Dans 14 ans, un anniversaire peu banal sera fêté dans le monde. Deux mille ans se seront écoulés depuis la Résurrection du Christ. A l’heure où reprend le débat aussi récurrent que passionné autour de l’ordination d’hommes mariés au presbytérat, je pense que nous devons aussi nous demander quel « service » l’Eglise pourra rendre au monde en 2033, en annonçant l’Evangile à qui y trouve sens ?
Certes, l’Eglise est une très vieille dame respectable qui ne se déplace que lentement. Il serait dommage que, en la bousculant, se brisent les trésors de sagesse et de spiritualité qu’elle transporte. Mais plus d’énergie devrait être consacrée à discerner ce que l’Esprit nous dit pour devenir, ensemble en Eglise, davantage prospectifs.
Nos annuaires diocésains sont régulièrement actualisés. L’on y trouve de moins en moins de « cadres » mais qui remplissent toujours davantage de fonctions. Les bouquins sont donc toujours aussi épais et donnent une illusion de statu quo, de nature à rassurer une partie des fidèles ou du clergé. Pourquoi ne pas tenter une démarche originale en dessinant à partir d’une page blanche, ce que pourrait être le visage de l’Eglise en 2033 ?
Tenter un exercice fécond de discernement
Ce n’est pas de la théologie-fiction mais un exercice fécond de discernement que chaque Eglise diocésaine, Ordre, Congrégation pourrait tenter, en se demandant ce que sa fidélité à l’Evangile lui suggèrera de proposer à moyen terme pour « servir » et contribuer au « vivre ensemble » de notre société.
Les lieux où se vit la liturgie, la prière, la réflexion ou le partage biblique, sont d’intéressants laboratoires où s’expérimente très concrètement la richesse de la diversité. Ces rassemblements sont souvent des constellations de « minorités », des gens de « toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation », pour citer l’Apocalypse.
Ils réunissent des groupes de personnes qui se croisent généralement peu dans le quotidien vu leurs appartenances sociologiques contrastées. La dimension intergénérationnelle réunit personnes âgées ou très jeunes. Le « gratuit » y a une belle place, en contraste avec une société où tout s’achète. Bref, une heureuse ouverture à l’autre et aux autres dans un climat d’engagement libre et bénévole. Ces lieux offrent aussi de vivre moments d’intériorité ou de silence, des espaces d’écoute et de pardon.
Beaucoup redécouvrent les églises à l’occasion de célébrations de baptêmes, de confirmations, de mariages ou encore de funérailles. Venus généralement pour des raisons qui n’ont rien de liturgique, ils peuvent se tenir librement à distance de ce qui s’y vit mais aussi se sentir interpellés par des signes qui viennent rejoindre notre « commune humanité ». La tradition chrétienne continue à accueillir dans une proportion surprenante. Vivre la Parole de Dieu ou un sacrement, au sein d’une assemblée où se mêlent les convictions et dans le respect de chacun, continue à parler. La résonance de ces rencontres, toujours « uniques », m’impressionne, notamment parce qu’elles me paraissent tisser un vrai « vivre ensemble ».
Ecouter l’Esprit et agir avec audace
Les célébrations auront toujours besoin de « ministres ». Il serait prophétique qu’ils manifestent une réelle diversité, à l’image de la mosaïque qu’est peuple des baptisés. De nouvelles pistes méritent d’être explorées pour une Eglise plus accueillante et inclusive, aussi quant à ses cadres. Regarder devant nous, à moyen terme, devrait faire se rapprocher nos horizons. Oser aborder ces débats, avec nos légitimes différences, me semble indispensable à la bonne santé de l’Eglise.
Mon parcours personnel comme théologien et prêtre, original, m’a apporté beaucoup de joie. Il m’a fait croiser d’autres personnes qui vivent ou ont vécu des cursus moins « traditionnels » et penser que la pesanteur de l’institution rend anormalement difficile le cheminement de baptisés de bonne volonté. L’heure appelle davantage le « sur mesure » que le « prêt-à-porter ». L’attitude consistant à former en « vase clos » ou faire du « néo » me semble une impasse. Ecouter l’Esprit et agir avec audace peut au contraire nous aider à mieux rencontrer nos contemporains et à mieux les servir.
Serge MAUCQ,
Prêtre et théologien,
Curé de Louvain-La-Neuve (Notre Dame d’Espérance)
Photo: « Lire entre les lignes », une oeuvre signée Gijs Van Vaerenbergh située à Looz, dans le Limbourg. (c) Filip Dujardin