Mardi dernier, c’était la rentrée académique au Séminaire Notre-Dame de Namur. Dans son allocution, le chanoine Joêl Rochette, recteur du séminaire, a mis l’accent sur la règle fondamentale pour la formation au ministère sacerdotal.
Mardi dernier, c’était le jour de rentrée pour les séminaristes francophones de notre pays. En effet, le Séminaire Notre-Dame de Namur regroupe désormais les candidats à la prêtrise de l’ensemble des diocèses et vicariats francophones. Comme à chaque rentrée, l’auditoire de Lubac était comble. Des séminaristes, des étudiants mais surtout des professeurs… et des évêques. Pour cette séance académique, Mgr Jean-Pierre Delville, évêque de Liège était présent aux côtés de Mgr Rémy Vancottem, évêque de Namur et de son auxiliaire Mgr Pierre Warin.
Pour la deuxième année, le chanoine Rochette, s’est basé, pour son allocution de rentrée, sur la Ratio Fundamentalis, c’est-à-dire la règle fondamentale pour la formation au ministère sacerdotal. Ce texte, sorti en décembre 2016, aborde la nécessité d’avoir au Séminaire une vie spirituelle riche, pour y est-il précisé, »se défaire de toute mondanité spirituelle. » Et espérer ainsi éviter le cléricalisme et l’autoritarisme. Actuellement, chaque conférence épiscopale travaille sur sa mise en application à travers la Ratio nationalis
Le recteur est allé jusqu’à s’interroger sur la manière de nommer les prêtres: un jeune prêtre face à trop de responsabilités ne court-il pas le risque de verser dans le cléricalisme? Lors de la rentrée 2017, le chanoine Rochette avait insisté sur l’importance de l’accompagnement par les formateurs. Accompagnement personnalisé des séminaristes par des formateurs qui vivent avec eux, qui prient avec eux…
Eviter le cléricalisme
A l’occasion de cette rentré 2018, il a donc développé l’importance d’une vie spirituelle riche au Séminaire, en étoffant ses paroles par la lecture d’un extrait du numéro 42 de la Ratio: »Cette relation intime avec le Seigneur et la communion fraternelle permettront aux séminaristes, aidés par leurs formateurs, de prendre conscience et de se défaire de toute ‘mondanité spirituelle’ comme le culte du paraître, une ‘sécurité’ doctrinale ou disciplinaire présomptueuse, le narcissisme et l’autoritarisme, la prétention à vouloir s’imposer, le soin purement extérieur et ostentatoire de l’action liturgique (…). Ils seront au contraire éduqués à la simplicité, à la sobriété, à un dialogue serein avec autrui, à l’authenticité. Simplicité, sobriété, dialogue serein avec autrui et authenticité constituent la ligne de conduite, la colonne vertébrale dans la formation du séminariste. Mais attention aux dérapages. Dans l’épître aux Galates, Paul met en garde comme les haines, la jalousie, la rivalité… », a déclaré le chanoine Rochette. Et de citer le pape François: »Pour le Pape, mondanité spirituelle, sécurité, narcissisme, carriérisme, ostentation, sont de redoutables dangers, et surtout: l’autoritarisme. » Autant d’expressions du »cléricalisme » dénoncées par le souverain pontife.
Cléricalisme, cette »attitude spirituelle gravement dommageable » ponctue le recteur. La Ratio veut apprendre à s’en défaire »par l’exercice constant d’une réelle relation intime avec le Seigneur et le secours de la communion fraternelle, le tout avec l’aide des formateurs. » Le recteur a encore étayé son propos en reprenant les mots du pape François lorsqu’il a abordé les abus sexuels en Irlande. »Il y a, derrière ce drame de la violence, surtout quand il atteint de vastes proportions et suscite un grand scandale, la situation de l’Église marquée par l’élitisme et le cléricalisme, un échec de la proximité avec le peuple de Dieu. L’élitisme et le cléricalisme favorisent toutes les formes d’abus (…). » Il a mis en évidence aussi une autre parole de François à propos de l’autorité et de l’abus d’autorité: »Parfois, on envisage l’envoi en mission de manière autoritaire, et on décide avec autoritarisme. Et pourtant, ce sont deux choses différentes. Nous devons vaincre l’autoritarisme et retrouver l’obéissance de l’envoi en mission. »
On attend trop des prêtres?
