Les représentants belges au synode des jeunes se sont exprimés mercredi 17 octobre lors d’une conférence de presse à l’ambassade de Belgique, à Rome. Pour faire un premier bilan et détailler plus en avant le déroulement et la contribution belge aux débats.
La proposition, ou du moins la piste, avancée par Mgr Kockerols à savoir ouvrir la prêtrise aux hommes mariés, si elle n’a pas été abondamment reprise dans les débats internes qui ont suivi, a suscité quelques remous dans une certaine frange de fidèles, heurtés et décontenancés par cette déclaration. Certains ont même avancé que Mgr Kockerols n’avait pas répercuté la parole des jeunes, consultés en Belgique comme partout ailleurs dans le monde. Or, après analyse, il n’en est rien. Quelques développement et explications s’imposent donc.
Du temps pour écouter
Tout d’abord, revenons sur les perspectives nouvelles jusqu’ici dévoilées pour l’avenir de l’Eglise et de ses jeunes fidèles. Avec tout de même cette question importante de savoir si quand on parle des jeunes, il s’agit uniquement des jeunes chrétiens, ou de tous les jeunes sans distinction. Une première proposition qui s’est démarquée est celle de la création d’un ministère de l’écoute. Sur ce point, Catherine Jongen, responsable de la Liaison de la pastorale des jeunes francophones de Belgique, nous dit ceci: » Je crois que là où l’Eglise doit faire un travail important, c’est dans l’écoute. Prendre du temps pour écouter. Il faudrait former des personnes qui auraient pour mission d’Eglise celle d’écouter les jeunes. Qu’ils puissent déposer leurs misères, et sans forcément parler du Christ dans un premier temps. Juste recueillir leurs larmes de jeunes » qui vivent dans un monde déboussolé, déboussolant.
Une option préférentielle
Catherine Jongen a par ailleurs assisté à la conférence de presse de Mgr Kockerols et a surtout retenu cette idée de l’ « option préférentielle » pour tous les jeunes du monde. Ces jeunes dont le coeur n’est pas encore complètement « enténébré » par la violence du monde et qui ont des désirs, de vrais désirs, des rêves. « Il faudrait plus de personnes pour écouter gratuitement ces jeunes et leurs aspirations profondes, écouter aussi les obstacles qu’ils rencontrent pour les réaliser » ajoute encore Catherine Jongen. Pour avancer avec eux, il semble donc prioritaire de pouvoir leur permettre de dire ce en quoi ils croient, ce qu’ils pensent de l’Amour par exemple. Les pastorales des jeunes en Belgique ont bien compris cette urgence. « On sait à quoi ils sont confrontés, la pression que les réseaux sociaux exercent sur leur vie et ce spectre écrasant de la réussite. Ils ont l’impression en voyant les publications de leurs camarades que leur vie à eux est nulle. C’est pourquoi il est temps de redonner une place à une parole vraie, sans masque. » s’enthousiasme la responsable de liaison. Dans le but que les jeunes « accouchent » de leur vocation.
Catherine Jongen estime donc que cette option préférentielle et ce ministère de l’écoute – s’il voit le jour – permettront d’aider les jeunes à renouer avec leur conscience propre et ainsi se forger leur propre éthique vocationnelle. Afin de ne pas se laisser séduire et emporter par les idéologies. « Le christianisme n’est pas une idéologie. Il est une rencontre en coeur à coeur avec Dieu, sinon sa conscience, pour vivre en liberté. » affirme Catherine Jongen.
Un appel à la vie
C’est entre autres ce que Mgr Kockerols a exprimé dans son intervention : »L’Eglise se doit d’accompagner, avec tact et pédagogie, le discernement des jeunes. Elle doit les aider à faire « l’exégèse » de leur vie, pour qu’ils deviennent, chacun à son propre rythme, disciples du Christ. Si elle ne s’y engage pas mieux, l’Eglise continuera à perdre sa crédibilité. »
Il évoque aussi à plusieurs reprises « Ce choix fondamental (le choix de la vie), à renouveler chaque jour de notre existence, » qui « éveille à la confiance en soi, qui elle-même engendre une ouverture à l’autre » ou « un service au monde ». Le rôle des membres de l’Eglise, chacun à leur niveau, en tant que missionnaire, est d’accompagner les jeunes pour qu’ils entendent cet appel à la vie, pour recueillir cette vie en abondance. « Nous devons aider le jeune à entendre cet appel à la vie là où il est et, une fois cet appel entendu, qu’il s’engage sur un chemin d’humanisation. C’est notre mission en tant que pastoral des jeunes. Et l’enjeu est immense. » commente Catherine Jongen. Elle se dit également heureuse de la formule de Mgr Kockerols sur l’importance de répondre aux petits appels du quotidien qui nous permettent ensuite de discerner au moment des grands choix. Pour Catherine Jongen, il manque donc cruellement d’accompagnateurs spirituels pour répondre à la demande des jeunes. L’Eglise doit investir dans ce domaine et peut-être envisager la création d’une véritable pastorale de l’écoute avec des personnes qui seraient envoyées en mission. Ce dernier aspect est primordial : que chaque personne qui à a coeur de porter sa mission soit reconnue et envoyée officiellement est essentiel. Etre envoyé, c’est « faire partie de » et rappelle que l’on ne travaille pas pour soi, mais pour le peuple de Dieu, insiste Catherine Jongen.
