Donner un cours, deux heures avant le départ en vacances de Pâques: pas facile, hein! C’était un Vendredi Saint à 15h. Vu la gravité de l’heure, j’avais préparé un montage: des extraits de la Passion d’après Péguy, des passages de J.S. Bach, des diapos et quelques poèmes évoquant un jour de jeûne et de souffrance. On est au cours de religion quand même… Et j’attendais de pied ferme mes vingt « monstres ».
La porte s’ouvre. Une Chantal déchaînée entre en estafette. « Voilà, Père Loup, mon patron arrive à l’instant, avec une montagne de tartes! » (Il faut savoir que Chantal passait ses week-ends dans une pâtisserie de Gastuche, où elle servait). En effet, devant la porte du local de religion, qui se trouvait de l’autre côté de la rue des Déportés, une camionnette pâtissière était là.
Ma tête pénitentielle et ma Passion selon saint Matthieu en prenaient un sale coup. Et sans attendre de réponse, une armée d’élèves entra, chargée de nappes en papier, de gobelets, de bougies et de bouteilles de Coca. La fête, quoi!
J’ai débranché l’électrophone et rassemblé les pupitres pour faire une grande table. Dix minutes plus tard, obligé d’accepter un troisième morceau de tarte, je ruminais toujours ma déconvenue. C’est alors que Vincent s’écria: « On a de la chance d’être ainsi rassemblés pour faire la fête. Si on allait chercher la Préfète, elle verrait ce que c’est, un beau cours de religion!!! ».
Sitôt dit, sitôt fait, Et Madame la Préfète arrive. Un peu gênée (« Quel commentaire feront ceux de la morale? »), elle se montre diplomatiquement pressée.
J’ai gardé un souvenir très précis de ce Vendredi saint. Je ne sais plus qui a dit le mot de la fin. Mais je ne l’oublierai pas: « Dis, Père Loup, c’est pas la messe, le repas qu’on a fait ensemble? » Ah, non, mes amis.
Et pourtant…Tout le faisait penser.
Mais aujourd’hui, vingt-cinq ans plus tard, les choses sont plus chaleureuses et plus cordiales. Le récit de notre bon Vendredi, raconté ici, est une avant-garde de bonheur et de résurrection. Heureuse découverte.
Revivre
Nous voilà invités à refaire, cette année-ci encore, une expérience de vie! Chacun doit découvrir que Jésus est bien vivant. Comment est-il possible qu’il vive? Je n’en sais rien. Marie-Madeleine, Pierre et Jean ne le savaient pas mieux que nous. Leur enquête et leurs constats n’ont rien expliqué. Seuls les yeux de leur foi ont pu y voir clair.
Ils avaient cherché leur Maître dans les cimetières et les tombes, ignorant toujours où on l’avait mis. On leur avait bien parlé d’un repas dans une auberge d’Emmaüs? Sans trop comprendre, ils avaient cru…
Moi non plus, je ne sais trop où le trouver aujourd’hui. Il ne me semble pas vivre seulement dans les sermons, les institutions, les prélats, les organisations catholiques, les cérémonies de triomphe… Il doit être ailleurs. Je devine plutôt sa vitalité quand je vois des hommes et des femmes qui se lèvent pour refuser l’injustice et l’hypocrisie, l’égoïsme et la violence. Je crois en lui quand je rencontre des jeunes et des vieux décidés à aimer comme lui, c’est-à-dire à travers tout. Dans la lèpre y compris. Au fond de nos impasses les plus sombres, il ouvre une brèche de lumière: « La vie va toujours quelque part », dit-il à peu près. « Quand on aime comme Dieu, on ne meurt jamais. »
Ces jours de Pâques, venons donc à l’église. Nous y verrons un arbre en fleurs. Une flamme chaleureuse et lumineuse nous réjouira. Une eau de vie rafraîchissante inondera notre cœur. Le pain et le vin seront partagés. Un printemps parfumé chassera les relents pessimistes de l’hiver.
« Ne cherchons plus parmi les morts celui qui est vivant » (Luc 24,5). Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères!
La résurrection ce n’est pas une deuxième vie qui viendrait après notre mort. C’est une autre vie à commencer tout de suite. Cette Pâque-là, qu’elle soit heureuse et belle pour chacun!
ALLÉLUIA, ça veut dire: « Avec toi, ça ira. »
Père Loup