On en parle peu dans les médias occidentaux mais le Québec connait actuellement, et ce depuis quelques mois, un grand débat sur la présence des signes religieux dans les administrations publiques. Retour sur un dossier qui secoue la vie politique outre-atlantique.
Aux dernières élections d’octobre 2018, les Québécois ont confié les rênes de la province à la Coalition avenir Québec (CAQ, réunissant des nationalistes de tout bord) de François Legault. Le nouveau gouvernement majoritaire qu’il dirige depuis lors a mis un terme à un demi-siècle d’alternance entre le Parti libéral du Québec (PLQ) et le Parti québécois (PQ), qui subissent au passage de lourdes pertes. Tandis que Québec solidaire (QS), à gauche sur l’échiquier, faisait une percée historique en passant de 3 à 10 députés à l’Assemblée nationale.
Des experts à la barre
Ce sont les membres de ce dernier parti qui ont entendu, samedi dernier, divers experts, pour nourrir leur réflexion sur le port de signes religieux chez les fonctionnaires, un enjeu épineux sur lequel le parti de gauche devra trancher en mars.
Au Québec, certains voudraient bien voir retirer les crucifix des palais de justice. Et le nouveau gouvernement Legault a notamment affirmé l’intention d’interdire aux juges le port de signes religieux.
Alors que le parti QS défendait traditionnellement le « compromis Bouchard-Taylor » – stipulant l’interdiction des signes religieux chez les fonctionnaires en position de coercition –, certains de ses membres ont exprimé de nouvelles réserves.
Néanmoins, à l’heure actuelle, d’après les observateurs, toutes les options semblent être sur la table – dont celle de permettre le port de signes religieux pour tous les fonctionnaires.
De la liberté de conscience
Le débat semble donc tendu au sein de QS. Lors de la période des questions, une dame a notamment demandé aux experts s’ils admettaient que certains signes religieux comportaient des relents de la soumission de la femme.
Charles Taylor, l’un des instigateurs du compromis Bouchard-Taylor, s’est rangé du côté de ceux qui s’opposent à l’interdiction du port de signes religieux. Il a d’ailleurs appelé Québec solidaire à « ne pas jouer le jeu des islamistes » en discriminant les musulmans. Pour lui, « il y aura infraction à l’égard de la liberté de conscience si on interdit un certain vêtement« . Et de s’expliquer: « Une personne qui pratique une religion qui n’exige pas que ça soit visible a la possibilité d’être employée partout, tandis que la personne à côté, qui a une posture de conscience qui exige quelque chose qui est visible, serait exclue. Ce serait une illégalité « .
Un représentant de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui représente notamment de nombreux enseignants, a aussi été entendu par les députés. Ce dernier a soutenu que le sujet était loin d’être une priorité pour eux et que les enseignants ont une autorité davantage morale que coercitive (si on compare leur mission à celle des juges).
Un futur projet de loi
Illustrations: (c) Agência Brasília (tribunal brésilien) – CCO