Premier degré
Certains ont exprimé leur double mécontentement face à la « sortie » de Mgr Kockerols au cours du synode. Tout d’abord, ils estiment que le fait d’ouvrir la prêtrise aux hommes mariés ne résorbera pas la pénurie actuelle. Ce en quoi nous leur donnons raison. D’ailleurs, Mgr Kockerols a explicitement dit au micro de KTO qu’il n’avait pas avancé cette piste dans ce sens-là mais bien pour redéfinir et approfondir notre définition de la vocation. Rappelons aussi que cette perche tendue est un « nota bene »; elle ne constitue donc pas le coeur de l’intervention de Mgr Kockerols.
Il est assez intéressant, d’un point de vue sociologique, de constater combien l’Eglise – entendons par là un nombre important de ses responsables – semble plus prête à entamer un processus de « désacralisation du prêtre » ( il suffit de lire encore les dernières déclarations de mgr Macaire) que ne l’est une partie de la communauté chrétienne. En effet, le message de l’Eglise aujourd’hui, est de faire en sorte que tout baptisé – auquel le baptême a conféré la triple qualité de prêtre, prophète et roi – ait un rôle à jouer et n’est plus seulement collaborateur mais bien coresponsable de l’Eglise de demain. Une idée que certains ne veulent peut-être pas encore admettre et on peut les comprendre car elle nous met face à notre responsabilité individuelle dans l’avenir de l’institution « Eglise ». Cette ouverture opérée par l’intervention de Mgr Kockerols ne devrait pas tant nous choquer, nous amener à un repli identitaire, à nous barricader derrière de soi-disant traditions bafouées car le Pape François dit lui-même que la rigidité est une très vilaine chose et qu’il préfère de loin un jeune « désordonné ». Ce serait aussi faire fi de 2000 ans d’évolution historique du christianisme qui a su s' »adapter » à chaque époque, à chaque continent, sans perdre son essence qui est la rencontre avec le Christ. Deuxièmement, les détracteurs estiment que les déclarations de l’évêque belge ne reflète pas les demandes exprimées par les jeunes Belges questionnés. Or, sur ce point, ils ont probablement tort, s’étant contenté d’une lecture au premier degré, partiale et incomplète des propos de Mgr Kockerols. A bien relire le texte qui a été diffusé officiellement, et qui ne semble pas être d’ailleurs une version complète, on se rend compte que les trois préoccupations des jeunes synthétisées en juillet (pour rappel : être signe d’unité, avoir l’audace d’être des apprentis missionnaires acculturés, une Eglise qui aide les jeunes à se former, veille à leur accompagnement spirituel, à créer des petites communautés de ressourcement et à réfléchir à la place des laïcs) se trouvent en filigranes dans le texte, avec, il est vrai, la manière et le style de l’évêque, sur un sujet aussi ardu que celui de la vocation. Car, il faut bien aussi se rendre compte que cette déclaration s’inscrit dans un contexte plus large. Il n’aurait pas été intéressant que tous les évêques expriment les mêmes idées en détails – car a fortiori les demandes belges ont du être rencontrées par celles d’autres nationalités – mais appuient leur intervention sur une spécificité et/ou un thème imposé. A présent, les déçus pourront peut-être franchir le pas de se rendre aux rendez-vous fixés par Mgr Kockerols. Ce dernier prendra le temps d’exposer aux jeunes Belges les conclusions du synode et parler de l’expérience de travail qu’il y a vécue. Si le synode permettra de donner des grandes lignes, des pistes, d’engager l’Eglise sur une voie nouvelle pour améliorer ses rapports avec les jeunes, chaque Eglise nationale/locale est le reflet de ses ouailles et c’est entre leurs mains – avant tout – que repose son avenir. L’Eglise sera ce que nous en ferons.
S.D.