Vous l'aurez peut-être remarquée, perdue au milieu des pères synodaux, cette jeune femme aux cheveux courts habillée comme un prêtre. Il s'agit de la jeune Rev. Martina Viktorie Kopecká, 32 ans, déléguée fraternelle, membre de l'Eglise Hussite tchécoslovaque. Elle s'est confiée à la presse américaine sur sa participation au synode des jeunes.
Comme le mentionne l'article de l'AmericaMagazine (qui se réfère au site internet du World Council of Churches), l'église Hussite - en référence au prédicateur et réformateur Jan Huss, brûlé pour hérésie en 1415 - compte près de 100 000 membres et a développé une sensibilité intermédiaire entre l'essence du catholicisme (la liturgie et les 7 sacrements) et les fondements du protestantisme. Aujourd'hui, 241 pasteurs officient pour l'église hussite en Slovaquie et République Tchèque.
A mi-chemin
Officiellement établie en 1920 à Prague par "Focus", l'aile radicale du mouvement de réforme moderne du clergé romain catholique, l'église hussite repose sur les principes suivants: l'Esprit du Christ (esprit de Dieu, Saint Esprit), le caractère apostolique et réformateur de l'église (comme émanant du Saint-Esprit), la présence du Christ comme principe liturgique, le respect de la vérité scientifique et l'ouverture au monde, la liberté de conscience définie comme ouvrant les horizons du pluralisme, dse opinions et des points de vue, enfin les ordres presbytérien et épiscopal, inspirés du sacerdoce universel. L'élection de ses membres est une des caractéristiques majeures : l'église est administrée dans son ensemble par un conseil central, dont les membres sont élus, placé sous le leadership d'un patriarche, lui-même élu. L'église hussite est la troisième Église du pays après l'Église catholique et les différents variantes du protestantisme.
Pendant le synode, les délégués fraternels des églises chrétiennes, dont fait partie la Rev. Kopecka, peuvent intervenir, participer aux débats et aux travaux de groupes mais n'ont pas le droit de vote. Malgré son âge, la Rev. Kopecká a donc été choisie pour représenter le "World Council of Churches", un groupement œcuménique de 350 églises "qui recherchent l'unité, le témoignage commun et le service du Christ", auquel l'église hussite tchecoslovaque s'est ralliée.
Plaidoyer pour l’œcuménisme
Cette silhouette fragile concentre en elle la jeunesse, la féminité et l'état clérical. Trois éléments rarement réunis dans l'Eglise catholique, faut-il le rappeler. Mais, dans l'interview qu'elle a accordé à nos confrères américains, elle s'est notamment dit très agréablement surprise de l'accueil et de l'ouverture expérimentée pendant le synode. Elle s'est exprimée le 11 octobre en soulignant l'importance des relations œcuméniques, qualifiant le synode de "signe d'espérance" et affirmant la capacité des jeunes à construire des ponts. “La dynamique œcuménique doit être vécue et partagée" a-t-elle notamment déclaré.
La Rev. Kopecká n'est pourtant pas totalement dupe. Elle sait que certains cardinaux et évêques ont été "surpris, peut-être choqués" de la voir ainsi vêtue et siéger parmi eux. "Cela a pris un certain temps mais ils l'acceptent désormais." Des participants sont venus la trouver dans les couloirs après son intervention pour lui dire qu'ils l'avaient écoutée et qu'ils avaient été inspirés par ces propos. Ce qui lui fait dire : "Ils ne m'ont pas rejetée. Ils m'acceptent comme un membre de la famille." Elle dit vouloir travailler dans l'esprit du pape François, c'est-à-dire de rechercher une manière de travailler et de prier ensemble. "Nous croyons tous en Jésus-Christ. [...] Nous venons de cultures et de sociétés différentes, mais nous avons quelque chose en commun. Les jeunes, à travers l'amitié, apprennent comment bouger ensemble dans l'acceptation et le respect de chacun."
Les débuts furent certes compliqués, car Viktoria avoue être timide, mais le leader de son groupe est parvenu à créer une atmosphère confortable pour envisager sereinement la suite des travaux. Elle affirme donc avoir vraiment pu entrer dans la dynamique de son groupe et même l'influencer. "Les gens se parlent en toute franchise. Je n'aurais pas pu attendre plus de tolérance, de sujets variés, et une telle richesse et diversité. Il ne s'agit pas de mettre en avant nos différentes mais bien la charité, sur laquelle se construit la communauté chrétienne."
L'ordination, une question de genre?
Lors de son intervention, la Rev. Kopecka a aussi partagé son histoire de conversion, survenue à l'âge de 20 ans . "Quand j'ai entendu la voix de Dieu, j'ai tout abandonné et j'ai suivi son appel." Elle a étudié la théologie à la Charles University de Prague parce qu'il n'y avait pas d'examen d'entrée. C’est en étudiant l'hébreux qu'elle découvre les valeurs qu'elle a toujours recherchées. Jour après jour, elle réalise que son chemin est là. "Je suis tombée amoureuse de Jésus. J'ai compris que tout cela m'appelait à devenir un membre de l'Eglise". Elle a été ordonnée à l'âge de 30 ans et officie aujourd’hui comme pasteure.
“Pour moi, l'ordination n'est pas une question de genre mais de dignité humaine et d'égalité des chances. Les femmes font un énorme travail dans l'église d'aujourd'hui et devraient être considérées comme des guides spirituels et des servantes de Dieu. Elles accomplissent le boulot le plus difficile, prendre soin des personnes miséreuses. Elles contribuent à rendre l'église plus humaine." Elle témoigne aussi que, dans son groupe, la question de l'ordination de femmes comme diaconesses a été abordée et dit comprendre "que ce n'est pas une question facile, que le sujet est sensible dans l'église catholique".
S.D.
Source : Americamagazine