Fahd, Mariam et leur fille Buthaina sont arrivés en Belgique le 26 mars dernier. Accueillis et accompagnés au quotidien par l’unité pastorale de Lessines, ils s’installent doucement dans leur nouvelle vie. Loin de leur Syrie natale dévastée et du Liban, où ils se sont réfugiés pendant plus de deux ans dans l’attente d’un avenir meilleur.
Fin novembre 2017, un accord était signé entre le Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration Theo Francken, la Communauté de Sant’Egidio et les chefs de cultes des Eglises et religions reconnues en Belgique. L’objectif du couloir humanitaire ainsi instauré était de permettre à 150 réfugiés syriens vulnérables de quitter la Turquie ou le Liban avec un visa humanitaire, pour s’établir en Belgique et y faire une demande d’asile. L’Eglise catholique s’est engagée à prendre en charge une centaine d’entre eux à travers ses différents diocèses.
Grâce à cet accord, Fahd (73 ans) et Mariam (59 ans), accompagnés de leur fille Buthaina (42 ans), ont atterri à l’aéroport de Bruxelles-National le lundi 26 mars 2018. Le doyen de Lessines, Michel Myle, est allé les y accueillir, son unité pastorale s’étant proposée pour abriter les premiers réfugiés du diocèse de Tournai. Pour les recevoir au mieux, tout un travail a été effectué en amont par le doyen et le vicaire Pierre Kungi, secondés par des bénévoles : « On a trouvé un grand appartement dans le centre de Lessines », explique le doyen. « Il a fallu le préparer, le nettoyer, récupérer des meubles, des vêtements… »
Et c’est une vraie solidarité qui s’est ainsi mise en marche : la société Saint-Vincent de Paul, des habitants déjà engagés sur la plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés, d’autres qui s’occupent du vestiaire installé dans les locaux des Pères Lazaristes, et puis des paroissiens qui se sont manifestés spontanément pour apporter leur aide. « C’est une situation vraiment exceptionnelle, cette famille est très entourée grâce à un magnifique élan de solidarité », s’enthousiasme Patrick Plateau, responsable de Caritas Hainaut et lui aussi partie prenante de cette belle aventure.
Des années d’errance
Fahd et Mariam cultivaient des vignes dans un village proche de Homs, une métropole ravagée par les combats. Jusqu’à ce que leur ferme soit totalement détruite et que Daech anéantisse tout sur son passage. Chrétiens orthodoxes de culte syrien, Fahd et Mariam soulignent la cohabitation qui régnait entre les personnes de religions différentes, dans cette région à majorité musulmane. Et puis sont venus les soldats de Daech : « Cela a été la fin de tout ; quelle que soit la religion des gens, ils tuaient tout le monde », relaie Hassan, notre traducteur. « Même les animaux », ajoute Mariam dans un souffle…
Il a alors fallu fuir. D’abord à environ 150 kilomètres de là, à Damas, chez le frère de Fahd. Les deux fils et les deux filles de Fahd et Mariam, eux, vivaient déjà dans la capitale syrienne, pour y travailler. Quelques semaines plus tard, l’exil se poursuit à Beyrouth, au Liban. Leur fille Buthaina les y rejoint après la perte de son mari, qui était malade. Là-bas, se loger coûte très cher et le travail est mal payé. Pendant plus de deux ans, la famille va se serrer à huit personnes dans une seule chambre.
Au Liban, ils retrouvent le père Jacques, qui vivait avant dans leur village et qui a suivi tous ces réfugiés pour leur venir en aide. C’est par son intermédiaire qu’ils entrent en relation avec la communauté de Sant’Egidio, ce qui leur permettra plus tard d’être inscrits pour bénéficier du couloir humanitaire vers la Belgique. « C’est le critère de vulnérabilité qui a présidé à la ‘sélection’ des personnes », explique Patrick Plateau. « La communauté Sant’Egidio a choisi les familles les plus en danger, ayant besoin de soins médicaux ou séjournant depuis le plus longtemps au Liban. »
Un départ précipité
Le 13 mars, Fahd, Mariam et Buthaina apprennent qu’ils vont pouvoir partir. À peine dix jours plus tard, ils reçoivent leur visa… et s’envolent le jour-même pour la Belgique. Un départ rapide vers une nouvelle vie. Et vers de très nombreux défis. Apprendre notre langue est leur priorité. Déjà, ils prononcent quelques mots avec un grand sourire : « bonjour », « merci ». Pour le reste, le doyen Michel Myle se rabat sur les traductions de Google.
Et puis il faut effectuer des tonnes de démarches administratives, tenter d’ouvrir un compte bancaire, installer une connexion internet et acheter une carte SIM. « Ils sont fort en demande de connexion », insiste Patrick Plateau. « Pour avoir des nouvelles de leurs enfants et petits-enfants restés là-bas. »
Certes, il fait froid, en Belgique. Mais l’accueil des gens, lui, a été particulièrement chaleureux. « Les gens sont très très gentils », insiste Buthaina. À Damas, elle travaillait dans une manufacture de chaussettes. Ici elle ne sait pas encore vers quel métier elle pourra s’orienter. Coiffeuse, peut-être, cela lui plairait bien et elle est prête à se former. Tous espèrent pouvoir faire venir un jour le plus jeune fils de la famille, âgé de 34 ans. Le fils aîné, lui, est déjà inscrit pour rejoindre le Canada, tandis que sa sœur, mariée à un Egyptien, pense s’établir dans le pays d’origine de son époux.
Rêvent-ils de pouvoir un jour rentrer en Syrie, quand la guerre sera terminée ? La réponse fuse, immédiate, unanime. « Non, jamais ». Et quand on leur demande la raison de ce rejet catégorique, c’est une réalité faite de violence et de traumatismes profonds qui refait surface : « On entend encore le bruit des bombes »…
Lire aussi : Procédures et intégration
Pour en savoir plus : le site de la communauté Sant’Egidio
La famille arrivée à Lessines peut compter sur le soutien de la communauté locale et de Caritas Hainaut pour venir à bout des démarches administratives, s’installer et démarrer une nouvelle vie |