Le discours d’Emmanuel Macron au Collège des Bernardins a ses limites. La journaliste Charlotte d’Ornellas y décèle un certain relativisme, un aspect contradictoire et démagogique. Tandis qu’il suscite les critiques de la gauche, il n’est pas non plus salué par tous les catholiques.
Dans le discours qu’il a tenu au Collège des Bernardins, lundi 9 avril, le président français Emmanuel Macron affirme qu’il lui importe de « réparer le lien entre l’Eglise et l’Etat qui s’est abîmé ». « Une Eglise prétendant se désintéresser des questions temporelles n’irait pas au bout de sa vocation, ajoute-t-il ; et […] un président de la République prétendant se désintéresser de l’Eglise et des catholiques manquerait à son devoir ». Ce discours a suscité de vives critiques de la gauche, comme le rapportait un article précédent. Mais le discours du locataire de l’Elysée sert-il effectivement les catholiques de France et, avec eux, le Christ ? Pour la journaliste Charlotte d’Ornellas, rien n’est moins sûr. Elle s’est exprimée hier, dans l’Heure des Pros sur CNews.
Démagogie
Pour la journaliste catholique, Macron » poursuit sa méthode de communication » et « enrobe son discours ». « Il dit exactement aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre », notamment sur la question des racines chrétiennes de l’Europe. Le Président a affirmé à ce sujet : « On a débattu comme du sexe des anges des racines chrétiennes de l’Europe. Et […] cette dénomination a été écartée par les parlementaires européens. Mais après tout, l’évidence historique se passe parfois de tels symboles ». Une déclaration qui n’engage à rien, signale Charlotte d’Ornellas: « Une fois qu’on a dit ça, ça n’engage pas à grand-chose. Les catholiques sont contents de l’entendre, surtout de la bouche du Président, mais ça ne veut rien dire sur la suite ».
Contradiction
Par ailleurs le discours d’Emmanuel Macron n’est pas exempt de contradiction, poursuit la journaliste. D’une part, il déclare : « Ce qui grève notre pays […] ce n’est pas seulement la crise économique, c’est le relativisme ; c’est même le nihilisme ». « Evidemment, souligne Charlotte d’Ornellas, l’Eglise catholique, notamment avec Benoît XVI, remet en cause le relativisme et le nihilisme ». Or le discours du Président Macron présente la religion catholique parmi d’autres religions ou philosophies variées : « Je souhaite que chacun de nos concitoyens puisse croire à une religion, une philosophie qui sera la sienne, une forme de transcendance ou pas, qu’il puisse le faire librement ». La liberté religieuse étant affirmée, le catholicisme se trouve au même plan que les autres religions ou philosophies. Dans le discours de Macron, le catholicisme n’est jamais qu’une religion parmi d’autres, « ce qui est très relativiste », note Charlotte d’Ornellas. Et le Président ne manque pas de rappeler que c’est la république qui chapeaute une telle perspective. Il demande donc de « respecter absolument et sans compromis aucun toutes les lois de la République ».
Relativisme
Mais admettons : voici donc une république dans laquelle le catholicisme est une option parmi d’autres. Jusqu’où Macron est-il prêt à entendre les catholiques ? Aux dires du président français, on serait presque tenté de croire que le catholicisme se limite à poser des questions, qu’il ne serait que questionnement: « Les questions qui sont les vôtres ne se bornent pas aux intérêts d’une communauté restreinte. Ce sont des questions pour nous tous, pour toute la nation, pour notre humanité toute entière. Ce questionnement intéresse toute la France non parce qu’il est spécifiquement catholique, mais parce qu’il repose sur une idée de l’homme, de son destin, de sa vocation, qui sont au cœur de notre devenir immédiat ». Or, Charlotte d’Ornellas l’affirme : « l’Eglise a plus à apporter que des questions ».
Elle rappelle enfin la différence entre les racines chrétiennes de la France et celles de la république: « les Lumières ont fondé la République », sous-entendu: pas la France.
MMH
Image: CC-BY-SA EU2017EE Estonian Presidency