Mgr Aupetit, archevêque de Paris, a lui écrit à ses fidèles suite à la »Lettre au peuple de Dieu » du pape dans laquelle il abordait les abus dans l’Eglise: »Les fidèles ont peut-être trop attendu du prêtre, projetant sur lui ‘quelque chose qui n’appartient qu’à Dieu’. Ce sont ces mêmes fidèles qui doivent maintenant aider leurs prêtres et leurs évêques à lutter contre cette culture du cléricalisme, si éminemment contraire à l’Évangile, si incompatible avec ce que l’Eglise doit défendre et promouvoir. Autrement dit ne pas attendre que toutes les décisions soient prises par les prêtres et »qu’ils appuient leur autorité d’un mélange de rites et de traditions. »
Le chanoine Rochette s’est interrogé également sur »nos pratiques ecclésiales, et notamment nos pratiques de nomination des prêtres, dans l’Eglise : placer un prêtre seul, en responsabilité immédiate, impliqué, souvent avec beaucoup de responsabilités, dans une multitude de réalités ecclésiales et humaines (paroisse, pouvoir organisateur d’école, a.s.b.l. en tous genres, avec des caisses financières et du personnel), le placer en telle position, n’est-ce pas trop attendre de lui et le mettre déjà comme en position d’autorité cléricale, et bientôt peut-être de cléricalisme? »
»N’est-ce pas par davantage de collaboration(s) et de fraternité presbytérale, unie au peuple de Dieu, que les dangers s’estomperont? » s’est demandé encore le chanoine, qui s’est dit favorable à un envoi en mission par deux. »Deux, pour être témoins ensemble, et surtout témoin l’un pour l’autre. Jamais de manière narcissique: et c’est un tel danger pour les prêtres! Témoin l’un devant l’autre, partageant plus que la table, le gîte ou les des temps de fraternité, mais aussi priant ensemble, partageant ensemble au jour le jour leur ministère presbytéral, dialoguant, avec tous, mais d’abord avec ceux qui portent la même sollicitude, le même vécu de donation et de mission, la même expérience de vocation et de réponse à l’appel. »
Prier pour les vocations sacerdotales
Par ailleurs, le recteur a déploré que cette année aucun jeune n’ait rejoint le séminaire. »Nous ne prions pas assez », a-t-il souligné. Et d’annoncer que dès le 4 octobre, chaque jeudi, à 18h, à la chapelle Notre-Dame du Rempart, un temps d’adoration suivi de la prière des vêpres sera programmé. Un temps pour tous.
La tradition veut qu’un professeur donne une leçon inaugurale. Elle a été confiée cette année à Catherine Vialle professeur d’exégèse au Studium. L’oratrice a abordé le thème: »Le migrant, au regard de Dieu, dans l’Ancien Testament. »
Avant d’ouvrir officiellement l’année académique, Mgr Vancottem a redit l’importance que tous les prêtres fassent bloc dans le presbyterium. Il a attiré l’attention sur la nouvelle manière de vivre la mission comme cela se fait dans les unités pastorales. La mission se fait en étroite collaboration entre prêtres et laïcs. ‘‘Les séminaristes doivent apprendre à vivre ensemble, à ne pas être des solistes. On gagne en équipe. »
Mgr Delville a ensuite présidé l’eucharistie de rentrée. Dans son homélie, l’évêque de Liège a fait écho au passage de l’évangile de Luc dans lequel Jésus ressuscite le fils de la veuve de Naïm. »En ce jour de rentrée, cet évangile nous invite à être des porteurs de vie. » Mgr Delville a conclu en souhaitant à chacun une bonne nouvelle année académique: »Au cours de celle-ci, je vous souhaite de rencontrer le Christ qui nous remet debout et fait de nous des témoins de vie. »
J.J.D. (avec diocèse de Namur)