Vendredi 22 mars, à 11h, ont eu lieu les funérailles du cardinal Godfried Danneels, décédé le jeudi 14 mars 2019 à l'âge de 85 ans. Dès 9h, le bourdon de la cathédrale Saint-Rombaut de Malines a sonné 85 fois, au moment où le cercueil du défunt entrait discrètement dans l'édifice.
La célébration était présidée par l'actuel archevêque de Malines-Bruxelles, le cardinal Jozef De Kesel, président de la Conférence épiscopale belge. Il était entouré par l'ensemble des évêques de Belgique, les nonces apostoliques auprès de la Belgique et de l'Union européenne. Etaient aussi présents plusieurs évêques émérites comme Mgrs Aloys Jousen et Albert Houssiau (Liège), Jan De Bie (Malines-Brussel), Paul Van Den Berghe (Anvers) et Arthur Luysterman (Gand). Des évêques congolais seront aussi aux côtés du cardinal De Kesel, tout comme le cardinal Adrianus Simonis, archevêque émérite d'Utrecht aux Pays-Bas et Mgr Frans Wiertz, évêque émérite de Roermond (Pays-Bas).
Présence de la famille royale
De nombreux prêtres participaient aussi à cette célébration solennelle, qui est à l'image du cardinal défunt: sobre, recueillie et priante.
De même le roi Philippe et la reine Mathilde, la princesse Astrid et son époux l'archiduc Loren et le prince Laurent avaient tenu à être présents.
Plusieurs personnalités avaient aussi pris place dans la cathédrale, notamment les présidents de la Chambre et du Sénat ainsi que du Parlement flamand, les ministres Kris Peeters, Koen Geens et Pieter De Crem, le Premier président et le président de la Cour de Cassation, le gouverneur d'Anvers et le vice-gouverneur de Bruxelles.
Le ministre d'Etat et ancien chef de cabinet du roi, Jacques van Ypersele de Strihou ainsi que le bourgmestre de Malines Bart Somers, de plusieurs échevins de la ville et le président du CD&V Wouter Beke étaient également présents. Plusieurs personnalités du monde académique comme le recteur de la KULeuven, le vice-président du Conseil académique de l'UCLouvain et deux anciens recteurs de l'UCLouvain et de nombreux représentants d'autres confessions (orthodoxe, juive, musulmane...) avaient tenu à être présents. Le cardinal De Kesel les a remerciés pour leur présence et la volonté de marquer ainsi leur respect et amitié pour le prélat défunt.
Le nonce apostolique près le Royaume de Belgique, Mgr Augustine Kasujja a lu le message de condoléances envoyé par le pape François.
La première lecture était la lettre de saint Paul apôtre à Titre. L'évangile de saint Luc (4, 14-21) est lu par le diacre Koen Jacobs.
Dans son homélie, le cardinal Jozef De Kesel a d'abord rappelé que la Lettre de Paul à Tite, lue comme épître, a inspiré la devise épiscopale de Godfried Danneels "Humanitas Dei nostri", l'humanité de Dieu. "C'est si beau et si correctement traduit en latin. Dieu qui n'est pas seulement animé d'un grand amour pour son peuple, mais qui est aussi devenu une personne. Et c'est pourquoi nous nous traitons si humainement", a souligné le cardinal, indiquant que "beaucoup de contemporains ont l'impression que la foi et la religion empêchent davantage les gens de développer leur bonheur en toute liberté".
Et de poursuivre: "Bien sûr, être humain est une affaire sérieuse et l'amour peut être exigeant. Pourtant, l'évangile est la bonne nouvelle de l'humanité de Dieu. (…) Oui, la bonté et l'humanité de Dieu sont apparues. C'est notre bonheur et notre salut. C'est pourquoi nous ne sommes pas sans espoir. Et c’est pourquoi l’Evangile est un appel à la vraie humanité pour tous ceux qui veulent l’entendre." L'archevêque de Malines-Bruxelles a estimé que le fait que le cardinal Danneels ait choisi ces mots comme devise épiscopale est parlante, car ces mots l’illustre parfaitement. "C'est ainsi qu'il a été un bon berger pendant toutes ces nombreuses années."
