Il y a huit jours, l’Eglise orthodoxe russe a rompu une partie de ses liens avec le patriarcat de Constantinople. Conséquence: les évêques de Belgique ont reporté un projet de pèlerinage œcuménique.
Les tensions ont toujours été vives entre l’Eglise orthodoxe russe, proche du Kremlin, et d’autres branches de l’orthodoxie, principalement avec le patriarcat de Constantinople. Mais cette fois, la rupture semble proche, après l’annonce par l’Eglise orthodoxe russe de rompre une partie de ses liens avec ce dernier. En cause: les Russes reproche au patriarche Bartholomée de vouloir reconnaître une Eglise orthodoxe ukrainienne indépendante de Moscou. En clair, la confrontation entre Moscou et Kiev à prpopos de l’annexion de la Crimée et du soutien du Kremlin aux rebelles ukrainiens, s’est transformée en virulente polémique confessionnelle.
Selon le patriarcat de Moscou, le patriarche Bartholomée Ier de Constantinople (photo), chef spirituel de l’orthodoxie mondiale, aurait décidé de répondre à l’appel du président ukrainien Petro Porochenko, qui demande l’octroi de l’autocéphalie (indépendance administrative) à l’Eglise orthodoxe ukrainienne. Cette annonce a soulevé une vague d’indignation dans les cercles ecclésiastiques à Moscou, où l’Ukraine est considérée comme un « territoire canonique immuable » du patriarcat de Moscou.
Voyage des évêques belges reporté
Au cours d’une conférence de presse, le chef de la diplomatie du Patriarcat de Moscou, le métropolite Hilarion (à droite sur la photo) a estimé que « chaque fois que l’Eglise orthodoxe russe se trouve dans une situation difficile, elle reçoit des coups dans le dos de la part du Patriarcat de Constantinople ». Pour comprendre cette situation, il faut rappeler qu’il existe en Ukraine une Eglise rattachée à Moscou et une autre fidèle au patriarcat de Kiev, autoproclamé après l’indépendance du pays en 1992. Cette dernière n’est, jusqu’à présent, reconnue par aucune Eglise orthodoxe dans le monde. Si le patriarche Bartholomée de Constantinople n’a pas annoncé officiellement sa décision de reconnaître une Eglise autocéphale en Ukraine, cette perspective permettrait à l’Ukraine de s’affranchir de la tutelle religieuse de la Russie sur une partie des fidèles. C’est intolérable pour le patriarcat de Moscou. Pourtant, depuis la rencontre, le 31 août, entre le patriarche de Constantinople, Bartholomeée, et celui de Moscou, Kirill, la question de l’indépendance de l’Ukraine est restée en suspens. Mais, au début septembre, Bartholomée Ier a envoyé deux émissaires à Kiev, ce qui a déclenché la colère du Patriarcat russe. « Le patriarcat de Constantinople s’est introduit sur le territoire canonique du patriarcat de Moscou en envoyant ses exarques à Kiev », a dénoncé le métropolite Hilarion.
Dans la foulée le Saint-Synode, institution collégiale au sommet de la hiérarchie orthodoxe russe aadopté deux mesures fortes. Il a annoncé que le Patriarcat de Moscou ne participerait plus aux assemblées épiscopales, aux commissions et structures présidées par des représentants du Patriarcat de Constantinople. De plus, les églises sous le contrôle de Moscou ne prieront plus dans leur liturgie, pour le Patriarche de Constantinople. Selon Mgr Hilarion, ces décisions s’apparentent à une « rupture des relations diplomatiques » entre les deux patriarcats.
La conférence épiscopale belge subit indirectement le contrecoup de ce bras de fer russo-ukrainien. Plusieurs évêques de Belgique, dont le cardinal Jozef De Kesel, archevêque de Malines-Bruxelles, devaient se rendre du 19 au 24 septembre à Saint-Petersbourg, en Russie, dans le cadre d’un pèlerinage commun avec des évêques orthodoxes. Vu le contexte actuel et pour éviter d’être mêlés aux tensions apparues entre les deux patriarcat de Moscou et de Constantinople, ils ont décidé de reporté ce voyage à une date encore indéterminée.
L’autocéphalie: le combat du président Porochenko
Le rôle du chef d’état ukrainien est central dans ce dossier et ce n’est pas anodin que l’affrontement entre l’Ukraine et la Russie se soit déplacé dans la sphère religieuse. Les élections ukrainiennes se tiendront en mars 2019 et le président Petro Porochenko est en perte de vitesse dans les sondages. Il tente donc de rallier à sa cause les fidèles orthodoxes ukrainiens, dans la mesure où Il pourrait tirer profit de l’indépendance de l’Eglise orthodoxe de son pays pour prouver sa volonté de libérer l’Ukraine de la tutelle du Kremlin. Fin juillet, le président n’avait pas hésité à qualifier l’Eglise relevant du Patriarcat de Moscou de « menace directe à la sécurité nationale ». De là à dire que l’Eglise orthodoxe est aux bord du schisme, il n’y a qu’un pas.
J.J.D.
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