A un mois des élections régionales, fédérales et européennes, les évêques de Belgique rappellent, dans une déclaration, que les catholiques doivent faire entendre leur voix dans le débat démocratique. L’occasion de rappeler également quelques enjeux sociétaux majeurs.
Pour la première fois depuis longtemps, les évêques de notre pays invitent les catholiques à opérer un « discernement » lors des élections qui se tiendront en Belgique le 26 mai prochain. Cette déclaration officielle ne contient (bien évidemment) aucune « consigne » de vote, mais elle invite les chrétiens catholiques à participer activement au débat politique, dans le respect des convictions de tous.
Surtout, ils rappellent quelques défis auxquels notre société est actuellement confrontée, en y apportant un éclairage inspiré de l’évangile, dans la ligne de l’enseignement social de l’Eglise. Ces enjeux ne sont pas spécifiques aux catholiques, mais concernent chaque individu ou communauté dans notre pays. Concernant l’économie, par exemple, les évêques belges déclarent qu’il faudrait revoir fondamentalement le fonctionnement, mais surtout les finalités de notre système économique, afin qu’il soit vraiment au service de l’être humain.
L’allusion a un système souvent dominé par certains intérêts particuliers semble claire. Face à ce qui constitue une dérive, les évêques renvoient à la notion d’ »économie sociale de marché« , comme une troisième voie entre le néo-libéralisme et le collectivisme.
Autre enjeu essentiel: le respect de la vie humaine, particulièrement en début et fin de vie. Sur cette question également, les évêques insistent sur des soins de santé qui mettent l’homme au centre, dans toutes ses dimensions, au-delà de la seule efficacité, et certainement de la rentabilité, qui risque de faire passer la personne au second plan.
Une « voie sans issue »
Dans la ligne de l’encyclique Laudato Si’ du pape François, la conférence épiscopale belge souligne ensuite la nécessité de préserver notre maison commune, la Terre. Il s’agit, pour eux, d’abord d’un enjeu spirituel: c’est en comprenant que nous ne possédons pas la création que nous pourrons « revoir la hiérarchie de nos besoins« , et changer nos modes de consommation. Sans que le mot soit utilisé par les évêques, on pourrait parler, ici, d’un appel à la conversion écologique.
Les évêques belges insistent également sur l’importance de l’enseignement et de l’éducation, sans oublier d’évoquer les questions migratoires. L’accueil de l’étranger en détresse est primordial, tandis que le repli sur soi est une « voie sans issue« .
Les évêques de Belgique ont également des paroles fortes à l’endroit de la construction européenne, qui doit être poursuivie. Sans donner de « recette » pour une Europe plus efficace, ils invitent les Européens à approfondir leur projet politique, au-delà des seuls problèmes économiques, voire « technocratiques« . Les évêques ne parlent pas des « racines de l’Europe », mais encouragent l’ouverture aux autres, le dialogue, et soulignent la nécessité de développer un nouveau modèle de société.
Après un dernier appel à l’engagement politique des chrétiens, nos évêques concluent leur déclaration en rappelant la finalité de toute action politique: le bien commun.
Christophe HERINCKX
Déclaration des évêques de Belgique aux chrétiens catholiques au seuil des élections
Des enjeux d’importance
Les élections régionales, fédérales et européennes auront lieu d’ici quelques semaines. À tous les niveaux de pouvoir, les défis sont immenses. Nous devons être conscients que les réponses à ceux-ci ne sont et ne seront jamais simples.
En tant que chrétiens, nous tenons à participer activement à ces élections, en faisant entendre notre voix dans le débat démocratique, dans le respect de toute conviction. Nous aimerions encourager les chrétiens catholiques à un véritable discernement et attirer leur attention sur quelques enjeux importants.
La globalisation, la numérisation et l’évolution technologique ont profondément transformé l’économie. La question du partage des richesses est un problème grave. Les inégalités sociales, le taux de pauvreté y compris dans notre pays, les questions connexes telles que l’habitat et l’accès au travail, doivent continuer à nous interpeller. Il serait d’ailleurs courageux de repenser le fonctionnement et les finalités de notre système économique. Une économie sociale de marché doit être au service de l’être humain, et en particulier des plus fragiles. Elle doit offrir à chaque être humain la possibilité d’une existence digne.
C’est parce que la vie humaine est un don incomparable, que nous en attendons le plus grand respect : dans toutes ses dimensions, du début à la fin. Notre société dispose d’un important réseau de soins de santé mais ce dernier ne peut être régi par la seule recherche d’efficacité et de rentabilité. Tant de malades se sentent seuls, ceci constitue un appel à la solidarité et à la proximité.
La Terre est l’héritage de toute l’humanité, notre « maison commune ». Elle nous est donnée, elle ne nous appartient pas. « La conscience d’une origine commune, d’une appartenance mutuelle et d’un avenir partagé par tous, est nécessaire. »(1) Répondre au défi du changement climatique implique de revoir la hiérarchie de nos besoins, avec les renoncements qui s’ensuivent, en privilégiant le spirituel au matériel. Avec d’autres, nous voulons réfléchir à nos modes de consommation, qu’ils concernent en particulier l’alimentation, les transports ou l’utilisation de l’énergie.
L’avènement d’une société juste, en paix avec elle-même et avec son environnement, passe par l’enseignement et l’éducation. La science est une richesse inestimable que nous devons partager, tout en étant conscients du pouvoir qu’elle octroie et des limites éthiques qu’il convient de lui apporter. Apprendre chaque jour nous aidera à construire un monde où nos choix culturels, idéologiques ou moraux ne seront pas imposés à des fins consuméristes.
Les questions migratoires, l’accueil de l’étranger et son intégration dans notre société, doivent rester au centre de nos réflexions pour le monde que nous voulons transmettre aux générations futures. Un repli sur soi sans prendre sérieusement en considération les attentes des hommes et des femmes des pays pauvres et leur avenir, sont des voies sans issue.
La construction européenne doit être poursuivie. Par son histoire particulière, par sa pierre angulaire qu’est la construction de la paix, par son engagement à construire l’unité dans la diversité, l’Union européenne demeure un point de référence pour toute l’humanité. Les citoyens doivent pouvoir compter sur un Parlement européen et des instances de l’Union qui, au-delà de mesures à caractère économique ou technocratique, déploient un vrai projet politique témoignant de la capacité de s’ouvrir aux autres, de dialoguer avec tous, d’engendrer de nouveaux modèles de vivre ensemble.
Les partis présentent actuellement leur programme et les candidats entrent en débat. Comme les croyants, les chrétiens ne peuvent rester à distance de ces échanges. Ils sont partie prenante de la vie en société et ne peuvent se désintéresser du politique. Par leur vote, ils contribuent à restaurer une relation de confiance avec les élus. Les partis politiques comptent d’ailleurs de nombreux chrétiens en leur sein.
Nous avons plus que jamais besoin de personnes qui soient proches du citoyen et qui agissent pour le bien commun. Soyons reconnaissants envers celles et ceux qui acceptent de prendre leur part de responsabilités pour autrui, que ce soit par l’exercice d’un mandat public ou sous d’autres formes d’action citoyenne.
Bien fraternellement,
Les évêques de Belgique
26 avril 2019
(1) Pape François, encyclique Laudato si’, n°202.