A peine le sommet sur la protection des mineurs et la lutte contre les abus sexuels au sein de l’Eglise achevé, un coup de tonnerre a éclaté: le cardinal australien George Pell, préfet du Secrétariat pour l’Economie du Vatican, a été reconnu d’abus sur mineurs et placé en détention !
Durant quatre jours, les présidents des conférences épiscopales du monde entier, réunis autour du pape François, ont travaillé à trouver des solutions pour éradiquer le douloureux problème des abus sexuels commis par des clercs. Une réunion courageuse, au cours de laquelle l’Eglise a reconnu ses erreurs et demandé pardon pour ses fautes.
Malheureusement, il n’a pas fallu attendre longtemps pour qu’un nouveau scandale éclate, qui plus est impliquant le numéro 3 du Vatican, à savoir le cardinal australien George Pell, proche de François, ancien membre du conseil des cardinaux chargés d’épauler le pontife dans la réforme de la Curie (C9) et préfet (en congé) du Secrétariat pour l’Economie du Saint-Siège.
Le cardinal Pell, préfet depuis 2014 du Secrétariat pour l’Economie du Vatican mais en congé de cette responsabilité depuis 2017 en raison de la procédure judiciaire le visant dans son pays, a été reconnu coupable d’agression sexuelle dans les années 1990, sur deux mineurs âgés de 12 et 13 ans au moment des faits. Durant cette période, il avait d’abord été évêque auxiliaire de Melbourne, avant de devenir archevêque de cette ville le 16 août 1996. Le tribunal de Melbourne a déclaré le cardinal de 77 ans coupable d’un chef d’agression sexuelle et de quatre chefs d’attentat à la pudeur contre deux enfants de chœur, des faits commis dans la sacristie de la cathédrale Saint-Patrick de Melbourne dans les années 1990.
Intention de faire appel
Le prélat avait initialement rejeté ces accusations et le jury n’était pas parvenu à une décision lors d’un premier procès en septembre 2018. Il a cependant été déclaré coupable lors d’un nouveau procès le 11 décembre dernier, mais le tribunal de Melbourne avait cependant pris une « ordonnance de suppression » qui interdisait aux médias toute mention de cette affaire, sous peine de poursuites. Cette obligation de silence avait été imposée dans le but de protéger le jury d’un second procès lors duquel le cardinal Pell devait initialement être jugé pour d’autres faits présumés. Mais l’accusation a décidé de renoncer à cette seconde série de poursuites, ce qui a eu pour conséquence de lever ce mardi le blackout médiatique sur la première affaire, autorisant les médias à annoncer le verdict de culpabilité.
La peine à laquelle le cardinal sera condamné n’a pas été fixée. Il risque jusqu’à cinquante ans d’emprisonnement. Les avocats du cardinal ont d’ores et déjà annoncé son intention de faire appel. Une audience pour statuer sur sa peine est prévue le 13 mars.
Déclaration de la Salle de Presse du Saint-Siège
Ce mardi 26 février 2019, le directeur par intérim de la Salle de Presse du Saint-Siège Alessandro Gisotti, a signalé que le Saint-Siège « a pris acte de la sentence de condamnation »émise par la justice australienne contre le cardinal George Pell. Il a lu la déclaration suivante: «Le Saint-Siège s’unit à ce qui a été déclaré par le président de la conférence épiscopale australienne dans le fait de prendre acte de la sentence de condamnation en première instance vis-à-vis du cardinal George Pell. Une nouvelle douloureuse qui, nous en sommes bien conscients, a choqué de très nombreuses personnes, pas seulement en Australie. Comme cela a déjà été affirmé en d’autres occasions, nous rappelons notre respect maximal pour les autorités judiciaires australiennes. Au nom de ce respect, nous attendons maintenant le résultat du procès en appel, en rappelant que le cardinal Pell a réaffirmé son innocence et a le droit de se défendre jusqu’au dernier degré.
En attente du jugement définitif, nous nous unissons aux évêques australiens dans la prière pour toutes les victimes d’abus, en rappelant notre engagement à faire tout ce qui est possible pour que l’Eglise soit une maison sûre pour tous, spécialement pour les enfants et les plus vulnérables. Pour garantir le cours de la justice, le Saint-Père a confirmé les mesures conservatoires déjà prises vis-à-vis du cardinal George Pell par l’ordinaire du lieu au retour du cardinal Pell en Australie. C’est-à-dire que, dans l’attente de la vérification définitive des faits, il est interdit à titre conservatoire au cardinal Pell d’exercer publiquement son ministère, et, comme c’est la norme, d’avoir un contact sous quelque forme que ce soit avec des mineurs.»
Mais, un nouveau coup de théâtre est survenu lors d’une ultime audience du tribunal, le mercredi 27 février. Alors queles avocats du cardinal Pell avaient obtenu que son placement en détention, qui aurait dû intervenir en décembre, soit différé car il devait subir d’urgence une double opération des genoux et qu’ils devaient initialement demander à la cour d’appel une nouvelle libération sous caution dans l’attente de son procès en appel, la défense du prélat y a renoncé en indiquant qu’elle pensait « approprié qu’il attende de connaître sa peine ». Conséquence, le tribunal de Melbourne a ordonné la mise en détention du cardinal.
Le président de l’épiscopat australien, Mgr Mark Coleridge, a déclaré que la condamnation du cardinal Pell pour agression sexuelle sur mineurs choquait non seulement l’Australie, et le monde, mais également les évêques australiens. Les prélats affirment que tous doivent être égaux devant la loi, et disent respecter le système juridique de leur pays. Ils se disent convaincus que la justice qui a prononcé le verdict saura prendre en considération l’appel formulé par la défense. « Notre espoir, maintenant, c’est que justice soit faite à travers ce procès », ont déclarés les évêques qui assurent aussi vouloir prier pour tous ceux ont subi des violences et pour leurs proches. Ils s’engagent à faire tout leur possible afin que l’Eglise soit un lieu sûr pour tout le monde, à commencer par les plus jeunes et les plus vulnérables.
Une déclaration qui s’inscrit dans la droite ligne du discours prononcé par le pape François pour clore la réunion de Rome; le souverain pontife ayant employé des mots très forts qui augurent de l’ampleur des actes concrets qui ne manqueront de suivre les travaux des présidents des conférences épiscopales.
J.J.D.
© Photos: Belgaimages