Cela relève quasiment du miracle, ou bien de l’efficacité du travail des pompiers. Parmi les pièces maîtresses de la cathédrale Notre-Dame de Paris, il semblerait que les trois rosaces ont été épargnées par les flammes et la chaleur, de même que l’autel et le Grand orgue.
Dans ce spectacle de désolation qu’offre l’intérieur de la cathédrale, le temps est à un rapide inventaire de tous les trésors architecturaux et liturgiques qui la composaient. Déjà dans la nuit, le vicaire général de l’archidiocèse de Paris, Philippe Marset, un des premiers à être entrés, avait pu trouver quelques motifs d’espérer en découvrant l’autel partiellement intact de même que les statues du maître-autel (La Descente du corps et La Mise au tombeau) et la grande croix qui semble symboliser l’espérance d’une renaissance des lieux. Lumineuse dans la noirceur du drame. Alors qu’au-dessus, une béance dans la voûte, à la croisée du transept, signale l’endroit où la fameuse flèche culminant à 93 mètres s’était effondrée. Dans la destruction de cette dernière, ont également disparu trois reliques qui étaient nichées dans le coq surmontant la flèche: une parcelle de la Sainte Couronne d’épines, une relique de saint Denis et une de sainte Geneviève. En revanche, les seize statues de cuivre (représentant les douze apôtres et les quatre évangélistes) situées au pied de cette flèche ont échappé aux flammes puisqu’elles avaient été retirées de leur socle, il y a quelques jours seulement, pour être restaurées.
Si hier, en cours de soirée, les autorités craignaient que l’incendie fragilise les tours de Notre-Dame, le travail des pompiers a permis de sauvegarder ces symboles de la cathédrale, et de le les sécuriser. De même, les cloches, renouvelées en 2013, sont intactes, tout comme le célèbre Bourdon Emmanuel, fondu il y a plus de 300 ans et lourd de 13 tonnes.
Le Trésor sauvé
On savait depuis hier soir que les pièces du Trésor de la cathédrale (la tunique de saint Louis et la la Sainte Couronne – qui aurait été portée par Jésus lors de la Passion – , ainsi que deux autres reliques de la Passion du Christ: un morceau de la Croix et un clou de la Passion) avaient pu être sauvés des flammes par les pompiers alors que l’incendie était toujours en cours. Premier signe d’espérance… On apprenait aujourd’hui que les trois belles rosaces de Notre-Dame, qui datent des XIIe et XIIIe siècles n’avaient pas « bougé » et que les dommages seraient bien moindres que redoutés. « Ce serait surtout des vitraux du XIXe siècle qui ont pu être touchés », a expliqué Mgr André Finot, le porte-parole de la cathédrale.
Autre « miraculé »: le Grand orgue (cinq claviers, 109 jeux et près de 8.000 tuyaux), construit à partir du XVe siècle, et dans sa taille actuelle depuis le XVIIIe. Il a traversé la Révolution sans dommages et a connu au cours des siècles de nombreuses réfections, dont une dernière restauration en 2014. Ses tuyaux, fabriqués dans un alliage d’étain et de plomb, supportent très mal la chaleur et les variations d’hygrométrie. Mais selon Laurent Prades, le régisseur du patrimoine intérieur de la cathédrale, l’instrument a pris beaucoup de suie et de poussière, « mais pas une seule goutte d’eau. Il est certes totalement inutilisable, mais rien n’a brûlé, rien n’a fondu. » La prudence restait cependant de mise pour cet instrument qui date du XVe siècle.
Les grands tableaux partiellement ou totalement détruits
Les « grands mays » de la cathédrale n’ayant pu être « décrochés », certains d’entre eux ont été a priori détruits. Ces grands tableaux de deux mètres sur trois environ, représentant la vie des apôtres, avaient été commandés chaque année entre 1630 et 1707 par la Corporation des orfèvres. Il en existait septante-six au total, dont treize encore étaient présentés au public à Notre-Dame dans les arcades de la nef, du chœur, des croisillons et du déambulatoire et dans les chapelles. Les pièces abîmées seront détachées et envoyées au Louvre pour y être restaurées par les équipes spécialisées.
A noter que les pompiers de Paris suivent des formations pour mettre rapidement à l’abri des pièces menacées en cas d’incendie. Une formation qui a certainement contribué lundi au sauvetage de pièces historiques uniques. Toutes les reliques ont été transférées provisoirement à la Mairie de Paris avant de rejoindre un cadre plus adapté à ces trésors, le Louvre.
Pierre GRANIER et Philippe DEGOUY