Dans une lettre adressée à l’épiscopat français, la Conférence Catholiques des Baptisé-e-s Francophones (CCBF) appelle l’Eglise de France, de toute urgence, à une transformation profonde au risque de sombrer. Cette lettre intervient alors que l’Eglise fait face à de multiples révélations sur sa gestion coupable de la crise de la pédophilie, un peu partout dans le monde et à tous les niveaux de la hiérarchie ecclésiale. Pour endiguer ces ‘désordres’ qui s’installent, peu à peu, dans l’Eglise, la CCBF préconise trois actions : Réparer, s’attaquer aux racines du mal et se réformer en profondeur.
Réparer
Il s’agit de réparer les blessures faites aux catholiques de toute catégorie et à la société toute entière : ‘‘d’abord les victimes, bébés, enfants catéchisés, collégiens et lycéens, scouts et guides... Ensuite, les fidèles trompés dans la confiance qu’ils accordaient « à leurs prêtres ». Enfin, les prêtres eux-mêmes, malheureusement trop vite assimilés en bloc à des prédateurs’’. Cette réparation consiste, selon la CCBF, à l’activation d’un processus de réconciliation en actes. Le chemin pour parvenir passe impérativement par la dénonciation, par tous les diocèses français, des actes criminels de leurs membres non encore portés en justice. En parallèle, la CCBF leur exige d’initier un processus d’indemnisation des victimes à la hauteur des dommages provoqués par les comportements désordonnés des ‘‘prêtres criminels’’. Les modalités de financement de cette indemnisation devrait être débattues avec les baptisés qui financent l’Église par leurs dons.
S’attaquer aux racines du mal
Le caractère mondial de ces «actions désordonnées» au sein de l’Eglise, montre clairement que les problèmes auxquels l’Eglise fait face aujourd’hui ne concernent pas seulement des personnes isolées mais toute l’institution Eglise. Pour résoudre efficacement ces problèmes, la CCBF conseille de s’attaquer aux causes profondes de ces dérives criminelles. La Conférence épiscopale française doit accompagner cette recherche de solution dans un exercice de vérité, avec l’aide de théologiens et de spécialistes des sciences humaines reconnus par leurs pairs. Elle devra également rendre publics les résultats de cette investigation, puis en tirer toutes les conséquences.
Se réformer en profondeur
La gouvernance actuelle de l’Eglise concentre tous pouvoirs (gouverner, sanctifier et enseigner) entre les mains de seuls clercs. Les fidèles laïcs sont, quand à eux, réduits au second rôle. La réalité sur terrain montre que cette Eglise fortement cléricale, dans sa gestion, a montré ses limites et a conduit à un véritable suicide collectif. Ce constat est la motivation de la lettre de la CCBF qui demande la convocation d’«Assises de la gouvernance de l’Église de France» qui réunira des représentants reconnus du peuple catholique convaincus de la nécessité de cette refondation, des autorités épiscopales, les instances dont la compétence universitaire est reconnue, des personnalités indépendantes… Car pour la CCBF, ‘‘cette dérive cléricale, longtemps subie en silence, est non seulement contraire à la tradition vivante de l’Église qui prône l'inculturation pour tenir l’impératif d’évangélisation, mais elle va à rebours de l’enseignement de Jésus qui a toujours considéré le peuple de Dieu dans son ensemble et s’est même frontalement heurté au clergé du Temple’’.
Ces assises auront pour mission de reformer en profondeur l’Eglise dans un monde qui n’est pas le même il y a mille ans. Il s’agira, au niveau de la France, ‘‘de passer d’une participation facultative et consultative des laïcs – femmes et hommes, évidemment!- à une présence effective dans les lieux de décision, selon des modalités à discuter’’. c’est un processus qui conduira non seulement à la réhabilitation du sacerdoce commun des fidèles contenu dans le Nouveau Testament mais aussi à sa remise au centre du dispositif décisionnaire à venir. ‘‘La CCBF ne manquerait pas d’exemples à invoquer pour mettre en œuvre cette coresponsabilité. Elle demande donc que tout soit mis en œuvre pour y parvenir’’. En parallèle, la CCBF reste convaincu qu’un «Concile du Peuple de Dieu» permettrait de ‘‘revisiter en profondeur les rapports entre prêtres et laïcs, pour refondre le ministère ordonné qui, dans les conditions disciplinaires où il s’exerce actuellement, a conduit aux dérives que l’on connaît’’.
Crispin Landa, CICM