Ce samedi matin, 7 juillet, le pape François se rendra à Bari, dans le sud-est de l’Italie, pour une journée de prière pour la paix au Moyen-Orient. Il sera accompagné des leaders des Églises orientales. Il s’agira par ailleurs d’un sommet diplomatique aux enjeux importants.
Fin avril, le pape François a annoncé une initiative surprenante qui pourrait s’avérer prophétique. L'évêque de Rome a invité tous les dirigeants des Églises et des communautés chrétiennes au Moyen-Orient à Bari, le samedi 7 juillet, pour "une journée de réflexion et de prière sur la situation dramatique du Moyen-Orient qui afflige tant de frères et sœurs dans la foi".
Le choix de Bari, dans la région des Pouilles, n’est pas dû au hasard. Cette ville portuaire donnant sur la mer Adriatique a toujours été, pour l’Europe occidentale, une fenêtre ouverte sur l’Orient. De plus, la réunion de prière aura lieu dans la basilique Saint-Nicolas, dans la crypte de laquelle reposent, depuis le XIe, siècle les reliques de l’évêque Nicholas de Myre, en actuelle Turquie. Le culte populaire de saint Nicolas n’est pas seulement important pour les catholiques, il l’est également pour les orthodoxes.
Nicolas est aussi le saint patron de la Russie. Il est donc dommage que le Patriarche orthodoxe Cyrille de Moscou – qui est par ailleurs en contact direct avec le Président russe Vladimir Poutine – ne se rende pas personnellement à Bari, mais il y déléguera son "ministre des Affaires étrangères", le métropolite Hilarion de Volokolamsk.
Répondront également présents à l’appel à Bari: le Patriarche œcuménique Bartholomée de Constantinople, le Patriarche syriaque-orthodoxe d’Antioche Ignace Ephrem II Karim, le Baba copte-orthodoxe Tawadros II d’Alexandrie, le Catholicos arménien Aram I Kechichian de Cilicie, le Patriarche gréco-orthodoxe d’Alexandrie Theodoros II, et les dirigeants des sept Églises catholiques en Orient. Sept Églises catholiques? "Oui, c’est notre réalité", nous explique Souraya Bechealany, du Conseil des Églises du Moyen Orient (Cemo.
Conseil des Églises du Moyen-Orient
Quand Michel Jalkh est devenu recteur de l’université maronite-antonine de Baabda au Liban, cette théologienne libanaise maronite a été sollicitée, en janvier dernier, pour reprendre la fonction de Secrétaire générale de ce conseil œcuménique. Pour le Conseil des Églises au Moyen-Orient (Cemo), le concept d’une "famille d'Églises" est fondamental, car son fonctionnement consensuel est basé sur ce principe. Le conseil est présidé par quatre co-Présidents et les décisions sont prises par consensus par quatre "familles d'Églises", lesquelles délibèrent chacune au préalable, en leur sein, avec leurs Églises-membres.
Il y a la famille dite "évangélique" (c’est-à-dire les protestants et les anglicans), la famille "orthodoxe", la famille "orthodoxe orientale" et enfin la famille "catholique", qui a rejoint le Cemo en 1990. La famille "catholique" comprend l’Église maronite, l’Église arménienne-catholique, l’Église copte-catholique, l’Église chaldéenne – dont le nouveau Cardinal Louis Raphaël Ier Sako, qui fait fonction de co-Président "catholique oriental" du Cemo –, l’Eglise gréco-melkite, l’Église syro-catholique et enfin le Patriarcat latin de Jérusalem, qui fait partie de l’Église latine mondiale.
"Hélas une partie de notre corps nous manque", note Souraya Bechealany: "l'Église assyrienne ou l’Église de l’Orient". Ces orthodoxes assyriens sont dits "nestoriens", depuis leur rejet du Concile œcuménique d’Ephèse en 431. Ce Concile a condamné la christologie de Nestorios, alors Patriarche de Constantinople, selon lequel il existe deux personnes dans le Christ. Le Concile d’Ephèse a quant à lui définit dogmatiquement qu’il existe, dans l’unique personne du Christ, deux natures: la nature divine et la nature humaine… Certains s’opposent dès lors, aujourd’hui encore, à l’intégration de "l’hérésie" nestorienne au sein du Cemo.
Croire en la prière commune
"Devons-nous aller à Bari pour être ensemble et nous concerter? En principe non. Mais le pape joue un rôle-clé sur le plan ecclésial et international, donc son initiative est certainement la bienvenue". Or, dès avant la rencontre, une petite victoire a été acquise: le Catholicos assyrien Gewargis II sera aussi présent. "Toute initiative est la bienvenue quand il s’agit de coopération avec les chrétiens d’Orient pour mieux faire appréhender leur situation dans l’opinion publique et pour les soutenir. Par ailleurs, ne considérons pas la prière commune comme une formalité. Ne croyons-nous pas que lorsque deux se rassemblent en Son nom, le Christ est parmi eux, et que son Esprit suscite la Pentecôte? Il faut croire en la prière pour qu’elle porte du fruit. Plus nous prions ensemble, plus nous formons le Corps commun du Christ et nous grandissons dans l’unité pour laquelle Il a Lui-même prié".
Benoit Lannoo