Octobre rose: rester femme malgré le cancer


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Octobre rose: rester femme malgré le cancer
Par Sophie Delhalle
Publié le - Modifié le
6 min

Avec l'opération Think Pink, octobre est devenu le mois de lutte contre le cancer du sein. Pour parler de ce sujet et de la reconstruction après la maladie, nous vous rencontré Flore Di Sano. Diplômée puéricultrice, elle a exercé de nombreux petits boulots avant de trouver sa voie : esthéticienne social. Aujourd’hui, elle est « soigne » des femmes guéries du cancer en les aidant à retrouver leur féminité.

C’est en écoutant les personnes chez qui elle travaillait comme aide familiale que Flore a trouvé sa vocation. "Je trouvais cela triste d’entendre que des personnes ne pouvaient pas se payer une séance chez le coiffeur ou une manucure. Il fallait que j’aide ces personnes qui n’ont pas les moyens de se prendre en charge d’un point de vue esthétique." Flore retourne alors sur les bancs de l’école et obtient son diplôme d’esthéticienne. Elle suit une formation classique et opte pour un module sur la reconstitution de l’alvéole mammaire par dermo-pigmentation, une technique similaire à celle du maquillage (semi-)permanent. Actuellement, Flore est de nouveau en formation pour devenir esthéticienne sociale, les cours sont dispensés à Charleroi par Cédrine Gorreux.

Bien plus qu'une esthéticienne !

Cette formation n’est pas encore reconnue officiellement. Cédrine Goreux se bat depuis 10 ans pour qu’elle le soit et vient de publier un livre sur le sujet. (cfr bas de l'article). "Pour être esthéticienne sociale, il faut vraiment aimer les gens, les écouter , nous explique Flore. Notre point fort, c’est la communication, verbale et non-verbale. Savoir être, savoir écouter ... sans juger. Nous travaillons beaucoup sur l’estime de soi du patient." Pour Flore, il est très important d'accepter "la personne malade (ou en rémission) sans donner mon avis. Je suis là pour la cocooner." Flore souhaite en fait se spécialiser dans la prise en charge des femmes atteintes de cancer. "Mon rêve, c’est de créer un centre de bien-être pour les personnes défavorisées, y proposer des journées bien-être pour femmes ayant (eu) un cancer du sein mais aussi des ateliers pour apprendre comment prendre soin de soi malgré la maladie, se maquiller, nouer un foulard,… " Flore anime déjà un groupe Facebook " La renaissance de la féminité après un cancer " où elle partage toutes ses découvertes pour informer les femmes concernées.

Redessiner la féminité

(c) A la Flore

Et donc parmi les prestations de Flore, il y a cette méconnue reconstitution de l’alvéole mammaire par dermo-pigmentation. "C’est comme du maquillage semi-permanent. J’utilise un stylo et des pigments organiques qui ne contiennent pas de métaux lourds. " La palette de couleurs disponibles est assez large. Flore prend le temps de discuter avec sa "patiente" (le mot lui tient à cœur) et choisit entre trois et quatre teintes pour réaliser un effet 3D. La relation qu’elle noue avec ces femmes touche à leur intimité la plus profonde, à leur identité de femme. Une nécessaire confiance doit donc pouvoir s’établir. "Ma patiente est libre de me raconter ce qu’elle veut bien de son histoire, de son vécu. Je garde contact avec toutes mes patientes. Ce ne sont pas de simples clientes. Certaines sont devenues des amies. Elles me reboostent quand j’ai un coup dur. " L’opération dure environ deux heures mais, avec chaque patiente, Flore prend le temps. "La plupart des dames qui s’adressent à moi connaissent la technique mais non pas encore franchi le cap souvent pour des raisons financières. Pour ma part, je ne comprends pas comment on peut demander plusieurs centaines d’euros pour effectuer ce genre d’intervention. Ce n’est pas honnête." Surtout qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas encore de remboursements pour ce type de reconstruction post-chirurgie." Les dames qui décident de se faire redessiner les mamelons le font pour elles avant tout. Je rends leur sourire et leur féminité à celles qui le veulent. Car chaque battante a bien entendu le choix et le temps de se décider." L’opération n’est pas douloureuse (légers picotements) car la peau cicatrisée est en quelque sorte désensibilisée. "Il est très important que la patiente soit en phase de rémission totale et il faut attendre minimum un an après cicatrisation pour pouvoir procéder à la reconstitution par dermo-pigmentation."