Disciple du Christ
"Cette même Bonne Nouvelle de la bonté et de l’humanité de Dieu, nous l’avons aussi reçue dans l’évangile que nous venons d’entendre. Il nous raconte le début de la prédication de Jésus quand il est sollicité à Nazareth le jour de sabbat pour lire la prophétie d’Isaïe qui dit: 'L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle." C’est dans ces paroles d’Isaïe que Jésus s’est reconnu et qu’il a discerné sa propre mission. C’est dans ce texte que l’on trouve pour la première fois le mot 'évangile'. C’est devenu le mot-clé pour désigner le sens de toute sa mission. Lui qui n’est pas venu pour juger mais pour sauver. Nous sommes connus et aimés de Dieu tels que nous sommes. "C’est là, comme le dit le pape François, 'la joie de l’évangile'. "
Le cardinal De Kesel a dit que le cardinal Danneels a consacré sa vie à l’annonce de cet évangile. "Comme sur Jésus, l’Esprit est venu sur lui et lui aussi a été consacré par l’onction. Cet Esprit, il l’a reçu en abondance. Avec le don de la parole qui lui a été donné et qui a touché tant de personnes, chez nous et dans l’Eglise universelle, et toujours avec cette simplicité de cœur qui est la marque d’un disciple du Christ", a-t-il poursuivi, rappelant que pendant les longues années durant lesquelles Godfried Daneels a été prêtre et évêque représentent, à plusieurs égards, un tournant décisif, aussi bien pour l’Eglise que pour la société.
Le pardon de Dieu
Le président de la conférence épiscopale de Belgique a mis aussi en évidence le fait que le défunt avait le don du mot. "Par ce mot, parlé et écrit avec tant de passion, il a touché le cœur de beaucoup. Grâce à ce mot, il nous a toujours conduits à la source. Il n'avait aucune nostalgie du passé. Fidèle au Concile Vatican II, il était fondamentalement convaincu de la nécessité d'un renouveau et d'une réforme de l'Eglise." Le prélat défunt voulait une Eglise ouverte "qui ne s'élève pas au-dessus du peuple mais qui sympathise avec la joie et l’espoir, mais aussi avec le chagrin et la peur des gens. Il voulait vraiment l'innovation et la réforme. Mais pas sans source, pas sans spiritualité, pas sans une liturgie vécue, pas sans prière", a encore ajouté Jozef De Kesel, rappelant que le défunt savait aussi qu’il n’y avait pas d’avenir pour notre Eglise sans les autres Eglises chrétiennes. "Le dialogue œcuménique lui tenait à cœur. Tout comme il était convaincu de l’importance du dialogue interreligieux et de l’importance d’autres traditions religieuses dans notre pays."
En conclusion de son homélie, le cardinal-archevêque a rappelé qu'aux funérailles, les gens ne sont pas honorés en les louant au ciel, mais qu'ils prient pour la miséricorde et la compassion. Cela vaut également pour le cardinal Danneels. A septante-cinq ans, lors d'une interview, on lui a demandé ce qu'il demanderait s'il se présentait devant Dieu à la fin. Il a répondu: "pitié pour ce que je n'ai pas bien fait (…) je compte sur le pardon de Dieu. C'est notre prière aujourd'hui. Avec un cœur plein de gratitude et de profonde affection. Ayez pitié, Seigneur, pour celui qui vous a servi avec tant d'amour et recevez-le avec amour dans votre maison", a terminé le cardinal Jozef De Kesel.
Jean-Jacques Durré
Homélie du Cardinal De Kesel lors des funérailles du Cardinal Danneels