Terrible destin que celui de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Déjà malmenée au cours de l’histoire de France, lors de la Révolution notamment, elle a subi lundi soir les ravages d’un terrible incendie à la veille des fêtes de Pâques. Nouveau coup dur pour ce monument symbolique, à l’histoire étonnante.
Paris martyrisé, Paris incendié… comme pour rappeler le fameux discours historique tenu par le général Charles de Gaulle dans d’autres circonstances. L’incendie qui a frappé, lundi soir, l’un de ses plus importants monuments, la cathédrale Notre-Dame, constitue un drame impensable pour chacun d’entre nous. Qu’il soit catholique ou pas. Parisien ou pas. Tout comme pour les attentats survenus à New-York en 2001, les images de l’incendie de la cathédrale gothique ont fait le tour du monde en temps réel grâce aux médias, aux réseaux sociaux. Pour déclencher une émotion identique en ce début de Semaine sainte.
D’emblée, la piste criminelle a été écartée. L’enquête débutée rapidement privilégie des causes accidentelles, liées aux travaux de réfection de l’édifice entamés l’été 2018. Selon les officiels, le sauvetage de la cathédrale s’est joué à quelques minutes. Quinze à trente, tout au plus.
Mardi matin, tant les autorités catholiques que celles d’autres cultes appelaient à la prière et aux dons. La presse israélienne a de son côté souligné dans ses éditions que « le passé de chacun d’entre nous a pris feu ». De Rome, le pape François a appelé tout le monde à la mobilisation pour permettre à la cathédrale Notre-Dame de « redevenir le joyau architectural d’une mémoire collective ». L’heure est aujourd’hui au recueillement et à la stabilisation du site. Des faiblesses sont notamment surveillées dans la structure.
Une histoire mouvementée
Une cathédrale Notre-Dame dont l’histoire est loin d’être un fleuve tranquille. Ses origines remontent en 1160, sous le règne de Louis VII, quand l’évêque Maurice de Sully décide de doter Paris d’une cathédrale digne de son rang. Un projet grandiose porté par toute une ville voit le jour. Débutés en 1163, les travaux prennent fin près de deux siècles plus tard, en 1345. Une cathédrale dédiée à Marie, mère de Dieu, et devenue un symbole de la grandeur de Paris et de la France. Un édifice religieux qui cumule les records. Dont celui lié à ce qui a disparu dans l’incendie, cette forêt qui composait sa charpente. Ce ne sont pas moins de 21 hectares de chênes qui ont été nécessaires.
Au fil de son existence, la cathédrale a connu d’importantes dégradations. Dont celles, majeures, occasionnées lors de la Révolution française. Une partie de son trésor est pillée, des statues présentes sur sa façade sont détruites, tout comme des tableaux et son mobilier. Les révolutionnaires, comble de l’infamie, transforment même ce lieu de culte en vulgaire entrepôt de vins!
En 1801, la religion catholique devient celle reconnue par la majorité des Français et la cathédrale Notre-Dame est choisie par Napoléon pour son sacre. Son sort est sauvé malgré des émeutes en 1830 qui provoquent de nouveaux dégâts. En 1843, deux architectes, Viollet-le-Duc et Jean-Baptiste Antoine Lassus entament une campagne de restauration. Après la mort de Lassus, Viollet-le-Duc poursuit seul la restauration de l’édifice avec, notamment, la réfection de la flèche, démontée au 18e. Son goût pour la cohérence est pourtant pris en défaut sur plusieurs points. Notamment cette représentation bien connue de saint Thomas avec le visage de l’architecte. Une création ajoutée parmi d’autres. Nombreux sont d’ailleurs les touristes à s’amuser à rechercher les pièces ajoutées par Viollet-le-Duc sur la façade de la cathédrale.
De par ses imposantes dimensions, la cathédrale a souvent dépassé sa fonction religieuse pour servir de témoin majeur à de nombreux événements historiques. Encore inachevée au XIIIe siècle, elle a servi de cadre de recueillement pour les Parisiens lors de la mort de saint Louis. En 1804, Napoléon Ier fut sacré en ces lieux empereur des Français par le pape Pie VII. En 1944, le bourdon de la cathédrale a fêté dignement la libération de Paris. En 2005, la cathédrale a rassemblé les milliers de fidèles venus pleurer la mort du pape Jean-Paul II…
Un nouveau chapitre va s’écrire
Si les politiques se lancent déjà dans des déclarations, prématurées, de reconstruction, l’heure n’est pas encore au planning d’un tel chantier. Il faudra surmonter le choc, attendre les résultats d’une enquête qui s’annonce longue, et planifier un chantier d’envergure. Avec des soucis déjà annoncés. Comme le stock de bois qu’il faudra pour reconstruire la charpente et le choix d’ouvriers aptes à la remontée de celle-ci. Un chantier qui constituera une nouvelle tranche d’histoire, celle du XXIe siècle, dans l’évolution de cette cathédrale qui a traversé les siècles et les tourments de son histoire. Pour rester debout, et incarner ce rôle symbolique qui est le sien depuis le début.
Pour terminer sur une note plus légère, le groupe Amazon a annoncé que le roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris a occupé la première place de ses ventes de livres ce mardi matin. Comme pour mieux rappeler le rôle initial joué par cette œuvre publiée en 1831. A l’époque, le succès populaire du roman permet de remettre la cathédrale au cœur de toutes les attentions et de lancer sa restauration après tant d’années difficiles. Ce succès sur Amazon incarne lui aussi ce même élan d’amour populaire pour cet édifice que nul ne veut voir disparaître. Un appel à la survie auquel ont déjà répondu de nombreuses sociétés et riches familles françaises. Avec pas moins de 600 millions d’euros déjà récoltés au lendemain du drame.
Philippe DEGOUY
Photo: Extrait du jeu video Assassin’s Creed Unity (c) Ubisoft