Maquillage ou tatouage ?

Certaines femmes optent plutôt pour le "vrai " tatouage ; en France, Alexia Cassar, tatoueuse, a fortement contribué à faire connaître cette pratique avec son "Tétons Tattoo Shop". Flore a un avis plutôt mitigé : "Avec la dermo-pigmentation, nous travaillons avec des pigments plus naturels. Nous restons dans les couches supérieures de la peau et nous pouvons au fil du temps réadapter le travail au gré des envies et du corps de la patiente. J’ai déjà vu des femmes venir chez moi après être passées sous les mains d’un tatoueur… Le résultat était plus que décevant." L’inconvénient, mais donc l’avantage aussi selon Flore, de la dermo-pigmentation est la nécessité d’effectuer des retouches, espacées entre 6 à 10 mois, parfois plus. "Avec l’âge, le corps change" souligne Flore, il est donc très intéressant de pouvoir modifier le travail initial en cours de route. Après intervention, quelques gestes sont à éviter et d’autres à adopter pour prolonger la durée de vie du mamelon redessiné : bien hydrater sa poitrine, mettre sa peau à l’air le plus possible quand on est à la maison (surtout pendant les premières semaines), proscrire les bains de soleil et solarium, éviter les frottements. C’est sur ces bons conseils que s’achève notre entretien avec celle dont la plus grande satisfaction est d’entendre ses "patientes" lui adresser un merci. "Je vois leur sourire, parfois des larmes de joie quand elles se découvrent dans le miroir. Je fais vraiment un beau métier."

Pour contacter ou découvrir le travail de Flore Di Sano, retrouvez-la sur sa page FB "A la Flore".

Plus d'informations sur "Octobre rose" et l'opération Think Pink? Rendez-vous sur le site pink-ribbon.be

Sophie Delhalle

Prendre soin de soi

Début septembre, Cédrine Gorreux, en collaboration avec Françoise Rajewski, a publié un livre-témoignage sur son parcours et sa profession. Depuis plusieurs années, elle se bat pour changer le regard porté par le corps médical et la société sur ce qu'elle apporte aux malades, comme esthéticienne sociale, à travers son asbl "Le temps d'un instant". Extrait choisis.

"L'esthétique sociale en Belgique (...) est une profession récente intégrée au secteur médico-social et qui a fait son apparition en 1960 en Angleterre, puis en 1962 aux Etats-Unis avant de venir s'implanter en France il y a quelque cinquante ans. Mais elle commence véritablement à se répandre depuis vingt ans. (...) En situation de fragilité de la personne, l'esthéticienne sociale joue un rôle clé, à travers les soins apportés, car elle permet de revaloriser une image de soi atteinte dans son intégrité par certaines circonstances défavorables - traitements, accidents, maltraitante,... - elle permet également de retrouver confiance en soi afin de pouvoir affronter le monde extérieur, le quotidien. (...) Aujourd'hui, je regarde ce chemin parcouru et je me sens heureuse ,je suis là où je me sens bien, au plus proche de l'être humain, à offrir aux patients un moment d'oubli du lieu, de la mort et de la peur."

Rencontre avec une esthéticienne sociale en oncologie et soins palliatifs, Cédrine Gorreux et Françoise Rajewsli, éditions Un coquelicot en hiver, 2018, 15 euros

 

Catégorie : Belgique

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