Alors que la Commission du Sénat pour les affaires institutionnelles examine les articles de la Constitution sujets à une révision éventuelle, des citoyens ont publié une carte blanche sur le site la Libre.be et dans le quotidien éponyme. Ils disent "éprouver de vives préoccupations concernant ces possibles modifications, qui risquent de mettre sous pression un certain nombre de libertés".
Par ces mots, les signataires visent la liberté de religion, d’éducation et d’association, mais leur craintes portent surtout sur le projet d’inscrire la laïcité dans notre Constitution. Ce fait, cela toucherait à l’équilibre entre Etat et religions. Ils affirment "souhaiter exprimer leurs préoccupations tout en demeurant ouverts au dialogue". Ils rappellent encore que dans l’exercice des cultes reconnus dans notre pays, "l’Etat belge fait preuve d’une juste neutralité", puisqu'il reconnaît certains cultes et organisations non confessionnelles. "L’attitude bienveillante de l’Etat belge permet l’exercice réel de notre droit fondamental à la liberté de religion. Mais apparemment, cela ne convient plus aux yeux de certains et nous pensons qu’il y a là un danger contre lequel nous souhaitons mettre en garde", écrivent-ils.
Préoccupés pour deux raisons
Et de mettre en évidence le fait que différents groupes d’influence se sont fixé pour objectif d'inclure le terme "laïcité" dans notre Constitution: des "propositions en question visent à ancrer la laïcité de l'Etat belge dans la Constitution et à renforcer la primauté du droit positif sur toute conviction religieuse ou philosophique." Les signataires se disent préoccupés par les conséquences de l'introduction du terme "laïcité" dans la Constitution belge pour deux raisons : "nous jugeons que c'est à la fois inutile et dangereux. Inutile car la Constitution belge dans sa version actuelle offre des garanties suffisantes pour l’exercice de nos libertés fondamentales, notamment la liberté de religion. Le système qui existe actuellement est celui d’une neutralité coopérative, qui respecte la stricte séparation de la religion et de l'Etat mais soutient en même temps l'exercice du culte dans la société, ce qui permet de ne pas reléguer le religieux dans l’étroitesse de la sphère privée. Dangereux ensuite, parce que l’inscription du terme laïcité dans la Constitution représente un changement par rapport à la neutralité de l’Etat belge à l’égard des cultes et met en péril le fragile équilibre entre religions et Etat, ainsi que celui de l’éducation religieuse dans le Pacte Scolaire."
Le texte souligne que la laïcité ou la libre pensée sont les noms d'une conception philosophique reconnue par l’Etat. "Si cette notion est incluse dans la Constitution en tant que fondement des libertés constitutionnelles, une conception philosophique particulière aura la même appellation que le principe constitutionnel lui-même ! Il y aurait donc une libre pensée reconnue comme conception philosophique et une autre libre pensée érigée en principe constitutionnel fondamental. Cela nous semble problématique."
Et de conclure: "Il n’est nullement besoin de bouleverser la neutralité de l’État belge à l’égard des différentes religions et convictions philosophiques reconnues et les équilibres qui en résultent. Nous vivons dans un pays démocratique et tolérant, régi par des principes constitutionnels et des lois garantissant l'ordre, la loi et la non-discrimination. Au nom de quoi pourrait-on vouloir mettre cela en péril?"
Parmi les 126 signataires figurent des personnalités du monde des affaires, de la politique, de la presse, des milieux associatifs, académiques, médicaux et juridiques, des cultes et de l'enseignement. Citons-en quelques-uns: le Professeur Louis-Léon Christians (UCL), François Cornet (Caritas International), Francis De Nolf (Roularta), Philippe le Hodey (IMP), le Grand Rabbin de Bruxelles Albert Guigui, le Président du Consistoire Israëlique Central Philippe Markiewicz, Etienne Michel (Directeur du Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique )- SeGeC), l'Ambassadeur honoraire Johan Swinnen ou encore l'ancien Président du Conseil Européen, le ministre d'Etat Herman Van Rompuy.
J.J.D.
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