôt favorables à les assouplir et à supprimer le délai d'un an d'introduction du dossier de demande. En effet, vu la complexité de l'intégration, nombre de réfugiés sont incapables de gérer tout en même temps: trouver un logement, du travail, garantir une stabilité...
Une autre question a été débattue avec les candidats: l'Etat belge doit-il travailler en partenariat avec les associations issues de la diaspora? Ceci afin de permettre tant le développement dans le pays d'origine que l'intégration dans le pays d'accueil. Tous les partis sont d'accord sur ce point avec quelques nuances cependant. La N-VA refuse un monopole trop important de la société civile et veut aussi travailler avec le secteur privé. Les autres partis veulent une approche humaniste. Ainsi le sp.a veut réfléchir de façon créative pour aider aussi les personnes qui rentreraient dans leur pays.
En conclusion, se baser sur les constats du rapport de Caritas (chiffres et rencontres de nombreux interlocuteurs à l'appui) et oser être créatif permettrait à chacun de s'épanouir là où il vit. Ce serait donc un gage de développement de l'individu et de la société. Pour tordre le cou à des a priori, Caritas a tenu à le rappeler à la veille des élections et le journal Dimanche en parlera prochainement.
Nancy Goethals
Le rapport est consultable sur le site de Caritas. Il est publié en même temps que ceux de onze autres Caritas, répartis dans différents pays d'Europe. Chacun aborde la question de l'apport du travail des migrants à partir de son contexte national. Tous les Caritas ont divisé le rapport de la même manière, pour que cela soit facilement comparable. Le premier chapitre offre un aperçu du contexte migratoire, chiffres à l'appui; le deuxième traite de la contribution économique mais aussi politique, sociale et culturelle des migrants; le troisième des obstacles qui entravent cette contribution et le quatrième des bonnes pratiques et des politiques qui existent déjà. En conclusion, les auteurs du rapports proposent des recommandations aux pouvoirs publics (fédéraux, régionaux et locaux) mais aussi aux institutions et organisations de la société civile, aux migrants et à la population belge.